A l’orée de ce quatrième album
Pretty Maids est au sommet de son art. Il vient de conquérir le monde, bousculant quelques peu les schémas établis, avec un
Future World insolent mélange subtil de Heavy
Metal classique et parfois enlevé, et de mélopées plus mélodiques. Ce breuvage homogène et digeste est ancré, à la fois dans une certaine tradition passéiste d’une conception ancienne du
Metal, et à la fois dans une redoutable modernité grâce à l’imprégnation de manière intelligente dans sa musique d’éléments de progrès propre à l’époque tel que les claviers. Y ajoutant encore une touche personnelle forte et inventive grâce à l’alternance vocale rugissement guttural puissant/voix clair de son chanteur Ronnie Atkins, il se forge ainsi une identité propre réellement captivante.
Pourtant, en réalité, si le groupe à su, sans aucun doute, gagner les faveurs des publics européens et japonais, qui sont deux marchés aux attentes quasiment similaires en terme de musique, il n’en va pas de même pour le marché américains. Ce dernier ayant toujours affirmé clairement, dans sa grande majorité, ses préférences pour des styles plus « aseptisés », pour des productions aux sonorités plus « lisses ». Dans un souci finalement plutôt commercial, mais somme toute éminemment compréhensible puisque humain, on s’imagine que
Pretty Maids prit la décision de tout tenter pour élargir encore son influence et toucher un auditoire plus large. Ce sentiment devient nettement plus tangible lorsqu’on mesure l’énergie déployé par le groupe lors de la tournée triomphale soutenant un
Future World au retentissement triomphale. Il le devient plus encore lorsque le groupe recrute Roger Glover, bassiste du groupe anglais
Deep Purple, en lieu et place d’un Flemming Rasmussen sans doute un peu trop danois, pour produire ce
Jump the Gun aux aspirations plus mondiales. Il est encore davantage lorsque le groupe s’adjoint les talents d’un second guitariste Ricky Marx, au nom qui s’il fleur bon la langue de Shakespeare n’en demeure pas moins un illustre inconnu, et en se permettant le luxe de la participation sur certains titres de guest aussi célèbres que reconnu de manière unanime pour leurs talents de musiciens, en la personne d’un
Ian Paice à la batterie, et d’un Roger Glover à la basse. Une équipe plus internationale pour une musique aux désirs de conquête plus internationale.
Si ces ambitions sont légitimes, s’étonner avec le recul des années passées, du mystère qui entourent l’échec des morceaux de ce
Jump the Gun qui, s’ils sont, à l’évidence, moins incisifs que leurs prédécesseurs, défaut en partie imputable à cette production adoucissante, et en partie au manque d’inspiration de ces titres qui pour certain surent garder, tout de même, ou du moins retrouver, une certaine tenue satisfaisante avec le temps, c’est assurément ignorer la réalité du contexte dans lequel sortit ce disque. Si avec un
Future World opportuniste, très en phase avec une époque avide de mélodies,
Pretty Maids su incorporer, consciemment ou non, de manière judicieuse des synthés enrichissant incontestablement son Heavy sans pour autant l’édulcorer, ou l’altérer ; il est indéniable, qu’en cette année 1990, le paysage artistique a changé. Désormais les fans recherchent bien plus des sons, des airs, des musiques, des thèmes, qui leurs ressemblent, et qui leurs parlent des émotions qui sont celles, aussi, de leurs propres vies, bien plus que celles suggérés par d’hypothétiques histoires vagues et dont ils se sentent souvent détachés. Ainsi les styles basés sur d’authentiques sentiments négatifs vécus touchent bien plus un monde aux envies plus simples et plus directes. En conséquence les premiers balbutiement du
Gothic Metal, et l’explosion du Grunge, à la force de plaintes, gémissements et cris d’artistes tourmentés et créatifs, offrent le mal-être et le désespoir en guise de toile blanche où des peintres aussi talentueux que
Paradise Lost et son
Lost Paradise définissant les prémices d’un nouveau genre, ou que
Nirvana et son Nevermind hurlant à la face du monde un profond désarroi, viendront s’exprimer. Les mouvances les plus extrêmes sont aussi en pleine mutation s’engageant sur le chemin de toujours plus de brutalité, de rage, de haine avec un Death
Metal toujours plus violent et rapide (
Carcass,
Napalm Death…), et avec un Black
Metal dont l’œil noir et malsain commence à s’entrouvrir, dévoilant un univers plus sombres et plus belliqueux que jamais.
Et le Heavy dans tout ça ?
Judas Priest s’apprête à sérieusement durcir et accélérer le ton au son d’un grandiose, et aujourd’hui légendaire, Painkiller, noyant au passage nombre de scène dans un indicible chaos.
Fort de toutes ces constations, allant toutes dans le sens du « plus vite, plus fort, plus sombre, plus noir, plus hargneux… », la démarche d’un
Pretty Maids avec son
Jump the Gun est d’emblée obsolète, et d’ores et déjà mort-née. Il n’est donc pas étonnant que ce disque, hormis un succès d’estime, resta dans l’oubli, bien calé au fond des bacs des disquaires, recouvert de poussière. Pourtant des morceaux tels que
Lethal Heroes, au-delà de son intro bien trop longue, ou bien l’incontournable Rock the House, ou encore
Jump the Gun, oubliant ce son un peu trop poli et orienté, possèdent les qualités minimum pour nous offrir le plaisir d’un Heavy acceptable. Mais c’est sans compter sur des ratés aussi énormes que
Dream On, complainte Rock bluesy infâme et déplacé, ou sur un
Young Blood, un Partners in Crime, un Hang Though, manquant cruellement de puissance, sacrifiant leurs refrains à des mélodies indignes et parsemées de chœurs bien fades.
Derrière ces défauts déjà très handicapant
Pretty Maids y ajoute celui d’un manque de rythme flagrant d’un ensemble s’enlisant dans des mid-tempos lourds dont la seul exception est un Attention, pas vraiment neuf, mais dont la toute relative vitesse a le mérite de rappeler, un peu, le groupe à nos bons souvenirs. Ajoutons encore que l’alternance de chant de Ronnie Atkins a quasiment disparue, le laissant s’époumoner dans un registre rauque éraillé à l’image de l’école Allemande (Peavy Wagner, Hansi Kursch, Chris Boltendahl en tête…), mais dont l’absence de nuance augmente encore une forte sensation naissante de linéarité ennuyeuse ; faisant définitivement perdre son dernier atout Ã
Pretty Maids. Ajoutons cela et la sentence est sans appel.
Jump the Gun est l’album de la rupture pour
Pretty Maids, allant à l’encontre de toutes les attentes du public d’alors, emplies de défauts insurmontables et de compositions moyennes au son bien trop plat ; il marquera le début d'une certaine décadence que le groupe mettra longtemps à endiguer.
Comme semble-t-il beaucoup d'entre vous, en 1990 je n'avais pas acheté ce disque malgré le plaisir procuré par leurs 2 précédentes offrandes, certainement trop influencé par la presse spécialisée qui avait rapporté une énorme baisse d'inspiration et d'énergie des Danois. Réécouté à l'instant, mon constat est qu'il faut toujours se faire une opinion par soi-même car à part la prod trop plate je trouve l'ensemble d'un très bon niveau. 15/20 pour moi.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire