Pour la totalité des mythes du thrash metal des eighties, l’arrivée des années 90 fût un cap des plus difficiles à passer. Carrément fatales pour certains, mêmes pour les plus grands ces années furent d’abord celles de la concurrence écrasante du death metal, puis de l’émergence de nouveaux acteurs comme
Pantera ou
Machine Head qui se mirent à tailler des croupières aux anciens.
Pour ne se concentrer que sur le groupe de la Bay
Area qui nous concerne ici, le constat est identique. Le temps du firmament de
The Legacy est bien consommé, et restant sur un
Ritual qui n’a pas convaincu,
Testament est bien décidé à ne pas rester en rade sur le bord de la route.
Ils jettent donc toutes leurs forces dans la bataille en sortant Low en
1994, dont le contenu indique clairement une volonté de sonner moderne.
L’effet de surprise se veut saisissant dès les premières notes de Low : guitares puissantes, rythmique mid-tempo en acier forgé, et surtout évolution du chant de Chuck avec une présence et un coffre rappelant par moments de Phil Anselmo…
Legions confirme ce virage assez spectaculaire, avec la recherche systématique de riffs roulants, massifs, claquants à l’impact, appuyé par une basse assez lourde et une batterie martiale au jeu déhanché, qui occupe bien l’espace, abusant de double pédale pour densifier le tout. Les recettes de ce qu’on appellera plus tard le post-thrash, et un certain héritage de techniques de bases du death metal :
Testament frappe là où il n’est pas attendu, et enfonce un peu plus le clou avec
Hail Mary, du même tonneau. Toujours cette rythmique lente à mid-tempo, mais imposante, un chant volontaire et quelques soli bien sentis, qui eux, font partie de la marque de fabrique déjà bien connue. Tout cela est foutrement bien en place.
La rupture s’arrête un instant avec
Trail Of Tears, sempiternelle balade au chant clair et aux recettes éculées que maîtrisent parfaitement
Testament. Toujours un bon moment d’ailleurs, où le toucher et la créativité de ces diables de gratteux font merveilles.
La marche en avant reprend dans cette même veine post-thrash (un bon Shades Of
War, un passable P.C), mais le deuxième gros effet de surprise intervient avec
Dog Faced Gods : du death metal, pur et dur, ni plus ni moins, avec un couplet virulent couvert par les growls respectables de Chuck Billly ! Dommage que
Testament n’aille pas au bout de ses idées sur le refrain chanté un peu hors de propos. Un chant de death que l’on retrouve d’ailleurs parsemé çi et là (comme sur la fin de l’énergique Ride).
La fin de l’album demeure toutefois un peu approximative, seul Chasing Fear tenant solidement son rang. Dommage, car le fil est de fait un peu perdu et l’album perd un peu de sa vitesse de croisière en s’égarant dans de trop nombreuses voies.
Alors, que penser de ce Low, au delà du décontenancement qu’il a suscité à l’époque de sa sortie ? Avec une pointe de lucidité il est juste de détecter dans la démarche de
Testament une certaine part d’opportunisme : rompant fortement avec son passé, les Américains ne font pas dans l’innovation, l’album étant largement constitué « d’emprunts » aux styles les plus en vogue, du post-thrash de
Pantera au death metal. Une démarche artistique toujours sujette à critique. Cependant, dans leur volonté d’exister, et en s’appuyant sur leur indéniable talent et leur technique redoutable, les thrashers sont irréprochables dans la finition et la musique proposée tient diablement la route.
Disque qui doit être avant tout vu comme celui de la transition, donc en manque de maturité et hésitant sur la voie artistique à suivre. Au-delà, son importance dans la discographie de
Testament est indiscutable. En s’accrochant de la sorte, quitte à s’appuyer sur de nouveaux référentiels stylistiques, le groupe parvient à survivre aux terribles années 90 et à construire sûrement les bases de son avenir, avec en point de mire lointain un grand coup d’éclat à venir nommé
The Gathering.
"Hail mary" m'a laissé sur le cul. J'adore!
J'ai également apprécié les soli de Murphy. D'ailleurs, mention très bien au livret qui précise pour chaque titre qui joue les soli. C'est de plus en plus rare et c'est dommage car c'est sympa de savoir qui joue quoi et quand lorsqu'il y a deux guitaristes.
En effet, exit le guitariste-virtuose Alex Skolnick (qui rejoindra Savatage pour enregistrer "Handful of Rain en 1994) et le batteur Louie Clemente, place à l'excellent guitariste James Murphy au cv impressionnant (ex-Agent Steel, Hallows Eve, Death, Obituary, Cancer, et Disincarnate...ouf !), et au non moins excellent batteur John Tempesta (ex-Exodus).
Certes le son du groupe s'est étoffé, et Chuck Billy chante dans un registre plus grave, mais à l'écoute de ces brûlots que sont "low", "hail mary" (et ses riffs aux sonorités quasi industrielles), ou encore le brutal "dog faced gods" personne ne peut nier que Testament opère ici un véritable retour en force !
Evidemment l'énorme succès qu'a obtenu Pantera en 1992 avec "Vulgar Display of Power", n'est pas absolument pas étranger à ce retour à un style plus brutal.
Ceci dit même si Testament n'a pas (encore) complètement tourné la page de son récent passé, continuant à nous proposer des morceaux heavy ("p.c."), et surtout la ballade de rigueur ("trail of tears"), il a par contre retrouvé son chemin, ce qui n'est déjà pas si mal...
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