Il ne nous restait que peu d'espoirs quant aux aptitudes des Allemands de
Grave Digger à produire autre chose que l'expression moyenne d'une créativité dans laquelle, outre une familiarité culturelle éminemment évidente avec celle du pays qui l'avait vu naître, on ne pouvait subodorer, en ces tableaux imparfaits qu'ils nous avaient servi, que bien subrepticement un potentiel prometteur. Parmi ces toiles sans grand intérêt, citons
Heavy Metal Breakdown (1984),
Witch Hunter (1985) ou
War Games (1986). Des huiles handicapées, qui plus est, de quelques tares récurrentes, telles que, par exemple, une production anémique bien trop souvent insuffisante à exacerber ces capacités furtivement entrevues.
Il y eut aussi l'incident tragique du revirement musical où, tenté par les affres de la gloire et de la fortune facile, Chris Boltendhal et ses comparses se fourvoyèrent dans les bras chétifs d'un art doucereux aux désirs dangereusement proches d'un
Hard Rock, certes, plus immédiatement fédérateur mais aussi plus immédiatement mièvre. Cette idylle malheureuse donna naissance à un fade
Stronger than Ever (1986) que
Grave Digger n'assuma que sous le patronyme écourté de
Digger.
Et puis il y eut le silence.
La mort dans l'indifférence.
L'anonymat.
Quand vint enfin l'heure exquise d'une résurrection miraculeuse et jouissive,
Grave Digger revint d'entre les morts avec deux albums aux qualités telles, que nul ne put raisonnablement en contester l'excellence (
The Reaper (1993),
Heart of Darkness (1995)).
En cette année 1996, à l'heure de ce nouvel effort nommé
Tunes of War, les Saxons vont, une fois encore,
Démontrer tout l'étendue de ce talent qui leur est si remarquablement caractéristique. La formule peut paraître exagérément excessive eu égard à ces spécificités que d'aucun pourrait trouver, après tout, pas aussi distinctives que l'affirmation de votre humble serviteur le laisserait entendre. Néanmoins il faudrait être esclave d'une sacrée mauvaise foi pour dénigrer l'atypisme de ce Heavy
Metal âpre aux aspirations parfois véloces, de ces refrains délicieusement mélodiques, épiques et fédérateurs ou encore de ces voix remarquablement écorchées, rocailleuses et extrêmes. N'en déplaise à ces détracteurs,
Grave Digger est donc, en ces temps révolus, représentatif d'une expression artistique à l'identité différente de celle avec laquelle bon nombre d'autres agacent nos oreilles.
Assez rapidement, concernant ce
Tunes of War, il nous faudra dire que quand bien même il fut pétri dans les vertus déterminantes de ces excellents prédécesseurs, il va, de surcroît, s'ennoblir de quelques valeurs supplémentaires. Evoquons, d'ores et déjà, l'aspect conceptuel de ce manifeste. En une narration forte, intense et immersive, le groupe va, en effet, nous conter quelques-unes de ces batailles héroïques, de ces trahisons déshonorantes et de ces triomphes augustes liés à ces conflits opposant ce peuple écossais déterminé à gagner sa liberté face à une Angleterre tyrannique dont les rebelles gaéliques refusaient de reconnaître la souveraineté. Cette guerre fut celle qui mena les clans Scots à conquérir une indépendance au prix d'un affrontement qui dura de 1296 à 1357 et qui révéla des héros tels que Sir William "Braveheart" Wallace, Andrew Morray, ou encore, par exemple, Robert Bruce.
En féru d'histoire, Chris Boltendhal nous propose donc d'errer sur le théâtre historique de ces champs de batailles. Le périple conceptuel est superbement détaillé et superbement captivant.
Au-delà de cette démarche narrative exaltante, la musique de
Grave Digger demeure, elle aussi, excellemment attachante. En des titres vifs, entraînants, aux chœurs valeureux et aux refrains communicatifs, tels que les remarquables Scotland Unite, William Wallace (Braveheart),
Cry for
Freedom (James the VI), ou par exemple Culloden Muir, les Allemands nous régalent.
Mais ces musiciens, en subtils compositeurs, savent aussi distiller des ambiances plus posées en des pistes moins véloces telles que les mémorables
The Dark of the Sun,
Rebellion (The Clans Are Marching). Des morceaux au climat Heavy
Metal lourd tels que
The Truth, ou encore ces pistes égarées dans les méandres romantico-historique tels sur The
Ballad of Mary (Queen Of Scots) sont, elles aussi, délicieusement convaincantes.
Des atmosphères variées qui, parfois, nous entraînent même en des tourments remarquablement pesants tels que sur l'excellent The Bruce (The
Lion King).
De plus, l'ensemble de ces titres aux différences notoires offre l'énorme avantage de ne pas enfermer le propos de ces artistes dans une expression à l'invariable constance désespérément ennuyeuse.
Il nous faudra noter aussi la construction remarquable d'une œuvre qui, dès les premières plages, ne nous laisse aucun répit enchaînant ces divers moments de bravoure. En effet, au-delà d'un préambule introductif, dès les divines charges initiales d'un triptyque assez époustouflant (Scotland Unite,
The Dark of the Sun, William Wallace (Braveheart)), admirablement suivi par un délectable The Bruce (The
Lion King), le plaisir est intense. Un émoi fort qui ne faiblira à aucun moment face à un opus à l'enchevêtrement aussi efficace.
Premier volet de cette épopée médiévale, qui sera baptisé bien plus tard The
Trilogy of Middle Age,
Tunes of War constitue l'aboutissement le plus formidablement captivant de cette époque.
Et le meilleur restait, sans doute, à venir...
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