Roadkill

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16/20
Nom du groupe Manilla Road
Nom de l'album Roadkill
Type Live
Date de parution 1987
Style MusicalHeavy Metal
Membres possèdant cet album28

Tracklist

1. Dementia 03:08
2. Open the Gates 02:15
3. Mystification 05:25
4. The Deluge 07:21
5. Masque of the Red Death 05:06
6. Witches Brew 05:21
7. Spirits of the Dead 04:12
8. Far Side of the Sun 05:57
9. Death by the Hammer 03:44
10. Shadows in the Black 05:25
11. Hammer of the Witches 02:42
12. Taken by Storm 03:21
13. Friction in Mass 06:31
14. Rest in Pieces 01:49
15. Isle of the Dead 02:54
Total playing time 1:04:11

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Manilla Road


Chronique @ Hibernatus

18 Avril 2021

They'd done a good job. Maybe too good. Maybe far, far too good

Après « Mystification », Mark Shelton négocia avec Black Dragon la sortie d'un album live. Le matériau serait tiré de la tournée de Manilla Road avec Liege Lord. Américaine, bien sûr, la tournée, le groupe ne mettra pas les pieds en Europe avant 2000. Pendant longtemps, ce « Live Roadkill » servira d'unique référence pour apprécier la prestation scénique de la formation canonique de Manilla Road : Randy « Thrasher » Foxe à la batterie, Scott Park à la basse et le Shark à la guitare et au chant. Il est d'autant plus regrettable que des options de production imposées par le label français en aient amoindri la portée artistique.

Question production, le travail au Miller Studio (près de Wichita, Kansas) des frères Merhoff et de Larry Funk est irréprochable. Souvent critiqué sur ce point, Manilla Road n'a pas à rougir du résultat, infiniment supérieur à celui de « Mystification ». Le son est clair, voix et instruments bien audibles individuellement ; j'ai pu entendre des lives de l'époque au son beaucoup plus pauvre.

Côté contenu, on a un titre de « Metal », deux d'« Open the Gates », deux du « Deluge » et trois de « Mystification ». Eh quoi, rien de « Crystal Logic » ? Mais que fait la police ? Aucune chance, la faute incombe à cette tête de mule de Randy Foxe qui refusait d'interpréter les titres composés avant son intégration au groupe. Vous me direz qu'il y a bien là Far Side of the Sun, de 1982. C'est une des choses qui rend l'album précieux, il s'agit d'un des rares titres anciens qu'il consentait à jouer.

Cela dit, il ne l’interprète pas : il l'explose, il le volatilise. « Metal » proposait en 1982 un Heavy un poil en retrait des standards de l'époque, et il faut bien convenir que la version d'origine de Far Side of the Sun, certes emplie d'un charme vintage, était plutôt mollassonne. Sur ce qui était manifestement une fin de concert, l'énergique harangue introductive du Shark ne laisse planer aucun doute : « here we goooo, Mr Thrasher, take us away ! » : on va en prendre plein la poire. T'as raison ! Emportés par une frappe de grizzly de Foxe, on voit les deux anciens joailliers se complaire à profaner la version d'origine, basse de mammouth de Park et voix hystérique de Mark. Magnifique exemple d'une vraie dynamique de groupe, et qui montre combien Manilla Road a toujours été un collectif dépassant le seul génie de composition de Shelton.

Ce n'est pas anodin : Manilla Road était à son apogée Heavy Thrash : après « The Deluge » et « Mystification », avant « Out of th Abyss ». On joue rugueux, emportés par la fougue d'un Foxe qui n'est pas là par hasard, et on chante avec de forts contrastes, avec un Shark à l'optimum de sa maîtrise vocale.

Dementia est interprété conformément à son titre, aux confins de la folie. Son suivant, Open the Gates, est contaminé par l'insanité, plus féroce et dérangeant que le solennel original. The Deluge est forcément une version épurée, les multiples couches de guitares étant impossibles en live : les coups de boutoir de Park et la batterie ronflante et volubile de Foxe n'en prennent que plus de relief, rehaussant les magistraux et majestueux leads du Shark. La voix de Mark Shelton est magnifique, il se permet tout dans cette époque de grâce, même s'il le paiera cher au bout du compte (rupture des cordes vocales, mais bah, c'est le Rock'n Roll, non?).

Jusqu'à la fin, Mark a gardé une affection particulière pour « Mystication ». L'album était alors tout frais : les titres qui en sont extraits supplantent ici l'original studio, sans aucune considération pour la production d'origine. L'interprétation est tout simplement splendide. Un Spirit of the Dead haletant, troublant d'intensité, mais finalement proche de l'original ; un Masque of the Red Death déchiqueté, introduit par un bouillonnement de guitare et exécuté au pas de charge ; et la plus superbe des versions de Mystification qu'il m'ait été donné d'entendre, et j'y ai pourtant eu droit à chacun de mes concerts de Manilla Road.

Et puis il y a le public. Important non, le public dans un live ? C’est là qu'on touche à l’énorme bémol qui vient plomber l'appréciation de « Live Roadkill ». Le public, il est... juste énorme. Entendez l'expression au sens littéral, de « seulement énorme ». Il fait un bruit de plusieurs milliers de personnes, il est puissant et s'introduit dans le moindre interstice des morceaux. Il est pourtant sans ferveur, il est anonyme, il est sans rapport aucun avec le déroulé des titres. En vérité, c'est juste un fake imposé par Black Dragon exigeant un maximum de « crowd noise ». Le public d'origine a donc été supplanté par un colossal concert de beuglants qui pourraient aussi bien acclamer Justin Bieber que Donald Trump.

Oh, c'est fort bien fait, le mixage est parfait : les harangues de Shelton s'insèrent sans problème dans l'apparent enthousiasme d'une foule factice. On atteint quand même des sommets de ridicule avec l'intégration de vociférations de masse ponctuées de sifflets dans la délicate introduction de Witches Brew : lorsque Manilla Road l’exécute en public, on a plutôt droit à un silence religieux seulement troublé par quelques crétins qui tentent de chanter avec le Shark (votre serviteur, par exemple).

La honte, pour un groupe aussi intègre que Manilla Road. Le premier gros accroc avec Black Dragon ; Mark Shelton en fut à juste titre ulcéré. Le groupe de Wichita n'a jamais joué devant un stade entier, malgré l'influx d'ego que cela doit procurer, je ne pense pas que le Shark aurait apprécié ce style de concert. Selon ses dires, la plus grosse affluence qu'il ait connue fut sa prestation au Hellfest 2013, et pour avoir été là, je n'ai pas eu l'impression que l'assistance était des plus conséquentes. Mais je n'étais pas sur la scène et le Shark doit savoir de quoi il parle.

Cette énorme faute restreint l'intérêt d'un album aux pourtant grandes qualités, mais qui intéressera surtout les collectionneurs. Les nouveaux venus gagneront à se tourner vers des alternatives plus récentes. High Roller sortira en 2017 l'album « Roadkill – The Raw Tapes », avec une piste supplémentaire (Book of Skelos) : ne l'ayant jamais écouté, je n'en dirai rien de plus. Mais surtout, en 2019 Golden Core produit l'édition ultime, « Roadkill Tapes & Rarities », qui révèle les 13 titres enregistrés lors de la tournée de l'époque et parmi lesquels furent sélectionnés ceux du « Roadkill » de 1987. Avec le vrai public, s'il vous plaît.

Ajoutons que « Live Roadkill » fut le premier disque de Manilla Road à sortir en LP et en CD. Black Dragon n'a pas tous les défauts sur ce coup, il profitera de la capacité plus importante du CD (alors plus cher) pour ajouter 7 pistes supplémentaires extraites de son catalogue : une attention qui n'effleurait que bien rarement des labels beaucoup plus importants.

Randy Foxe se roula par terre de rire en découvrant le produit final et son public surgonflé ! On lui laissera les derniers mots, d'une admiration sarcastique : « They'd done a good job. Maybe too good. Maybe far, far too good ».

4 Commentaires

14 J'aime

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samolice - 19 Avril 2021:

Merci pour cette nouvelle chro sur le grand MR.

Je n’ai toujours pas ce live en physique,  je l’ai juste écouté quelques fois via YT. Je viens d’ailleurs de voir que j’avais apparemment mis une note à ce skeud sur SOM. Ben je pige pas trop comment vu que je ne le possède pas ! On dégage donc la note.

De ce dont je me souviens, c’est que ce live m’éclate bien davantage que le « After Midnight Live » enregistré live à la radio à Wichita en décembre 1979 et pour lequel il faut quand même sérieusement s’ccrocher au pinceau pour suivre.

Je n’ai jamais fait gaffe au bruit du public tiens ! Je vais me le repasser. Excellente anecdote que cette volonté de Black Dragon de gonfler l’ambiance, merci JL.

PhuckingPhiphi - 20 Avril 2021:

Ha ben du coup, j'ai commandé "Roadkill Tapes & Rarities", tiens ! Parce que Manilla Road devant une foule de 20000 personnes en 1987, en effet, je crois que ça m'aurait semblé louche…

C'est le grand retour du grizzly ? ;)

Merci pour la Kro(ad Kill) ! :)

adrien86fr - 20 Avril 2021:

Superbe article, merci JL pour ces infos et anecdotes passionnantes.

PhuckingPhiphi - 23 Avril 2021:

Une interview fort instructive d'Andreas "Neudi" Neuderth (batteur de Manilla Road de 2011 jusqu'à la dissolution du groupe à la mort de Shelton en 2018) sur le lien ci-dessous :

https://www.youtube.com/watch?v=L5S16m-UJuI

Il y est principalement question de l'édition du double-CD "Roadkill Tapes & Rarities", mais il aborde – évidemment – aussi la version originale dont il est question ici.

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