The Courts of Chaos

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17/20
Nom du groupe Manilla Road
Nom de l'album The Courts of Chaos
Type Album
Date de parution 1990
Style MusicalHeavy Metal
Membres possèdant cet album72

Tracklist

1. Road to Chaos 04:44
2. Dig Me No Grave 04:21
3. D.O.A. (Bloodrock Cover) 07:02
4. Into the Courts of Chaos 05:23
5. From Beyond 05:05
6. A Touch of Madness 07:03
7. (Vlad) the Impaler 03:27
8. The Prophecy 07:01
9. The Books of Skelos 08:10
a/ The Book of the Ancients
b/ The Book of Shadows
c/ The Book of Skulls
Bonustrack
10. Far Side of the Sun (Live) 05:56
Total playing time 58:11

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Manilla Road


Chronique @ Hibernatus

14 Juin 2016

Les sublimes convulsions du Phénix à l'agonie

Crépusculaire : telle est la tonalité d'un album qui va longtemps être synonyme du testament de Manilla Road. Comme à l'accoutumée, le groupe innove : il choisit cette fois de nimber sa musique de claviers sépulcraux. Ils enrobent et illuminent les sublimes convulsions du Phénix à l'agonie. Beaucoup plus sage que sur les deux dernières productions, le groupe revient vers des compositions globalement mid-tempo, plus en phase avec son génie, mais dont l'ambiance douce-amère interpelle. Des titres plus énergiques sonnent toutefois comme un gros contrepoint, refusant l'inéluctabilité d'une débâcle annoncée.

Here I stand like a rock
Born and bred to survive

C'est que le trio de Wichita est en pleine décomposition. Il est tout d'abord miné par les dissensions internes. Scott Park, le bassiste, sombre lentement dans l'alcoolisme et se retrouve à couteaux tirés avec le batteur Randy Foxe, qui ne boit que de l'eau. Les deux gaillards ne peuvent plus se voir en peinture et enregistreront leurs parties instrumentales de façon rigoureusement séparée, pour ne pas avoir à se croiser dans le studio. Corollaire de cette déliquescence, au terme d'une résistance de longue haleine, Shelton donne de guerre lasse son aval à Randy Foxe, amateur de nouvelles technologies : sa batterie est entièrement trigée, ce qui lui donne un aspect synthétique tout à fait inhabituel dans cet enregistrement. Enfin, le tournant des années 90 n'est guère favorable au Heavy Metal. Encore confiant à la sortie de « Out of the Abyss », le désormais semblant de groupe se voit confronté à l'érosion des ventes et au soutien en chute libre de son label Black Dragon en proie à des difficultés financières croissantes. Il ne fait pas bon faire alors partie de l'Underground du Heavy, tant pour le groupe que pour sa maison de disques. Manilla Road peut à bon droit penser avoir laissé passer sa chance, incapable d'avoir pu faire une tournée en Europe où se situe une bonne part de sa fan-base...

Metal is dead so I've heard
But not while I'm still above ground

Le sinistre artwork de l'album illustre l'ambiance. Derrière un horizon de pics déchiquetés rougeoie le soleil couchant ; une piste sinueuse, bordée de gibets et de roues haut perchées à la Jérôme Bosch, serpente vers une montagne en forme de crâne. Le graphisme naïf pourrait rappeler celui de « Crystal Logic » : mais en lieu et place du trio de guerriers exultants face à l'objet de leur quête chemine tristement une troupe dépenaillée en route vers quelque peu enviable destin.

La production de cet album est unique dans la discographie du groupe et contribue à unifier des titres encore plus hétérogènes que ceux de « Out of the Abyss ». Elle surprend d'ailleurs bizarrement les fans de la première heure, habitués à un son plus raw. On a évoqué les claviers, la batterie samplée, mais ce sont jusqu'à certaines parties de guitare qui seront travaillées électroniquement. Le tout avec la même équipe créditée dans les disques précédents, preuve que quand on veut on peut. Mais justement, on ne veut pas : tout en concédant que le son de « The Courts of Chaos » est excellent, Shelton ne voudra pas renouveler l'expérience, notamment pour ce qui est de la batterie. Et je vous rassure : onze ans plus tard, l'album de la renaissance (car oui, le phénix va renaître) aura une production aussi pourrie que les œuvres de jeunesse de Manilla Road !

I may not be at the top
But still it's good to be alive

Les claviers, on l'a dit, singularisent nettement ce disque. Ce n'est pas leur première intrusion dans la musique de Manilla Road, remember « The Deluge », entre autres, mais ils frappent ici tout particulièrement l'auditeur. Ils ne concernent pourtant que quatre titres sur neuf, mais quels titres ! Évoquons d'abord le plus atypique et déconcertant : « D.O.A. ». Seule et unique reprise jamais enregistrée par Manilla Road, elle est empruntée à Bloodrock, groupe de Rock texan mondialement connu (une médaille en chocolat pour celui qui me prouve qu'il connaissait). Shelton transfigure et dynamise ce titre lancinant par une voix et un jeu de guitare beaucoup plus puissants, emmenés par des claviers lugubres, et ajoute une partie instrumentale et enlevée de toute beauté. Signalons par ailleurs une version plus récente de ce titre : dans le disque bonus de la version digipack de son album de 2015, Virgin Steele en donne une interprétation proprement glaçante, où les feulements démoniaques et suraigus de DeFeis font merveille.

I was a rocker from birth
A rocker i'll be till I die
Scortching the face of the earth
Bringing the music to life

L'opener de l'album, « Road to Chaos », est presque aussi déroutant : c'est un instrumental, exercice relativement rare chez la bande à Shelton, où des claviers sinistres et flûtés le disputent à la guitare ; cette dernière joue une partie plus positive et énergique, mais peine à surmonter l'irréductible mélancolie qui anime les claviers. Un titre magique, le meilleur instrumental du groupe. Sur les deux derniers titres agrémentés de claviers, ces derniers se font plus subordonnés : c'est clairement la guitare et la voix qui mènent la danse. « Into The Courts of Chaos » est un éblouissant mid-tempo à la composition raffinée, mais qui contribue à insuffler un surcroît d'énergie au disque (il est à noter que l'inspiration ne doit rien au cycle de princes d'Ambre, de Zelazny). Sur un rythme à peine plus soutenu, « The Prophecy », avec des claviers encore plus en arrière, qui toutefois prennent de l'ampleur sur la fin, est un retour éblouissant vers l'incomparable sens de l'épopée de Shelton. Intense de bout en bout, il laisse s'exprimer chaque instrument, non sans nous gratifier d'une suite de leads particulièrement sublimes. Incontournable. Ah, j'oubliais : les claviers sont interprétés par Randy Foxe, le poulpe de service : en concert, il les exécutait en même temps qu'il assurait le service de sa batterie de dément. Complètement bluffant !

Feeling the flow of the chops
Wether be music or flesh
This is where sanity stops
But don't dig a grave for me yet

Il n'y a pas d'autres claviers sur le reste de l'album. Deux titres sont d’architecture similaire, avec une montée aux extrêmes dans la cadence et dans le ton, mais leur traitement est fort dissemblable. Lovecraftien en diable, « From Beyond » est sombre et saccadé, riche en ruptures de rythme et en variations harmoniques ; il est animé par une scansion parfaite d'unisson entre la basse et la batterie des deux frères ennemis ; et il culmine dans un apogée de la tentation Thrash du groupe. Bon sang, Shelton en est presque à growler dans les derniers développements ! Titre absent de la version vinyle d'origine et seulement révélée aux acquéreurs du CD (à l'époque, les CD étaient plus chers), « The Book of Skelos » reproduit une semblable montée en intensité, mais point de Thrash ici, même si le final est particulièrement ébouriffant : on est en présence d'un titre épique pur jus de Manilla Road, qui met en musique une nouvelle de R. E. Howard. Plus complexe, « A Touch of Madness » oscille entre passages lents, riffs lourds et agaceries Speed, serpente en suivant les fils sinueux d'une ligne vocale dérangeante et variée, explose sur un solo très sheltonnien : que du bonheur. On regrettera, par contre, sinon la faute de goût, du moins le morceau très en retrait qu'est « Vlad (the Impaler) ». Tant au niveau de la musique que des lyrics, il reste très loin de tout ce qui a été décrit.

Flying on high like a bird
Nothing can ever shoot down

Mais baste, ne terminons pas sur cette note ronchonne, j'ai gardé le meilleur pour la fin : mon titre préféré de l'album, « Dig me no Grave » (dont les paroles ont aéré dans le désordre les paragraphes de cette trop longue chronique). Pas forcément le meilleur, ni le plus original ; mais, en plus d'être une tuerie propre à briser le cou du plus souple et musclé des headbangers, il est assurément le plus émouvant une fois mis dans son contexte. Le monde de Shelton s'écroule ; son groupe part à vau-l'eau ; le succès ardemment courtisé et juste entrevu s'enfuit hors de portée. Qu'importe : le Shark a encore la force de lancer ce formidable cri de défi, de jeter avec panache son gant à la face d'une adversité sommée de ne pas l'enterrer trop vite. Un riffing ivre d'une rage vengeresse animée par une voix monocorde et déterminée, émaillé d'un solo plein de fureur à peine contenue, donne vie à un morceau immortel qui me donne le frisson à chaque écoute.

Que tous les petits jeunes amateurs de Rap en prennent de la graine : la puissance du Metal de Manilla Road est infiniment plus à même d'exprimer la révolte et la colère. Mais laissons le dernier mot au Shark :

This is the dream of my life
This is the life of my dream
It's a hard road to survive
But nothing comes easy or free
Seems to be so little time
But life is an eternity
I haven't made my last rhyme
So keep your damm dirt off of me

DIG ME NO GRAVE !

4 Commentaires

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Elevator - 15 Juin 2016: Bravo encore une fois pour une remarquable chronique qui non seulement décrit bien l'album mais fait aussi rejaillir la passion de son auteur pour le groupe. En ce qui me concerne, cet album est carrément mon favori de leur discographie, le dernier coup d'éclat avant une période de doute.
samolice - 21 Juin 2016: Splendide! Merci. Les paroles de "Dig me no grve" prennent tout leur sens à la lecture de ton texte. J'ai encore appris plein de trucs, comme les dissensions au sein du groupe à cette époque. Je ne pensais pas que c'était à ce point. Je comprends mieux le long break qui a suivi.
Et on arrive bientôt à "Voyager" :-)
samolice - 20 Novembre 2016: J'écoute pas mal ce skeud en ce moment et je l'apprécie de plus en plus alors qu'il m'avait un peu rebuté à sa sortie. Comme quoi. En relisant ton texte, j'ai constaté que tu as très justement évoqué la production, "originale" pour le groupe, de cet album. Mais c'est qu'elle serait presque bonne cette prod' :-)
Et "Dig me no grave", putain, magistral le riffing. Maintenant, j'attends toujours ta chro de "Voyager", accélère ami palmidé!
Volesprit - 06 Mai 2018:

Mon préféré juste derrière The Deluge.
Une ambiance incroyable.

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