Liste des groupes Black Gothique Cradle Of Filth The Screaming of the Valkyries

“A propos de chaque désir, il faut se poser cette question : quel avantage en résultera-t-il si je ne le satisfais pas ?”
Epicure

Malgré le caractère morbide et gothique de la musique et du contenu textuel de Cradle of Filth, Dani a toujours plus ou moins célébré un certain hédonisme, une ode à la vie à travers l’inéluctabilité de la mort. Pour son quinzième album studio en 30 ans, confirmant une longévité et une régularité exceptionnelle dans le genre, les britanniques ont choisi la métaphore des Valkyries, guerrières mythologiques emportant l’âme des défunts sur le champ de bataille pour les accompagner au Valhalla. C’est aussi celles qui, à l’instar des cavaliers de l’apocalypse, sonnent le clairon de la fin du monde et annoncent le début de cet écroulement amenant notre irrépressible chute. Dire que les événements actuels ont influencé les anglais est probablement vrai tant les indicateurs sont au rouge partout dans le monde.

Néanmoins, c’est avec une litanie épicurienne que "The Screaming of the Valkyries" se lance grâce à un "To Live Deliciously". Premier opus avec Donny Burbage aux guitares avec Ashok, c’est le caractère thrashy et immédiat qui ressort des riffs, plus directs et abrasifs que sur le dernier trio d’albums qui retrouvaient une fibre bien plus atmosphérique et symphonique. Dès ce premier titre, on se retrouve dans un flot heavy/thrash à la sauce Cradle bien entendu, ponctué de choeurs et des hurlements typiques de Dani, mais évoquant l’époque de "Nymphetamine" ou "Thornography" dans leurs morceaux les plus immédiats ("Gilded Cunt" ou "Dirge Inferno"), bien plus que "Midian" dont on entend la référence un peu partout (commercial quand tu nous tiens). Si cette comparaison peut être crainte par de nombreux fans tant ces albums sont décriés, Cradle en tire le meilleur pour gagner en efficacité (la basse est étrangement audible) et ne pas surcharger sa musique sans la rendre creuse (comme ce fut le cas sur "Manticore" par exemple). On notera ce solo très heavy metal en plein milieu de la composition qui rappelle, une fois de plus, qu’ils ne sont pas britanniques pour rien.

Volontairement bien plus concis, avec neuf titres sans intro ni intermèdes musicaux (il avait été reproché à "Existence Is Futile" d’être trop long, encore plus dans son édition spéciale), pour moins d’une heure, le groupe a été à l’essentiel et finalement embrasse plusieurs époques, avec des compositions très heavy ou laissant parfois ressurgir le spectre purement gothique des débuts. Un "Non Omnis Moriar" en est le parfait exemple, entre ces claviers ténébreux, ce rythme mortuaire et les déclamations narratives d’un Dani toujours aussi versatile au chant. Il en est de même pour "Malignant Perfection" qui rappelle encore une fois la période de "Nymphetamine", ou certains environnement de "Darkly Darkly Venus Aversa". Non pas qu’ils regardent constamment vers le passé mais une discographie aussi riche et variée amène forcément l’auditeur a recherché des repères dans les oeuvres précédentes et force est d’admettre qu’avec une personnalité aussi affirmée, il est difficile de penser à autre chose que Cradle of Filth sur un nouveau disque de Cradle of Filth.
On retiendra le riff plombé de "Demagoguery" avec ses claviers grandiloquents et les accélérations létales de Martin Skaroupka derrière les fûts, inlassablement impérial dans son registre. "The Trinity of Shadows", plus véloce, se caractérise par un riff lui aussi très heavy/thrash et un refrain marquant (ils ne sont pas si fréquents) dont on retient facilement la structure ainsi qu’une partie en twin battle de guitares qui nous ramène évidemment aux belles heures de Maiden.
Pas de grande fresque épique de neuf ou dix minutes sur cet album, mais un final surprenant en la présence d’un très poignant "When Misery was a Stranger", nous plongeant dans le passé d’une personnalité brisée se remémorant quand elle était encore au firmament (une autre métaphore de la chute, plus personnelle ici). Plus progressif dans son approche, le titre s’ouvre sur un tempo medium avant de gagner en intensité tout en conservant constamment une aura fantomatique, avec plusieurs interventions de Zoë au chant, et des harmonies de guitares très appuyées. Impossible de ne pas noter le solo plein de feeling avant le pont et un final très inattendu musicalement, donnant tout son intérêt à la composition et terminant le disque sur une intensité remarquable nous faisant vraiment ressentir “la fin” de l’album, comme si rien ne pouvait de toute façon donner suite à cet instant.

Il n’est forcément plus question d’aboutissement ou de meilleur disque quand on possède cette carrière. "The Screaming of the Valkyries" continue de faire perdurer l’héritage de Cradle, de fort belle manière, en mixant de nombreux tableaux connus tout en y insufflant une fraîcheur bienvenue et une efficacité que nous avions parfois perdu sur certains disques récents ("Cryptoriana" notamment). Un nouveau roc s’ajoutant à un édifice toujours plus imposant, taillé dans le professionnalisme et la force de l’habitude. La fin de leur monde n’a pas encore sonné.