Dernier rescapé errant au cœur d’un empire désolé, Blackie
Lawless demeure immuablement assis sur son trône. Les acclamations unanimes d’une foule conquise ont fini par se taire après un mémorable
The Headless Children aux propos matures, maîtrisés et inspirés. Le temps a passé, l’éloignant des splendeurs et des fastes de palais où partout son génie aura séduit un peuple délicieusement hagard. Désormais l’artiste est seul face à ses envies créatives. Il songe a abandonné le nom de
WASP puisque dorénavant il en est l’unique et dernier dépositaire. Il finira toutefois par conserver ce patronyme. Il se remet alors à songer à son vieux rêve d’album conceptuel. Il se remet à composer.
Si sur sa précédente œuvre, Blackie avait su faire évoluer son univers adolescent, crû et subversif, en un autre plus adulte, les desseins fondamentaux caractéristiques qui furent ceux qui définirent autrefois l’âme rebelle de l’artiste, et donc de son groupe, n’ont guères changé. Cette mutation, bâtis sur l’héritage de ce legs passé, va bientôt donner vie, après trois ans de dur labeur, à un projet très intrigant.
Baptisé
The Crimson Idol, l’œuvre nous propose, en un concept album ambitieux, de narrer les déboires de Jonathan Aaron Steele. Cet adolescent, fils de William et
Elizabeth Steel et frère de Michael Steel, est rejeté par des parents dont la vie est vouée à la glorification de leur fils Michael. Jonathan finis par quitter le domicile familial après la mort de son frère. Errant dans une existence de débauche où la drogue et l’alcool deviennent son quotidien, il finira, après certaines péripéties, par devenir un célèbre chanteur de Rock. Ce combat initiatique de la recherche de sa personnalité, cette volonté d’affirmation de soi, prendra tragiquement fin lorsque devenu, enfin, quelqu’un il tentera d’obtenir la seule chose dont il eut toujours rêvé : l’amour et l’attention de ses parents. Cette ultime expérience, sur laquelle les siens cracheront ces cinq mots en un dernier ‘‘nous n’avons pas de fils’’, le conduiront à se suicider.
Le pamphlet contre l’industrie musicale développé dans le récit de cette œuvre, est d’une exactitude cruellement délicieuse et ne pas y voir de similitudes entre le destin imaginé de Jonathan et celui vécu de Blackie, serait, selon votre humble serviteur, une erreur. Etablir d’autres analogies serait des spéculations sans doute fondées, mais qui n’ont, à vrai dire, que peu d’intérêt.
Concernant l’aspect musical notons d’emblée, que cet album est, une fois encore, exceptionnel. Ce constat évident écrit, évitons de tomber dans l’énoncé litanique louangeur où il nous faudra, inévitablement, usés de termes tels que ‘‘remarquable’’, ‘‘admirable’’, ‘‘superbe ’’ et de tant d’autres encore dont l’emploi ne serait, à vrai dire, que justifié. Car, en effet, ce nouveau manifeste est empreint de toutes ces qualités qui le confinent, sans doute possible, aux sphères enviables de l’excellence. Dès lors l’exercice de la chronique ne peut être que subjectif. En effet que peut-on critiquer lorsqu’une œuvre demeure aussi irréprochable ? Attachons-nous donc déjà à évoquer objectivement ce que quiconque ne pourra démentir.
S’appuyant sur les fondations solides établis par
The Headless Children,
The Crimson Idol nous propose les délices d’un Heavy
Metal intelligemment composé. Ses titres, dans lesquelles diverses constructions s’entremêlent, laissant le génie créatif de Blackie pleinement s’exprimer, sont incroyablement captivants. Maitrisant chacune des émotions qu’il nous livre, le virtuose nous offre, tour à tour, des moments intenses où la rage contenue dans sa voix si singulièrement écorchée est, essentiellement, soutenu, par cette batterie fougueuse et par ces riffs acérés, ou encore des instants intimistes où son chant se combine aux guitares sèches et aux claviers.
Difficile d’extraire un titre plutôt qu’un autre afin d’illustrer cette étonnante expérience que constitue
The Crimson Idol. L’œuvre demeure, en effet, d’une délicieuse homogénéité tant, évidemment, par son concept que par ses vertus.
Seul des titres tels que
Chainsaw Charlie (Murders In The
Rue Morgue) et The Great Misconceptions Of Me semble se détacher de cette excellence ambiante au milieu des superbes The
Titanic Overture (titre exhumé des abysses de l’histoire de
WASP alors que le groupe s’appelait encore
Sister, et le morceau Don’t Know What I Am. Preuve en est, s’il en fallait une, que ce désir d’album conceptuel est ancien chez Blackie.),
Arena of Pleasure,
Doctor Rockter ou encore, par exemple
I Am One. Si le premier s’en démarque par des valeurs musicales plus remarquables encore que celles qui hantent cet opus, le second, quant à lui, y parvient de par une conception étonnement subtile. Ce dernier, en effet, se propose en un plaidoyer de plus de neuf minutes de faire la synthèse mélodique de l’ensemble de l’œuvre. L’idée est habile ; et le morceau venant clore le récit, une réussite.
Durant toutes ces années qui conduisirent
WASP à cet album, le groupe fut avare de ces titres langoureux aux romances intimistes (Forever
Free, Sleeping (In
The Fire)…). C’est éminemment regrettable à l’écoute des admirables ballades telles que The Gypsy Meets The Boy,
The Idol et
Hold on to My Heart qui viennent somptueusement enrichir cet opus d’une superbe émotion poignante.
Seule ombre semblant assombrir, subrepticement, le paysage de cette œuvre, la densité d’une démarche musicale et conceptuelle plus complexe et moins immédiate que celle qui anima le groupe autrefois pourrait, de prime abord, refroidir les ardeurs d’un auditoire plus aguerris à la simplicité. Même si, soyons franc, il ne s’agit pas là d’une difficulté insurmontable l’album nécessite afin de s’y immerger complètement, tout de même, un effort d’adaptation, inhabituel pour
WASP. Un défaut qui, somme toute, est relativement anodin.
The Crimson Idol est donc un album captivant et riche dont les nuances subtiles nous offrent des plaisirs incomparables.
Merci pour la chronique.
En regardant une interview de Stet Howland, ce dernier raconte combien Blackie était hyper bipolaire en ce qui concerne les credits. J'ai d'ailleurs appris que Stet a enregistré 50% des parties de batterie avec F. Banali et que Doug Aldrich a joué certains plans de guitare mais n'a jamais été crédité par Blackie...
Yo les gens, j'ai créé un topic mais je reposte ici dans le doute ;

Merci pour la chro j'aurais une vraie question sur ce qui est un de mes albums préférés: les titres "phantoms in the mirrors" et "The eulogy" auraient quelle place dans la soundtrack? Histoire de coller au concept. Et d'ailleurs si on prend le Re-Idolized, ça donnerait quoi? Quelqu'un aurait des infos sur ça? (maybe quelqu'un qui maîtrise l'anglais mieux que moi ou qui aurait vu des interviews de Lawless?)
Ca m'intéresse vraiment de savoir le déroulement de tout ça
Merci d'avance
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