« Il n’y a pas de bête sans cruauté »
Friedrich Nietzsche
Une citation qui sied à merveille à l’illustration de ce troisième opus longue durée des britanniques de Cradle of
Filth. Reprenant le concept idyllique de la belle et la bête, Dani
Filth use d’un nouvel oxymore comparatif en utilisant comme patronyme la cruauté et la bête. A l’instar du précédent album "
Dusk... and Her Embrace", le groupe écrivit un concept sur
Elizabeth Bathory, symbole d’un univers gothique et décadent. Sous une illustration trônant certainement parmi les plus magnifiques du genre, présentant cette nymphe assoiffée d’hémoglobine dans sa baignoire emplie de sang, tableau théâtral, malsain et dérangeant, et on ne peut plus artistique que la pochette très underground de "
Dusk... and Her Embrace".
Sous cette apparence très soignée et toujours indéniablement violente, Dani
Filth s’est évertué à composé un concept ambitieux, et des compositions dans le droite lignée des premières œuvres du groupe. La production a relativement peu évolué, et le choc présent entre "
Cruelty and the Beast" et "
Midian", ou entre "
Midian" et "
Nymphetamine", n’est ici pas présent. Comparativement, "
Cruelty and the Beast" est peut-être moins mature que "
Midian", et dispose de moins de spontanéité que "
Dusk... and Her Embrace".
Il n’empêche que le groupe était dans une période de création très riche et propice à proposer des morceaux merveilleusement cultes, imparables et délicieusement violents. Toujours sous le rythme démentiel de Nick Barker, le tempo baisse assez rarement, préférant imposer une atmosphère oppressante, brutale, haineuse et sombre, rehaussée par des arrangements orchestraux gothiques, et de très nombreux chœurs féminins apportant une dimension presque biblique à l’ensemble. Dans cet amas de violence, on retiendra plusieurs titres comme des œuvres à elle-même, vivant pour le concept mais disposant d’un cœur propre.
L’hallucinant "Cruelty Brought Thee Orchids", et sa batterie mimant les cavalcades chevalières de la comtesse. Des riffs cisaillant l’air, suffocants, des claviers ambitieux, presque planant, et surtout ce chant. Des hurlements glaçants, uniques, que personne n’avaient jamais entendu, fusionnant avec un guttural narratif d’une profondeur d’outre tombe. Hystériques et complément paranoïaques, les vocaux de Dani
Filth retranscrivent à la perfection l’esprit tourmenté et malade d’
Elizabeth Bathory. Le refrain, où la voix Sarah Jezebel se tisse un chemin entre les déchirements de Dani, est l’un des passages les plus marquants de l’album. Hurlant de plus en plus aigu, le lutin britannique parait au bord de la rupture, autant physique que psychologique, vivant ses paroles (longues comme le bras) comme personne d’autres. Mais dans cette névrose aliénante, on analyse des portions mélodiques très tranchées, des chorus de guitares à fendre les sens, comme la parfaite antithèse à la brutalité visible.
Mais il est évident que réduire cet opus à ce troisième morceau serait un déshonneur pour un album très compact et fort, presque trop sans doute. Du haut de ses onze minutes, "
Bathory Aria" semble nous guetter, en s’ouvrant sur un chant religieux ecclésiaste. Un souffle ambiant, lourd, s’abat sur l’auditeur, souffle qui aurait gagné en ampleur grâce à une production plus adapté (ce dont n’avait pas vraiment besoin l’ambiance fantomatique de "
Dusk…and Her Embrace"). Très variée dans sa progression, cette longue composition lance l’assaut sur les terres d’une Transylvanie à feu et à sang, particulièrement le final parsemé d’une tension narrative palpable, avant un dernier cri à glacer le sang.
"
Venus in Fear", érotique et jouissif (dans le sens propre du terme), recadre le plaisir charnel et carnassier de
Bathory, avant l’attaque purement thrash de "
Desire in Violent Overture" et son riff d’ouverture terrassant.
Plus court et simple, un morceau féroce et sans compromis du début à la fin, aux solo déchirants dans lesquels on pourrait même dénoter une influence cruciale de la Vierge de Fer, groupe dont Dani n’a jamais renié l’énorme apport pour sa musique et son parcours artistique. Dans un parfait absolu, on ne peut une nouvelle fois (comme ce fut le cas pendant de longues années) pas reprocher énormément de choses sur ce disque, si ce n’est la production qui ne parait ici pas adaptée, et qui aura eu le mérite de faire partir Nick Barker chez les norvégiens de
Dimmu Borgir.
Car au niveau de la composition pure, Dani
Filth confirmait un talent immense d’écriture et d’intelligence musicale, dépassant sans cesse des limites qu’il se créait pour lui-même (il est effectivement rare d’avoir été si important pour un style mais néanmoins ne pas disposer de tant de clones). Et si, d’un avis tout à fait personnel, je lui préfère la furie, la tourmente et le malsain de l’opus précédent,
Cruelty and the Beast n’est pas devenu un album culte du paysage black métal par hasard. Non, le hasard n’a jamais eu sa place ici... définitivement jamais.
L'album possède pourtant beaucoup de qualités, à commencer par trois magnifiques morceaux que sont: "Thirteen Autumns And A Window" qui ouvre parfaitement le disque, la pépite "Cruelty Brought Thee Orchids", et pour finir, le duo sanglant "Venus In Fear/Desire In Violent Overture".
Le gros point négatif est la production, le son de batterie n'est vraiment pas adapté au style et je trouve même que Nick Barker n'est pas toujours au top de sa forme sur cet album, le manque de puissance se fait nettement ressentir sur les passages plus lent...
Justement, les passages plus lent sont aussi trop long et trop nombreux, la durée d'un titre comme "Bathory Aria" est limite indigeste.
Sans être incroyable "CATB" est tout de même un bon cru en cette année 1998, l'ambiance sombre et romantique est bien présente et c'est tout ce que je demande à ce groupe.
Note: 14/20
Meilleur album de Cradle à mon sens. Beaucoup se plaignent du son de la batterie. Je trouve justement que cela ajoute à l'ambiance particulière qui se dégage de chaque note de cet album. Une oeuvre à part entière, Cruelty and the beast est selon moi (moi, moi, moi, rien que moi!!!!!!, toujours moi : la maladie du troisième millénaire...) une réussité totale. Pas une faille, pas un morceau à jeter. Avalanche de puissance, de hargne, de mélodies, servies par des musiciens au sommet. Alignement parfait des planètes !!!!
Ne connaissant de cet album que divers extraits sortis sur les samplers de magazines (Hard-rock, Hard'n'heavy...) de l'époque, je l'ai enfin en ma possession. Sa popularité n'est pas usurpé, c'est un digne successeur de Dusk and her embrace. C'est vrai que le son n'est pas dingue, surtout la
batterie, mais on s'habitu. Puis je vois que cette album a été remixer en 2019, donnant naissance à Cruelty and the Beast - Re-Mistressed.
Nouvelle pochette, complétement remixé et remasterisé. L'album reste identique, seul la reprise de Iron maiden Hallowed Be Thy Name à été rajouté.
Et je dois l'avouer, je prend bien plus de plaisir à écouté cette version, la batterie et les basses se voit reboostés, prendre du corps et surtout du punch. Un son bien plus puissant et discernable, à tel point que je me le suis procuré. Avec cette version, certain passage ressorte mieux, je me suis à "headbanger" sur le couplet de Cruelty Brought Thee Orchidsn, ou sur cette accélération à 1.40min de Beneath the Howling Stars.
En tout cas un superbe album, je préfére Dusk tout de même que je le trouve plus envoutant. 16/20
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