Le propre des grands groupes est leur capacité de rebond après un passage à vide. «
Playground of the Damned » (2011), indigent et poussif, était le produit d'une formation qui semblait à bout de souffle. Le premier
Hellwell, projet parallèle de Shelton, nous rassure dès l'année suivante sur ses réserves de gnaque et de créativité. Restait à en faire profiter sa formation phare,
Manilla Road : mission accomplie avec l'excellent «
Mysterium » de 2013.
Aux anciens Mark Shelton et Bryan Patrick vient s'agréger du sang neuf. Le jeune bassiste Josh Castillo apporte son impeccable technique et sa totale implication dans le groupe. Le moins jeune Andreas Neuderth, dit Neudi, remplace à la batterie le brillant Cory Christner, insatisfait et de moins en moins en phase avec la formation. Ce n'est pas ce qui risque d'arriver avec l'Allemand Neudi, dont le maître à battre s'appelle
Randy Foxe et qui créa bénévolement le premier site internet officiel de
Manilla Road.
Les troupes sont en ordre de marche, qu'en est-il de l'inspiration du maestro ? Le Shark se ressource avec ses enfants à travers un voyage en Irlande et en Écosse, sur les traces de ses origines celtiques. Il en ramène un riche matériau d'images et de légendes qu'il va décliner sur pas mal de titres de
Mysterium. La sérénité retrouvée, les affaires reprennent.
Sinon un grand
Manilla Road, l'album est un bon
Manilla Road, qui tient bien sur la durée : on y revient sans lassitude et un plaisir intact. Désormais distribué par Golden
Core sous un bel emballage (digipack soigné, vinyle qui jette),
Mysterium bénéficie d'une production inhabituellement claire et équilibrée, concoctée aux
Cornerstone Studios de Wichita. Essentiellement ancré sur le mid tempo plus ou moins rapide qui fait la force du groupe, la galette inclut des pistes plus atypiques, sans dégât sur la cohérence d'ensemble.
C'est peut-être une question de sensibilité, mais je trouve un peu en retrait les titres les plus posés, par trop lancinants : Do what thou
Will et le patriotique Hallowed Be thy Grave (le père de Shelton a été, je crois, militaire et lui-même a contracté un bref engagement chez les US Marines). J'apprécie plus la fougue des 4 premiers morceaux et celle du premier de la face B.
Très denses, agressifs à souhait, la partie rythmique y est très mise en avant, la basse de Castillo claque joliment, la batterie de Neudi tabasse ; plus brefs que d'habitude, les soli de Shelton y restent enchâssés, ce qui renforce le punch de la musique. The
Grey God Passes, The Battle of Bonchester Bridge, l'ébouriffant
Stand Your Ground et, dans une moindre mesure, Only the
Brave sont de très bons moments. Ajoutez des claviers au sinistre Hermitage et son histoire d'un Gilles de Rais écossais, vous obtenez un morceau qui ne déparerait pas un album de
Hellwell.
Le goût de tout un chacun pourra varier, mais je trouve pour ma part pleinement réussis les derniers titres, les plus insolites, ainsi que leur intégration dans un album qui n'est finalement pas si rentre-dedans.
Shelton jouant en acoustique, ce n'est pas incongru, on l'a déjà vu à l'œuvre. Le dernier en date était
Tree of
Life dans «
Voyager ». Mais avec The Fountain, on découvre une chanson purement Folk Rock, avec la voix du Shark accompagnée de sa seule guitare sèche. Distribué très confidentiellement en 2009, l'album «
Obsidian Dream » n'aura révélé qu'à de rares élus cette facette de l'art sheltonien, il faudra attendre l'édition Golden
Core 2015 pour la voir révélée au vulgum pecus comme vous et moi. Très beau titre que ce Fountain au texte poétique évoquant l'inlassable soif de vie et de découverte animant l'ami Mark.
Parlons de découverte, justement. Le titre éponyme et son introduction instrumentale The Calling exaltent la mémoire de la branche allemande de la famille Shelton, plus précisément celle de son arrière-arrière grand oncle Ludwig Leichhardt, grand explorateur auquel l'Australie a dédié le nom d'une de ses villes.
The Calling est intriguant à souhait, mélange de bruits, de claviers flûtés et de samples (la pluie diluvienne est une allusion aux abats d'eau qui mirent fin à la 2e expédition de Leichhardt) : sans équivalent chez
Manilla Road, il établit l'ambiance nécessaire à la mise en place d'un intimiste
Mysterium de plus de 11mn, non moins atypique.
L'enchaînement avec The Calling, c'est près de 3' de voix douce portée par de l'acoustique, auquel succède un solo introduisant un renforcement central ; un lead traînant vient précéder une reprise au caractère plus dramatique ; une dernière partie instrumentale se termine sur des accents à la
War of the Gods d'«
Atlantis Rising » avant de s'éteindre sur un fade out mêlé de samples qui renvoient à The Calling. On aime ou pas, mais c'est un bel hommage de Shelton à son illustre aïeul.
On ne saurait parler de «
Mysterium » sans évoquer le bonus disc : le seul DVD officiel de
Manilla Road enregistré au
Hammer of
Doom de 2011. Irremplaçable, il n'y en aura plus. Il répare une injustice en illustrant les qualités de frontman d'un Bryan Patrick fort peu mis en valeur sur les albums et dont l'exemplaire complémentarité vocale avec Mark crève la vue et les oreilles. On admirera les performances de guitar hero du Shark s'amusant à poursuivre avec fluidité son solo en brandissant sa guitare derrière la tête. On se délectera de l'art d'enchaîner les classiques avec le mix Masque of the
Red Death / Death by the
Hammer /
Hammer of the
Witches /
Witches Brew.
Excepté le trop confidentiel concert de 2008 à Colmar, l'année 2013 marquera la première vraie prestation de
Manilla Road en France, au Hellfest. À côté des grands titres, les trois morceaux joués de «
Mysterium » ne firent pas mauvaise figure, ce qui me porte à croire que l'album est de qualité. Mais je n'exclus pas que mon premier contact avec un groupe que j'adulais depuis près de 30 ans m'égare un peu. Je n'aime guère nos voisins d'outre-Manche (fumiers, y z'ont brûlé Jeanne d'
Arc, la Divine
Victim de l'immortel «
Deluge »), mais à l'issue de ce concert, je tombai pourtant dans les bras d'un Anglais qui, aussi ému que moi, me balbutia : « Oh man, we've seen
Manilla Road ! What a fucky group ! We've seen
Manilla Road, we've nothing left to see now »... Damn you. La vérité sort parfois de la bouche de nos frères ennemis.
Merci. " Le dernier très bel album de Manilla Road ", vraiment ? Je sais que les avis sont partagés, mais j'ai pour ma part une légère préférence pour le suivant, même si je le note au même niveau.
The Blessed Curse est très bien, mais ce Mysterium a comment dire, un charme certain qui me va mieux. Un peu comme le Voyager, c'est purement subjectif.
En revanche le To Kill a king est franchement moyen, même en dessous de Playground of the Damned pour moi.
Un charme que j'avais un peu oublié et qui a marché à fond quand je l'ai passé à outrance pour écrire ma chro.
Je te rejoins dans la déception pour "To Kill a King". Après maintes réécoutes, l'éponyme est bon, Int he Wake est excellent, le reste au mieux oubliable. Je pense que je vais descendre ma note, mais pas au point de le passer derrière "Playground...", qui est vraiment la grosse déception de la discographie. Vraiment dommage que ce soit le dernier. Le suivant aurait certainement rattrappé le coup. Saleté de faucheuse.
Vous me sciez, "Playground ..." et "To Kill a King" sont mes deux préférés de la période récente. Je vais réécouter dès que possible "Mysterium" et "The Blessed Curse" qui m'ont moins marqué, j'ai dû passer à côté de quelque chose ...
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