Fondé dès 1987 et membre très actif de la scène suédoise fin 80’s / début 90’s,
Therion avait déjà commencé à s’émanciper sur son troisième album Symphony Masses: Ho Drakon Ho Megas, rompant avec le swedish Death
Metal qu’il avait contribué à créer. Interpellé par les efforts du combo, Markus Steiger, qui cherche à renouveler son catalogue en cette période moribonde pour le Death
Metal, signe le groupe de Christopher Johnsson sur son « superlabel » allemand
Nuclear Blast.
Dans un contexte où le Heavy
Metal apparaît obsolète, où le Thrash a quasiment disparu et où le Death
Metal subit la suprématie du Black,
Lepaca Kliffoth (1995) arrive à point nommé pour combler un vide et apporter de la nouveauté à une scène métallique se mordant un peu la queue.
Aux premières notes du disque, une question vient à l’esprit «
Celtic Frost, c’est un style de
Metal ? », car
Therion a décidé de revenir aux fondamentaux, mais là où nombre de ses frères d’armes du
Metal extrême ne jurent que par
Morbid Tales et les offrandes de
Hellhammer, le trio a visiblement un faible pour l’expérimental Into the
Pandemonium (dont on trouve ici une bonne reprise, Sorrows of the
Moon). La voix de Johnsson ressemble d’ailleurs fortement à celle de Tomas G.
Warrior.
Et pour revenir à nos moutons et répondre à la fameuse question du paragraphe précédent, force est de constater que oui : comment définir autrement les compositions de
Lepaca Kliffoth ? Ce ni Thrash, ni Black, ni Doom, ni Heavy, ni Death, mais un peu de tout ça : c’est du
Celtic Frost, et donc avec une certaine lourdeur, et même une lourdeur certaine (notamment sur l’entame de
Wings of the
Hydra).
Le côté sombre est présent aussi, mais pas crasseux à la façon Death
Metal, c’est plus insidieux, comme sur le titre Black où un étonnant chant de soprano accompagne d’abord les guitares lentes et pesantes, puis une rythmique vive très Thrashy, la fin du morceau propose même un clavier déclamatoire accompagnant la basse, remplaçant la guitare et guidant la musique :
Therion vient de reprendre à son compte les vieilles recettes tentées sur Into the
Pandemonium pour enfanter du
Metal dit symphonique.
Toutefois le temps n’est pas encore à l’orchestre philharmonique, la musique de
Therion garde une assise pure avec des chansons encore basées principalement sur la force du riffing, comme sur l’imparable Melez ou le remuant Riders of
Theli, doté d’un épique solo Heavy
Metal et d’un final haletant.
Arrival of the Darkest Queen /
The Beauty in Black offre en revanche le côté le plus paisible de
Lepaca Kliffoth, telle une balade Heavy
Metal chantée en duo par Hans Groning dans le rôle de Pavarotti et Claudia Maria Mokri dans celui de Montserrat Caballé… Ce morceau servira d’ailleurs de test sous la forme d’un single commercialisé avant l’album par
Nuclear Blast.
Point d’orgue du disque,
Lepaca Kliffoth offre un aperçu du grand talent de compositeur de Christopher Johnsson, ce dernier commençant enfin à exprimer son potentiel, tour à tour lent et occulte puis trépidant, ce titre offre un final incantatoire mettant littéralement l’auditeur en transe.
Evocation of
Vovin placé à la fin (sans doute pas par hasard), est certainement la pièce la plus représentative de l’évolution future de
Therion avec ce clavier imposant et ses chœurs d’opéra jouxtant des guitares Heavy
Metal.
En plus d’être un hommage appuyé à
Celtic Frost,
Lepaca Kliffoth ouvre la brèche à un nouveau genre, le
Metal symphonique. Certes le style est encore moins bien définit que sur son successeur
Theli, la musique est peut-être moins aboutie et moins flamboyante que sur le remarquable
Vovin, mais le quatrième disque de la bande C. Johnsson marque une remarquable évolution : portant encore les derniers vestiges de la noirceur Death
Metal d’origine, tout en présentant des schémas inédits, prémices à la déferlante
Metal sympho qui allait suivre.
Une œuvre singulière et inimitable de la trempe de Esoptron (Septic
Flesh) ou du sous estimé A Black
Moon Broods Over
Lemuria (
Bal Sagoth), avec qui il partage ce sens aventureux et épique.
BG
J'aime peu d'albums complets de ce groupe, juste un ou deux morceaux par album mais pour Vovin et Lepaca Kliffoth je sais pas, y'a un truc qui fait que tout le CD y passe sans problème.
Peut-être parce qu'on a ici l'album charnière du groupe, entre le death des débuts et le sympho de plus tard ; on obtient une espèce de "protosympho" rugueux mais particulièrement raffiné. Mention spéciale pour "The Beauty in Black" et cette foutue intro qui me fait penser à une version moins brutale que "Black Rose" !
Le dernier en date n'est pas mal non plus, mais pour la première fois on est vraiment en terrain très connu, voire balisé (par le groupe lui-même). J'espère que Therion saura se renouveler, en attendant je me replongerai dans les premiers albums, il y a encore beaucoup de chansons sur lesquelles je ne me suis pas fait un avis définitif.
Merci pour ce texte en tous cas.
On dirait des mauvaises chutes de Lemuria / Sirius B...
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