Le vent hurle les sirènes de fantômes invisibles. Le ciel d’un noir d’encre, bardé de nuages sombres, s’évertue à rendre le lieu plus hostile encore que sa simple vision ne peut l’être.
Comme surgissant de la nuit, déchirant l’horizon de sa splendide horreur, de son écarlate noirceur, de sa sublime abomination ; la demeure se dresse face à nous. Sortant de terre comme autant de plantes infectées par la mort et la désolation, les tombes se tiennent, penchées de manière malsaine sur pelouse respirant le chaos et le sang des innombrables victimes ayant rendu leur dernier souffle sur ces terres reculées et hantées.
En maitre de cérémonie, Dani
Filth accueille les étrangers à visiter son fief à travers la bande son horrifique d’un labyrinthe dont on ne ressort jamais tout à fait, l’esprit à jamais enfermer entre ces murs pourris et peuplés des âmes défuntes ayant péri ici. Le souffle grandiose et inquiétant de la forêt retentit derrière les oreilles des fous osant pénétrer les lieux. Perdus dans le labyrinthe, ils entendent les arbres susurrer leur nom ("The
Forest Whispers My Name"). Accompagné de Mark Newby-Robson en maitre de cérémonie, Dani narre les drames passés avec une noirceur malsaine, macabre et horrifique. Il porte, de sa voix si charismatique, les frissons et les hurlements de ses victimes, elles-mêmes matérialisées par la narration horrifiée et si reconnaissable de Sarah
Jezabel Deva, enfin de retour autour de la grande table du
Filth. Impossible de ne reconnaitre et être saisi par cette interprétation du classique de "Vempire", ici adapté en une bande originale cinématographique et oppressante, accompagnée de chœurs fantomatiques susurrés comme autant de litanies.
Trois ans de travail auront été nécessaires pour que l’empire de ce labyrinthe ouvre enfin ses portes, pour que le public puisse visiter les lieux du désastre, de la désolation et du carnage. Trois ans au cours desquels les membres principaux de la famille Cradle disparurent pour ne laisser la place qu’à quelques membres, dont le patriarche légitime Dani
Filth, sa veuve empoisonnée Sarah
Jezabel, son nouveau gendre maudit derrière le piano ainsi qu’une multitude d’intervenants servant à tisser les toiles symphoniques de ce décor d’épouvante.
Difficile d’intégrer ce nouveau chapitre dans la longue histoire de Cradle, "
Midnight in the Labyrinth" est, de l’aveu même de son géniteur, un projet différent entre deux albums plus conformistes, qui lui tenait à cœur mais qu’il ne faudra néanmoins pas prendre pour une véritable nouvelle création. Et pourtant…
Le travail de réarrangement est faramineux, et si deux miroirs se regardent au-dessus du vide, l’un restant désespérément silencieux pendant que l’autre narre ces histoires morbides, la performance est en soi peu croyable. La voix, unique et immédiatement reconnaissable du lutin démoniaque, prend une nouvelle dimension pour emporter l’auditeur au-delà de sa matérialisation humaine, dans des affres si horribles que son esprit s’y perdra à jamais, voguant dans les infinités d’une dimension dont il ne connait la porte. Son phrasé dans "The
Twisted Nails of
Faith" est si impressionnant que les poils se courbent instantanément sur la peau.
Loin de la chaleur d’un orchestre complet et véritable, les quelques intervenants apportent un semblant de chaleur à des sonorités synthétiques désespérément froides et résonnant comme un écho dans les couloirs vides de ce labyrinthe où la bête nous traque, sans jamais s’arrêter de nous chercher. Les claviers renforcent cette espèce de schizophrénie, d’étouffement qu’un orchestre aurait au contraire rendu plus réconfortant, plus lumineux.
Il n’y a qu’à se perdre dans les travées de "Cruelty Brought the Orchids" pour se prouver de l’efficacité de ce choix, probablement autant pécuniaire qu’artistique. Sarah nous en ouvre les portes alors que son rire effroyable souffle la peur à nos oreilles. Angoissant et manipulateur, Dani nous somme d’avancer, reprenant ses parties anciennement vocales dans une narration splendide, pleine de dextérité, hypnotique. Tel le maitre du pantin que nous sommes, il hypnotise notre esprit et appelle la bête en nous. Partiellement éructée, son texte évoque immédiatement les grandes heures où son interprétation était alors reconnue pour son génie et son caractère aussi unique que glacial. Malgré son caractère entièrement symphonique, à aucun moment la composition ne sonne creuse où en absence d’éléments…à l’instar d’une BO d’un film se matérialisant dans la tête de l’auditeur, les nappes musicales se suffisent à elles-mêmes pour donner au morceau un second souffle et un nouveau caractère plus gothique encore.
Aux voyageurs désirant s’alimenter de brutalité et de sang, ils ne seront pas les bienvenus.
Plus que la violence, c’est la peur qui règne ici. Le magique "
Thirteen Autumns and a Widow" prend lui aussi un essor ultime dans cette forme, retrouvant même, dans le lointain tels des cris de bêtes prêtent à nous dévorer, les hurlements de Dani. Encore une fois, ces treize automnes, s’ils changent de forme, se reconnaissent dès les premières secondes, faisant naitre une mélopée sombre de souvenirs ardents. Ces derniers sautent aux visages de ces aventuriers fous et égarés, mais avec grâce et élégance, ne dévorant leurs chairs qu’avec une certaine esthétique et un souci minutieux du détail.
Ritualiste et incantatoire, "
Funeral in Carpathia" se fait la messe noire appelant le diable, sous les injonctions de Dani et la mélopée mélancolique de Sarah, ici impériale et impressionnante. A l’inverse, le viol des anges se veut plus brutal, noir et épique ("The Rape and
Ruins of Angels"), plus intense également, gagnant en passion et s’étirant dans le temps de façon démesurée. Il en vient à préciser que l’intégralité de ces incantations tournent autour des huit minutes, proposant un voyage sans retour de près de cent quatre-vingt minutes des deux côtés du miroir.
"Goethia (
Invoking the Unclean)" se permettra de présenter son aura pour la première fois, s’enfonçant dans les limbes pendant de longues minutes ambiantes et désespérément sombres. Les âmes damnées susurrent à l’oreille les sévices leur ayant été infligés. De minutes en minutes, chaque pas est une nouvelle chute dans les profondeurs des tourments et du non-retour, vers un absolu où la lumière n’est plus et l’antre de la bête plus proche. On se perd à penser à un certain monothéiste. L’invocation des démons arrive à son terme. Dani
Filth n’est plus qu’un objet, l’investigateur mais n’intervient plus directement. L’obscurité est totale. Obscurité…obscurité…
L’histoire ne dit pas si Dani sortira vivant de cette invocation maudite. Il laisse juste comme témoignage sonore ses pérégrinations morbides de la Transylvanie à des auditeurs attentionnés et captivés. Peut-être difficile à appréhender, mais complètement cohérent dans sa forme, cette plongée dans le labyrinthe du passé est une œuvre à vivre et partager seul, perdu dans ses propres pensées et ses propres peurs. Elle ne se partage pas, ou peu. Égoïste et puissante, elle puise sa force de notre for intérieur…de nos faiblesses et de nos peurs…les plus profondes…
allez sur youtube un mec s'ets amusé à mixer les anciennes versions metal avec les versions de midnight , ça donne un côté encore plus orchestral et démesuré assez sympa néanmoins.
ps: j'ai pas compris l'interêt du cd2 si quelqu'un peut m'expliquer...
Ce n'est pas une arnaque, le travail de ré arrangement est superbe, cela manque de moyens (hélas) d'où ces sons de synthés à la c...
Sarah est de retour, oui mais bon, rien ne change, reste le second disque qui pour ma part est un poil grandiloquent même si, là encore bien foutu.
Je vais être taquin et à coup sur, paraphraser quelqu'un mais, Cradle en mode lounge, même pour les fans hardcore...
Je ne regrette pas l'achat d'autant que le package est beau mais bon, depuis il prend la poussière sur l'étagère ou je l'ai soigneusement oublié.
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