Le classicisme à l’allemande est un engagement artistique, une réalité culturelle ancré dans l’éducation même de ce peuple. Ainsi des valeurs telles que la rigueur, la constance et l’ordre sont des notions exsudant de la plupart des oeuvres imaginées par les artistes de ces terres et exception faites de quelques géniaux contestataires qui surent admirablement se révolter contre cet ordre établis, peu se seront véritablement émancipés de cette éducation. C'est si vrai que, par exemple, rien ne ressemblera davantage à un groupe de Heavy
Metal allemand qu’un autre groupe de Heavy
Metal allemand. Cet adage, dès cet instant gravé dans le marbre, ceux qui attendent une quelconque révolution fomentée par
Primal Fear pourront tranquillement passer leur chemin. Car s’il est vrai que rien ne ressemble plus à une formation de Heavy teuton qu’une autre de Heavy teuton, ça l’est encore plus pour un
Primal Fear dont chaque nouvel album ressemble à s’y méprendre à son prédécesseur. Mais alors, quel incroyable miracle fait de cette entité empêtrée dans un conformisme étriqué, une créature qui continue à être digne d’intérêt ?
Tout d’abord on ne peut parler de
Primal Fear sans parler de ce son. Un son clair, précis, puissant. Un son agressif ou chacun des instruments vient trouver sa juste place pour donner le meilleur. Un son travaillé par un maître d’œuvre au professionnalisme exemplaire, Matt
Sinner. Ensuite il faut évoquer la qualité évidente de ces musiciens. Si chacun d’entre eux est véritablement un orfèvre en la matière, c’est incontestablement le talent immense et le travail démesuré de
Ralf Scheepers qui sublime le propos de ce groupe. L’homme est considéré, dans son genre, comme l’un des chanteurs les plus doués de sa génération. Il n’est, d’ailleurs, pas rare de le voir comparé aux meilleurs, à ceux qui trônent au panthéon des voix les plus fameuses. Pour être tout à fait juste, il est vrai, aussi, qu’indubitablement, certaines de ces intonations, cette puissance dans les aigus, cette tenue des notes, peuvent rendre la critique suspicieuse et facile, dénonçant en lui cette pâle imitation du grand Rob
Halford qu’elle voudrait y voir. Pourtant, même si les similitudes sont évidentes, il faut y voir une parenté, bien plus qu’un plagiat. Il faut y voir l’héritage adroit de ses pères illustres bien plus qu’un hommage froids. Il le faut, car l’homme a le talent insolent de ceux qui sont suffisamment émérite pour être aussi, et surtout, eux-mêmes. La réussite de
Primal Fear tient donc, essentiellement, en deux noms : Matt
Sinner et Ralf Sheepers.
Et avec ce nouvel album,
16.6 Before The
Devil Knows You’re
Dead, rien ne viendra entacher la glorieuse réputation que ces hommes se sont solidement forgés au fil des années passées. Rien ne viendra démentir les certitudes les plus profondes des détracteurs les plus farouches de ce groupe. Mais rien, ou si peu, ne viendra salir le plaisir des adeptes les plus dévoués de nos chers allemands. Construit comme un condensé incisif de Heavy Speed
Metal, ce disque offre les plaisirs sans fioritures fort de ses titres les plus traditionnelles (Under The Radar, Killbound, No
Smoke Without
Fire, The
Exorcist).
Pourtant si fondamentalement l'art de
Primal Fear n’aura pas véritablement changé depuis
Jaws of Death, et alors qu'en ces temps reculés les esprits les plus polémiques se demandaient déjà de quelle manière le groupe pourrait se renouveler et offrir des sensations assez attachantes pour ne pas tomber dans un oubli pas nécessairement mérité, Matt
Sinner et les siens auront su, à l’aide de touches suffisamment subtiles et suffisamment variées, continuer à proposer des albums séduisants. Ici elle prennent la forme de quelques riffs plus agressifs, presque Thrashy, parsemés de manière parcimonieuse et intelligente dans le Heavy coutumier de
Primal Fear ( Riding The Eagle) ou encore de quelques ambiances aux sonorités orientales pour un mid-tempo dépaysant délectables (Black
Rain). Ou plus étonnants encore, celle de mélodies atypiques pour un titre d’inspiration plus moderne aux riffs et aux refrains Neo scandés (Soar).
Autant de titres attachants que seule la ballade aux allures Pop Rock, tendances
Hard, qui clôt l’album, vient gacher (
Hands of Time). On ne pourra que se réjouir de la voir enfuit dans les profondeurs de ce disque.
Tourmenté face à ce dilemme profond, ce souci d’équilibre, quant au choix entre son visage le plus ordinairement Heavy et son visage le plus ouvertement tourné vers un propos légèrement plus moderne,
Primal Fear aura su, une fois encore, avec ce
16.6 Before The
Devil Knows You’re
Dead, s’imposer comme un acteur incontournable de la scène allemande.
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