L’esthétique musicale gothique fut, et est encore, une perpétuelle quête de graal envers celui qui s’approchera le plus de la noirceur vampirique et ténébreuse des contrées reculées de la Transylvanie.
Dans ce combat, de très nombreux groupes de métal essayèrent de trouver la formule magique adéquate, dont on peut citer
Moonspell,
Geist et des milliers de combos s’approchant de près ou de loin du réel esprit gothique. Mais s’il existe un groupe extrêmement controversé, autant jalousé, encensé que critiqué, qui développe une atmosphère emplie d’une splendide brutalité, c’est bien Cradle of
Filth.
Dani
Filth, visionnaire, quoi que l’on puisse dire, dans le domaine du black metal, et restant l’un des principaux artisans de l’extension du black vers un public plus large, réalisa en ce début de troisième millénaire l’une des clés de voutes d’un genre tout entier, j’ai bien sur nommé "
Midian".
Faisant suite aux très violents "
Dusk… and Her Embrace" et le culte "
Cruelty and the Beast", "
Midian" apporta un élément permettant au groupe de passer un cap encore supplémentaire. La production. Si les précédents opus envoûtaient par la musique propre, le son restait toujours un brin handicapant, empêchant l’immersion complète. On se souvient de ces guitares sous-mixées, de cette batterie en sonorité de bois de cagette, qui desservaient presque des morceaux pour la plupart inoubliables.
C’est dans cette optique que le pavé "
Midian" fit toute la différence. Une production lourde, suffocante, sale mais pourtant étonnement claire et puissante, mettant paradoxalement en valeur chaque élément, sans tomber dans l’aspect lisse de "
Thornography" ou "
Damnation and a Day".
Et le changement se veut radical dès l’entame du furieux "Cthulhu
Dawn", lourd et chaotique, laissant passé des solos diaboliques et tourmentés, et dévoilant des cris abominables et glacials d’un Dani
Filth au maximum de son animalité. Le blast prend rapidement sa place, les chœurs féminins maléfiques emplissent l’atmosphère afin de lui conférer un aspect religieux, les guitares définissent une ligne mélodique se voulant rugueuse, contrebalançant avec les magnifiques lignes de claviers. Proprement déchainé, Dani livre un titre culte, symbole de perfection de son art dansant constamment entre beauté et chaos complet. Les protagonistes s’effacent au profit de la musique, celle les sons existent, ce sont leurs âmes que nous écoutons, terrifiés et hypnotisés.
Les grandes lignes de Cradle of
Filth, connues depuis toujours, atteignent leur apogée sur le génial "Saffron’s
Curse", aux guitares purement black et tranchantes, tailladant les veines de l’auditeur et glaçant son sang (le pont si beau, mais si froid, de ce morceau en est la preuve, la narration tourmenté de Dani mettant en scène un déséquilibre mental évident).
Mais surtout, Dani utilise tout son talent pour faire de cette œuvre un modèle de brutalité quasi unique. Ses hurlements suraigus, hier si puérils, semblent bien mieux maitrisés, se permettant parfois quelques incursions plus graves et maladives que jamais ("
Amor E Morte", le dément et aliénant "
Tortured Soul Asylum").
Mais n’oubliant jamais ses racines atmosphériques, Cradle livre par exemple avec "
Lord Abortion" la symbiose quasi-parfaite entre blast ultra rapides, chant écorché ou profond, chœurs complètement déments (dans le sens de la folie) et mélodies enivrantes. Comme l’archétype du groupe, il s’érige en symbole de toute une œuvre (comment ne pas frissonner sur le passage à l’orgue, terriblement noir, uniquement porté par les vocaux ritualistes).
Marqué du sceau de l’excellence, "
Midian" ne relâche jamais sa proie, prend à la gorge et aux tripes pendant les cinquante minutes de l’album. Le mystérieux, à l’esprit ici complètement gothique, "Creatures
That Kissed in
Cold Mirrors", intermède instrumental et symphonique, inquiétant et brumeux, délivre une tension sourde, latente, de tous les instants. Les notes de piano se diluent dans l’atmosphère, s’envolent dans des cieux n’ayant jamais paru aussi lointains et inaccessibles.
"Her
Ghost in the Fog" sonne l’estocade, le coup de grâce, la composition la plus envoutante et malsaine de l’album (l'intro au piano rappelant "The
Graveyard by
Moonlight") . Excessivement lourde, asphyxiante, mêlant les hurlements caractéristiques de Dani à des envolées féminines presque détachés, hors du temps, fantomatiques. La performance du vocaliste sur "
Midian", et plus particulièrement sur cette composition, "
Lord Abortion" et "Cthulhu
Dawn", démontre un talent prisé et rare, jouissant s’un statut unique sur l’ensemble de la scène (qui peut se targuer de posséder une voix comme la sienne ? Que l’on aime ou déteste…).
Ce quatrième opus sonnait donc l’heure de la perfection pour les Britanniques, qui allait par la suite inexorablement vivre sur un passé riche et salvateur. Non pas que les albums suivaient soit mauvais ("
Nymphetamine" fait probablement partie des trois meilleures livraisons du groupe, tandis que le très récent "
Godspeed of the
Devil’s
Thunder" renoue avec une brutalité en partie oubliée sur le creux "
Thornography"), mais ils ne possèdent pas l’ensemble des éléments présents sur
Midian.
Il fait partie de ces albums que l’on écoute dans un certain état d’esprit, qui peut s’avérer parfois inécoutable, et d’autres fois intouchable. "
Midian", de son éclat sombre et maléfique, brille dans la noirceur infinie des ténèbres métalliques, et possède à lui seul, la personnalité entière de l’entité que l’on rêvait d’écouter.
Perversion. O douce perversion spirituelle.
Je ne sais d'ailleurs pas s'il existe une "espèce" plus crétine que ces soit disant "puristes" du BM qui pour la plupart étaient encore dans les couilles de leurs pères pendant l'émergence du style...quelle plaisanterie ! ^^
Ce Midian s'ouvre sur un véritable chef d'oeuvre qu'est "Cthulhu Dawn", un prod plus puissantes, un groupe qui manipule avec beaucoup de dextérité ce mariage de différent horizon, ce qui accroit sa personnalité.
Très bon album encore une fois. 16/20
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