On serait en droit de penser qu'en 2009 le grand
Slayer n'a plus rien à prouver depuis longtemps.
Pourtant, depuis le début des années 90, aucun album n'a réellement fait l'unanimité. En
1994, "
Divine Intervention" a rencontré un certain succès mais les grandes compositions du groupe semblaient déjà bien lointaines. En 1996, l'album de reprises punk "
Undisputed Attitude" n'était clairement pas ce que les fans attendaient.
Slayer a donc tenté de moderniser son style en 1998 avec "
Diabolus in Musica". L'intention était louable, mais le résultat fût loin d'être satisfaisant et il fallut attendre 2001 pour que "
God Hates Us All" nous dévoile enfin cette facette moderne du groupe en lui permettant de revenir en force sur le devant de la scène. Les attentes étaient grandes pour la suite car Dave Lombardo (batterie) était revenu dans les rangs et on nous annonçait un retour aux sources du style du groupe. Mais la déception fût grande en 2006 avec "
Christ Illusion" qui sonnait effectivement très old-school mais qui souffrait clairement d'un manque d'inspiration et d'une grande linéarité.
Alors même si
Slayer a su retrouver son statut de groupe leader de la scène
Metal, cela ne signifie pas forcément que les fans devraient se contenter d'un nouvel album de compos "classiques" qui auraient pu sonner comme un "
Christ Illusion 2". C'est pourtant ce que laissaient craindre les deux premiers titres dévoilés de l'album "
World Painted Blood", à savoir "
Psychopathy Red" (enregistré fin 2008, bien avant le reste de l'album) et "
Hate Worldwide". Ils sont loin d'être mauvais mais assez classiques dans leur sonorité et leur structure.
Et pourtant, c'est la grande surprise de "
World Painted Blood" : l'album est plutôt varié et on sent que le groupe a tenté de nouvelles choses dans certains morceaux. Mais avant de nous attarder sur les différents morceaux, un mot sur le package de l'album (édition spéciale) : une pochette en plastique translucide "rouge sang" où seul le mot SLAYER se détache en grosses lettres blanches. C'est simple et direct (c'est plutôt bon signe) et c'est à peine si l'on peut lire le titre "
World Painted Blood" en dessous. Car justement, la vraie pochette est en dessous et elle ne se dévoile correctement qu'en dépliant le digipack : il s'agit d'une carte du monde, sauf que les continents sont uniquement composés d'ossements et de crânes et que le tout est parsemé de grossières taches de sang.
Pas très original mais joli ! A l'intérieur, le CD de l'album ainsi qu'un DVD bonus (j'y reviendrai), eux aussi tachés de sang. Le livret est dans la continuité du concept car il est lui-aussi taché de sang et toutes les pages ont une couleur prédominante "rouge sang" très sombre. Niveau contenu, c'est assez classique : les paroles de tous les morceaux de l'album (aucune grande originalité de ce côté-là d'ailleurs, on reste dans les classiques du genre), des photos de chaque membre en concert et les crédits habituels.
Et la musique, alors ? Hé bien je vais tout de suite commencer avec le plus gros point faible de l'album : le mix !!! Le producteur Rick Rubin et l'ingénieur du son Greg Fidelman nous avaient déjà fait le coup avec le "Death Magnetic" de
Metallica : le son (surtout celui des guitares) est hyper compressé et cela empêche certains morceaux de décoller alors que l'écriture était bonne. La basse est inexistante (sauf quand elle est seule) et il faut vraiment se concentrer pour saisir toutes les nuances de la batterie. Quel dommage ! Le grain des guitares est réduit à un espèce de gros son crunchy au lieu d'être bien lourd sur certains passages et incisif sur d'autres.
Seul le titre "
Psychopathy Red" échappe au massacre car il a été produit bien avant le reste de l'album. Si seulement les guitares avaient sonné sur les autres morceaux comme dans celui-ci... Ce procédé de mix scandaleux est sensé donner l'impression que la musique sonne plus fort alors que ça me donne simplement envie de monter encore le son tellement je trouve que ça manque de pêche.
Au niveau du style des compos, comme je le disais c'est plutôt varié. On a bien sûr les compos "classiques" (très speed) du groupe. Mais là où certains titres ne présentent que très peu d'intérêt comme "
Unit 731" (surtout celui-ci), "Public Display Of Dismemberment" (dommage pour le blast-beat de batterie qu'on entend à peine) ou "Not Of This
God", d'autres réussissent tout de même à se détacher comme "Snuff" et son refrain bien lourd ou "
Psychopathy Red" qui ne devient vraiment intéressant que dans ses 40 dernières secondes lorsque les riffs de guitare s'enrichissent soudainement et que le chant atteint un niveau de violence rare. Mention spéciale à "
Hate Worldwide" qui, sous ses airs de compo classique, se révèle finalement être un titre très accrocheur (surtout grâce à son sympathique riff de couplet).
Plus surprenant, le titre "Americon" se détache nettement du reste de l'album, on croirait presque qu'il a été composé pour un autre groupe. Loin d'être mauvais, ce morceau (et ses gros riffs permanents) est celui qui souffre le plus du mix déplorable de l'album. Avec un vrai gros son, "Americon" aurait facilement pu figurer sur "
God Hates Us All". En tout cas, ce titre risque de surprendre les fans "hardcore" de
Slayer mais il plaira certainement aux plus jeunes ou à ceux qui ne connaissent pas bien le groupe. Ce ne serait pas surprenant qu'il s'agisse d'un des futurs singles issus de l'album.
Et pour finir, on a quatre morceaux plus variés dans leurs sonorités et leurs structures. "
World Painted Blood" ouvre l'album à merveille avec ses riffs de guitare tantôt speed et rythmés, tantôt très lourds et son chant qui monte en agressivité à partir du milieu du morceau. On pourra tout de même lui reprocher une trop grande simplicité dans certains riffs mais au moins c'est accrocheur. "Beauty
Through Order" joue beaucoup plus sur l'alternance entre ambiances sombres et refrains lourds et lents. Une partie bien speed (mais très courte) au milieu du morceau nous réveille avant de nous plonger dans une seconde moitié plus puissante et plus inquiétante qui s'achève sur un final survolté. Il s'agit sans conteste d'un des meilleurs morceaux de l'album ! "Humain
Strain" nous emmène également dans des ambiances relativement sombres mais vers le milieu du morceau (2:03 pour être précis),
Slayer nous dévoile une facette mélodieuse, angoissante et magnifique qu'on ne lui connaissait pas. Dommage que ce passage soit si court, sinon le morceau est assez correct. Avec "Playing With Dolls", on est encore une fois plongés dans des ambiances bien glauques (autant de fois sur un même album, c'est fou !). Le refrain terriblement sombre qu'on entend dans la première partie du morceau se paie même le luxe de me rappeler l'un de mes titres préférés de
Slayer : "
Spill the Blood" de l'album "
South of Heaven".
Ces quatre morceaux tout en nuances devraient beaucoup plaire aux fans du titre "
Seasons in the Abyss", sans toutefois atteindre le même niveau d'agressivité dans les parties speed.
Un mot sur le DVD bonus de l'édition spéciale : nul ! Il s'agit d'une BD animée avec des extraits de morceaux de l'album (dont un inédit). La réalisation du truc est très mauvaise (même avec les moyens techniques d'il y a 10 ans on pouvait faire mieux), l'ambiance souhaitée n'est pas rendez-vous et les extraits sont bien trop courts pour que ça ait un intérêt.
Au final, cet album et sa diversité de sons, d'ambiances et de styles ne fera (encore une fois) certainement pas l'unanimité, mais à défaut d'être le meilleur album depuis la période la plus mythique du groupe (quoique ?), il s'agit sans hésitation de l'album le plus intéressant et varié que
Slayer ait enregistré depuis bien longtemps. Tous les membres du groupe semblent bien en forme et mention spéciale à Tom Araya qui s'est ici essayé à plusieurs styles de chant, en allant du plus mélodieux au plus incroyablement violent. Dave Lombardo semble également très inspiré mais le faible mix de la batterie ne lui fait pas honneur sur cet album.
Les plus : des titres variés, "
Hate Worldwide", "Beauty
Through Order"
Les moins : le mix pourri (surtout des guitares), "
Unit 731"
Ma note : 15/20
Certains morceaux comme "Beauty Through Order" et "Not Of This God" sont vraiment d'une grande puissance.
Même le très controversé "Playing With Dolls" se bonifie avec le temps.
Du très bon Slayer!
Note: 16/20
Merci pour la chro. De bons moments sur ce disque, d'autres moins en effet. Curieux d'entendre le nouveau matériel avec Holt. Jeff était un compositeur essentiel de Slayer mais force est de constater que ce n'était plus trop ça sur les derniers skeuds. Alors que Holt avec Exodus a envoyé du lourd depuis les années 2000.
Très belle chronique, le groupe est effectivement assez peu inspiré, l’ensemble manque de puissance et certains titres sont un peu convenus. Je regrette juste la référence négative envers le néo metal. Si je te rejoins sur le fait que Humain Strain est faiblard et n’a pas sa place sur l’album, c’est davantage parce qu’il n’est pas passionnant ,ni très bien écrit, et pas parce qu’il a des éléments du néo metal. Quant à Americon, c’est surtout ce couplet plat aux riffs quelconques et sans épaisseur qui gâchent tout.
Quant à ta conclusion, elle est parfaite et résume bien ce que l'on peut penser objectivement World Painted Blood. Bravo à toi
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