Si la démarche artistique de KFD demeure éminemment respectable, le résultat, quant à lui, ne pourra être jugé qu’à la mesure subjective des attentes de chacun. Nul doute que beaucoup, adeptes de ce Heavy que distilla autrefois
WASP et dont l’apothéose géniale s’exprimera en deux albums superbes (
The Headless Children et
The Crimson Idol), auront été déroutés par les affres de cette musique machinal Indus dont les mécaniques implacables et glaciales constituent un paradoxe, sans doute insurmontable, pour eux.
Mais la parenthèse créative, aussi ingénieuse fut elle, ne pouvait être qu’éphémère. Il fallait que l’hideuse créature retrouve son visage rasséréné. Il fallait qu’elle apaise les affreuses cicatrices de cette impassible froideur torturée née du soubresaut provoqué, du moins on peut l’imaginer, par cette frustration face aux critiques accusant son maître créateur, Blackie
Lawless, de manquer d’inspiration après un
Still Not Black Enough fade.
Et voilà donc qu’
Helldorado, au cœur de cette quiétude retrouvée, dévoilait ces contrées où le calme, certes relatif, revenu nous promettait de nouvelles satisfactions. L’engagement était d’autant plus exaltant que les bruissements lointains, échos nous parvenant de ce nouvel eldorado, nous laissaient présager le retour de ce Heavy originel illustrés par
WASP sur ses premières œuvres.
Bien plus qu’un retour aux sources, ce disque constitue une réelle régression. Loin de s’atteler à défendre les valeurs d’une musique qui fut la sienne, en ces temps bénis où il arpentait les scènes du monde entier en jetant des morceaux de viandes crues sur un auditoire conquis et en crachant sa morve irrévérencieuse, Blackie
Lawless nous propose ici l’insipide tiédeur d’un Rock/
Hard dont le seul aspect âpre réside en son chant écorché si délicieusement caractéristique. Pire encore, il ne se contente pas de voyager dans le temps, il voyage aussi en d’autres terres inaccoutumées pour lui. Pour ce faire, il donne à sa musique une teinte typiquement australienne que les frères Young n’auraient sans doute pas reniée. Ainsi donc
WASP nous offre sur cet album une vision trouble d’un mélange incertain née de l’accouplement improbable entre AC/DC et entre les plaintes rugueuses d’un Blackie
Lawless vociférant.
La démarche est audacieuse. L’opus, quant à lui, décevant.
Manquant cruellement d’une inspiration personnelle qui lui aurait offert un autre vernis que celui des Sydneyéens fondateurs du genre,
Helldorado s’enlise dans une certaine uniformité linéaire coupable, de laquelle l’auditeur ne pourra ressortir qu’abasourdis. Ainsi, au-delà d’un
Drive By, préambule introductif dont le climat n’est pas sans nous évoquer, de manière infime et appréciable, d’autre temps plus agréables (The Big Welcome,
Scream Until You Like It,
Wild Child…), le titre
Helldorado nous offre des affres Boogie Rock’n Roll. Cette première salve, pas totalement inefficace mais cruellement soufflée par d’autres, est, malheureusement, très symbolique de ce disque.
Ajoutons, de surcroît, que le manque d’originalité de certains de ces morceaux, de certains de ces riffs et de certaines de ces mélodies, conjugué à ce vernis australien, finit par donner à l’ensemble un aspect homogène fort désagréable. Cette insidieuse impression monolithique nous condamne à ressentir certains morceaux comme de vulgaires réédites. Avec si peu de nuances, ce plaidoyer devient alors un calvaire duquel il est bien complexe d’extraire quelques airs, refrains, notes distinctes. Ainsi les titres
Helldorado, Dirty Balls et, par exemple, Hot Rods to
Hell semblent même n’être qu’un seul. Interminable, accablant, inutile, fade.
Notons encore que cet opus, de manière général et alors que le groupe semblait vouloir s’affranchir d’une certaine verve immature d’antan en nous proposant des textes et des thèmes plus adultes, est un manifeste à la gloire de ces écrits subversifs d’autrefois qui firent, aussi, la réputation de Blackie
Lawless.
En ce marasme décevant, seul l’excellent Damnations Angels, aux lancinantes travées hypnotiques et déchirantes, vient nous offrir du plaisir.
Helldorado n’est que l’expression sans éclat, et sans inspiration, d’une variation sur le thème du
Hard Rock/Boogie Rock’n Roll créée par AC/DC. La seule tonalité caractéristique qui démarque
WASP des illustres australiens fondateurs réside ici dans la voix atypique de Blackie
Lawless. Une différence qui, au final, apparaît comme anecdotique. Tout comme cette œuvre à vrai dire…
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