Plus rien ne freine l’offensive de «
Primal Fear » en ce début de nouveau millénaire. L’aigle d’acier tenu par le formidable duo Ralf Sheepers/
Mat Sinner n’aura pas tardé à marquer la scène effervescente du power metal allemand de son emprise. Les deux premiers volumes du groupe, «
Primal Fear » et «
Jaws of Death », perdurent une décennie plus tard la force redoutable du prestigieux « Painkiller » de «
Judas Priest ». En effet, les allemands peuvent se targuer de reproduire assez fidèlement le feu destructeur de 1990, en premier lieu par la voix Halfordienne prise par Sheepers, mais aussi par le duo de gratteux énergiques Stefan Leibing/Tom Naumann. Le second guitariste cité manquera cependant à l’appel pour la réalisation suivante de 2001. Il avait entre-temps décidé de quitter la formation pour des raisons dites « personnelles ». Gênés par ce départ, qui leur fait perdre un rouage essentiel, une chance sera donnée au vieil ami de Mat, Henny Wolter, fraichement débarqué de «
Thunderhead ».
Mat Sinner en aura également profité pour l’inclure dans son projet solo, aussi en recherche d’un remplaçant à Tom, enregistrant avec lui un bien bon «
The End of Sanctuary ». Le souci aura été pour «
Primal Fear » que la nouvelle paire de guitaristes fonctionne et fasse jaillir une puissance identique aux deux premières réalisations. «
Nuclear Fire » se révèlera un essai nucléaire concluant à ce niveau, garantissant ainsi la force de frappe de «
Primal Fear » pour les années à venir.
L’entrée d’«
Angel in Black » rappelle fortement les prémices apocalyptiques qui avaient préfigurés l’album précédent, «
Jaws of Death ». Explosion, flammes et dévastation. Un univers de fin du monde se découvre en attendant les coups de semonce de la batterie de Klaus Sperling, qui nous feront ensuite basculer dans un heavy/speed sans pitié, dans le pur style priestien du fameux « Painkiller ». Le titre se compose de couplets nerveux, prenant aux tripes et d’un refrain beaucoup plus souple, ménageant notre esprit et notre souffle. On remarque très tôt la parfaite adhésion du futur guitariste avec son compère. Les riffs sont tranchants et s’articulent vite et bien. « Back from
Hell », dans un rythme tout aussi speedé, le démontre assez brillamment. «
Primal Fear » aura fait le choix délicieux de monter le ton, de serrer les dents et de sortir toute leur rage. Ralf devient alors une vraie bête infernale, du moins le temps des couplets, car comme «
Angel in Black » le refrain a pour effet de relâcher la pression emmagasinée. La surprise sur ce morceau viendra des intrusions de power mélodique en seconde partie de piste, rendant la musique plus accessible, plus limpide.
Pas de compromis mélodique par contre pour l’implacable «
Fight the
Fire ». Bien que préférant une vitesse de croisière à celle de supersonique, les riffs auraient ici tendance à osciller vers la thrash. C’est du béton, aussi dur et brut qu’un «
Fire on the
Horizon » moins appréciable, prenant lui la fâcheuse voie vers la monotonie.
L’éponyme de l’album, «
Nuclear Fire », prendrait au contraire une voie élyséenne, et cela dès ses premières notes. Nous pourrons nous enflammer pour ses tonalités épiques et enjouées, qu’ils le feront vite passer au titre d’hymne incontournable. Un des morceaux les plus galvanisants joué par «
Primal Fear », encore aujourd’hui, surpassant presque un « Chainbreaker » ou un « Final Embrace ». On sent aussi le parfum des grandes épopées sur «
Kiss of Death ». Mais ces épopées ne sont plus célestes cette fois, mais bien terrestres. Le jeu est plus décontracté. C’est une machine motorisée en roue libre, transcendant l’Amérique, le cuir et les gros cubes. «
Red Rain » suivrait cette même vision, à peu de chose près. Moins de passion, cependant. Un peu de cacophonie entre batterie et guitares à relever. Ce qui ne semble pas être le cas de « Now or
Never », assumant lui un hard rock nonchalant et froid. On pourra de plus se délecter des échanges de guitares en seconde partie de piste. Ces énergumènes seront néanmoins tenus au respect par le chant de Ralf, en bon prédateur dominant.
Le chanteur de «
Primal Fear » démontre une fois encore son rôle déterminant au sein de la formation. Capable de performances vocales époustouflantes, et s’accaparant même de toutes les attentions comme il le fait sur le rigoureux et mid tempo « Eye of an Eagle ». La puissance de sa voix arriverait à tétaniser les guitares, les mettant à sa merci. Ce carnassier très généreux peut faire preuve d’indulgence en posant sa voix, en la rendant tendre, larmoyante. Il sera plongé dans ses songes, dans ses ressentiments sur «
Bleed for Me », une ballade torturée, alliant frisson et tension. À l’écoute de l’autre ballade, le morceau bonus «
Iron Fist in a Velvet Glove », un brin plus pêchue et dynamique par rapport à l’émotionnel «
Bleed for Me », on ressentirait une certaine perte en émotion. Mais une aura admirable se dégage toujours de
Ralf Scheepers, qui ne finira plus de nous étonner. Avec « Living for
Metal », on fait disparaître tout sentiment intérieur pour d’autres tout aussi nobles. La performance du Père Sheepers pèserait malgré tout sur les instruments, rendus apathiques et quasi impuissants face au cri du lion. En faisant abstraction à ce défaut, cet hommage rendu au metal reste une bonne conclusion de l’album et promet de servir en concert. Et beaucoup de promesses se sont concrétisées jusqu’à présent.
L’oiseau s’envole et laisse derrière lui une jolie colonne de feu. Ralf Sheepers and Co auront fait le grand nettoyage.
Pas de tâche. Impeccable du sol au plafond, devrait-on même dire. Pourtant, l’album n’est pas totalement irréprochable. Certaines pistes lourdes et monotones se révèlent difficiles à amadouer. Les points faibles de la formation, rappelés par le présent opus, c’est son manque de subtilité, des compositions qui ne réinventent rien et ne font que recycler cet incroyable carburant qu’a pu être et qu’est encore « Painkiller ». Ne râlons pas pour ça. Soyons raisonnables. Quelques pistes moins comestibles n’auront pas terni cet album. Grâce à des hits comme «
Angel in Black », « Back from
Hell » et surtout le génial, le turbocompresseur «
Nuclear Fire », ce troisième volume se hisse sur un nid d’aigles, aux côtés des meilleures réalisations des teutons. Rien ne fera plus reculer Ralf et Mat désormais.
« Into the Light we are guided by our own destiny
Keeping the course nothing can stop us at all”
15/20
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