Les albums avortés qui font leur réapparition (ou pas) des années plus tard, c’est un classique dans le milieu
Metal, Embrace the Death de
Asphyx, Unreleased 1985 de
Master ou encore le plus célèbre de tous : Abominations of
Desolation de
Morbid Angel sont parmi les meilleurs exemples, mais le cas de cette galette des heavy
Metallers américains est particulier.
Tout commence en 1982 lorsqu’un jeune
Metalhead nommé Phil Baker contact Mark Shelton afin de lui demander si
Manilla Road avait quelques chansons inédites en stock, et le guitariste va carrément lui envoyer la maquette complète de
Dreams of Eschaton enregistrée en 1981 entre
Invasion et
Metal, mais que le groupe ne jugeait pas de qualité suffisante.
Intègre et soucieux de ne pas faire commerce de ce trésor caché, Phil fait simplement deux copies pour des amis à lui (dont une pour John Perez guitariste de
Solitude Aeturnus), qui eux même vont mettre dans le secret quelques connaissances qui feront la même chose de leur côté… Ce qui devait arriver arriva : des années plus tard un bootleg grec de mauvaise qualité se retrouve sur le marché et ne fait vraiment pas honneur au groupe. C’est le moment que choisit Mark Shelton pour revenir vers Phil Baker, désormais boss du label Monster Records, afin de proposer enfin un cadre pour ces chansons inédites.
Après un travail titanesque de restauration des bandes et de mastering, le bébé est enfin proposé en sortie officielle sous le nom
Mark of the Beast (1982), vingt et un ans après sa conception.
Autant vous le dire tout de suite, on se demande pourquoi le Shark et ses acolytes ont décidé de ne pas sortir ce disque à l’époque, surtout pour proposer
Metal à la place qui en étant correct, ne casse pas trois pattes à un canard non plus.
Manilla Road nous gratifie d’entrée d’un pavé de dix minutes avec une chanson titre très subtile ancrée dans les 70’s et sur laquelle Shelton s’en donne à cœur joie avec ses harmonies vocales caractéristiques et des solos psychédéliques du meilleur effet.
D’ailleurs dans la première partie du disque, les guitares saturées sont rares, laissant place à de nombreux arpèges et mélodies, comme sur le superbe Court of
Avalon, conclu par un lead épique.
Ce n’est qu’à partir de
Avatar, que le disque devient un peu plus rythmé avec enfin des riffs couillus et des refrains entêtants, un titre à tiroirs à la fois énergique et planant, à l’image du long solo des deux dernières minutes.
Un petit mot sur la magnifique pochette de
Jim Fitzpatrick, simultanément épique, colorée et guerrière, symbolisant au mieux les différentes facettes de la musique. En fait
Mark of the Beast est certainement la sortie la plus progressive de
Manilla Road, avec cette récurrence de longs titres découpés en plusieurs phases, à l’opposé du Iron Maiden de l’époque qui proposait un Heavy in your face à l’esprit presque Punk.
Parfois les solos non accompagnés de rythmiques permettre de mettre en avant la basse de Scott Park (particulièrement sur Time Trap), les avantages d’un enregistrement quasi artisanale…
Black Lotus et Teacher sont les morceaux les plus enlevés de l’album et préfigurent déjà de l’évolution du trio sur le fameux Crytal Logic avec un riffing incisif et des solos assortis. Mais
Mark of the Beast s’achève comme il avait commencé, avec deux longs titres épiques dont Triumvirate et ses plans guitares plus inspirés que jamais.
A chaque écoute de ce disque, la même question qui revient inlassablement : qu’est ce qui est passé par la tête des musiciens pour mettre cet album au rebus comme on balance une canette de bière à la benne ? Après, l’égout et les couleurs, certains trouvent merveilleux Ilud
Insanus Divinus alors… Comme quoi on peut être un musicien d’exception mais avoir un jugement erroné sur son propre travail.
La conclusion qui s’impose est effectivement que
Mark of the Beast aurait paru anachronique si il était sorti à la place de ou après
Crystal Logic, ce dernier étant résolument tourné vers le nouveau Heavy
Metal, plus nerveux et actuel dans le contexte, mais à la place de
Metal il aurait pu rallier pas mal de fans à la cause de
Manilla Road, mais vous connaissez l’adage : si ma tante en avait…
Voici donc un chef d’œuvre qui a faillit passer en pertes et profits, très différent toutefois de l’âge d’or de la bande au Shark (
Crystal Logic /
Open the Gates /
The Deluge), un
Manilla Road de haut vol quoi qu’il en soit, juste un peu plus hippie en somme.
BG
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