Par où commencer ? Par où finir ?
Pour une fois, je vais être très direct. Décrire un projet comme
Beloved Antichrist est une véritable galère. En parler est une chose, en faire une chronique est une idée que j’ai finalement décidé de renier tant l’approche est complexe et surtout dépend de multiples facteurs rendant l’écoute très différente d’un « simple » album. Et pourtant, dieu sait que les œuvres complexes, expérimentales, progressives à outrance (qui a dit
Ayreon ?
Beyond Twilight ?
Devin Townsend ?) sont mes dadas, mais
Therion a finalement pousser le bouchon encore (trop ?) loin.
Évoquons les choses que la plupart d’entre vous savent déjà. Christofer Johnsson décide après "
Sitra Ahra" de faire un break créatif car il pense avoir sensiblement fait le tour de la question suite à certains des opus les plus influents du metal gothique symphonique, notamment "
Vovin", la suite "
Lemuria" / "
Sirius B" ou l’ambitieux "
Gothic Kaballah" qui lui ont conféré un statut de groupe majeur et d’artiste en marge de la scène traditionnelle. "
Les Fleurs du Mal" fait scandale, le guitariste s’en amuse et décide de l’auto-produire (
Nuclear Blast n’ayant pas souhaité le suivre dans l’aventure), de partir en tournée puis de faire un break pour se concentrer sur ce qu’il considère comme le dernier grand projet de sa vie : l’écriture d’un opéra. Non pas un simple album mais un véritable opéra, en plusieurs actes, avec personnages et script et l’ambitieux de pouvoir le jouer à l’avenir grâce à une troupe, des costumes, des décors et tout ce qui va avec. Si le metal reste sensiblement dans son esprit, il ne veut plus s’y limiter et ambitionne même d’en créer une franchise, afin que l’opéra puisse être exploité à l’avenir par des tiers et ainsi faire le tour du monde. Un projet fou ? Pharaonique ? Irréalisable en 2018 à l’ère de la musique jetable et numérique ? Un peu de tout ça …
Les camarades de jeu du guitariste sont connus. On y retrouve ses musiciens actuels, Thomas Vikström dans le rôle de l’antéchrist (qui a d’ailleurs participé à des comédies musicales pendant le break de
Therion, notamment celles de Abba et Queen), sa fille et une multitude de vocalistes se partageant les différentes gammes vocales. En tout, cela nous donne une quinzaine de vocalistes pour une trentaine de personnages. Rien que ça. Nous évoquions des actes…nous en aurons trois pour autant de disques. Tout semble démesuré quand nous parlons de cet opus, jusqu’au concept hérité de Vladimir Soloviov, transposé dans un monde steampunk dans lequel tempêtes solaires, fin du monde et guerre de clans (ceux défendant l’antéchrist et ceux souhaitant le faire disparaitre) sont au centre de l’histoire. Le guitariste ne cache pas que "
Beloved Antichrist" est comme l’aboutissement de ce qu’il avait tenté d’initier avec "
Gothic Kabbalah". Des morceaux plus accessibles, plus progressifs, qui peuvent autant être appréciés de ses fans comme d’un plus large public, cible avoué et visé si le projet de mise en scène pouvait aboutir.
Cependant, comme tout savant fou de son état, "
Beloved Antichrist" souffre aussi du chaos interne de son géniteur. Car si l’on aurait pu s’attendre à un véritable opéra (musicalement parlant) dantesque, lyrique, dramatique et au moins aussi puissant qu’un Carl Orff ou Richard Wagner, il n’en est finalement rien. A distiller son essence à outrance comme il se plait à nous l’expliquer en interview, à évoquer constamment Andrew Lloyd Webber (compositeur de "Jesus Christ Superstar"), il a finalement perdu de vues ses aspirations initiales pour se focaliser sur un rendu mainstream, relativement simple d’accès car c’est avant tout ce public qui sera la clé d’entrée pour son projet. Et c’est probablement là que le bât blesse…la sincérité du propos, si l’ambitieux et le rêve d’une vie n’a pas pris le pas sur le processus créatif. Si le jusqu’au-boutisme n’est finalement pas qu’une façade vendeuse et flatteuse mais finalement bien moins réelle que sur ses albums « traditionnels ».
Car il faut bien l’avouer. Entre un "
Vovin", un "
Theli", un "
Lemuria" ou un "
Gothic Kabbalah" et ce "
Beloved Antichrist", la différence musicale prend plutôt l’allure d’un immense ravin, d’un gouffre tant l’absence de surprise, de prises de risques et de renouvellement saute aux oreilles du fan averti.
Qu’on ne s’y trompe, je ne remets pas en cause l’investissement impressionnant de Christofer, autant psychologique que physique (il a eu de graves problèmes de santé, notamment deux hernies discales qui auraient presque pu l’empêcher de marcher) mais bien sa volonté de trop vouloir simplifier son propos alors qu’il disposait d’un réservoir de trois heures ! Cela nous offre un disque très difficile à suivre, quasiment impossible à écouter dans son intégralité tant il est difficile de trouver une cohérence à l’ensemble. Là où nous étions en droit d’attendre une suite logique entre les titres, une narration maitrisée, peut-être même des thèmes musicaux récurrents (comme
Ayreon sait si bien le faire), nous avons « simplement » (dans le cadre de l’écoute d’un disque de
Therion, soyons clair) affaire à une suite boulimique de 46 morceaux, offrant la sensation d’écouter trois albums en un et rendant l’effort si important qu’il est difficile d’avoir constamment envie d’y revenir.
On débute l’album en retrouvant des similitudes avec "
Gothic Kabbalah", notamment dans la production très rock et les chœurs bien plus en avant que les guitares ou la batterie dans le mix. Puis les titres s’enchainent, et la sensation d’écouter toujours la même chose revient sans cesse. Les structures sont bien trop simples (simplistes ?) avec des titres de 3/4 minutes en général, les riffs ne servent qu’à justifier le fait que nous écouter du rock/metal, l’aspect dramatique du scénario n’est finalement pas tant retranscrit dans la musique (exceptés certains passages un peu plus intenses, comme "
Burning the
Palace" ou "
Temple of New
Jerusalem" par exemples) et on regrette un son trop plat, trop lisse qui manque grandement de l’ambition de
Therion et qui sonne globalement (et c’est un comble) beaucoup moins opéra que les précédents albums ! On aurait aussi aimer une fin en apothéose, comme une explosion, avec des lignes de chant dans tous les sens, quelque chose de flamboyant et véritablement épique mais "Theme of
Antichrist" n'est, encore une fois, qu'un titre comme les autres avec des orchestrations bien pales pour terminer un tel opus. Alors oui, les vocalistes sont impressionnants et le spectre vocal est immense mais j'en attendais, personnellement, bien plus que ça !
Cette surenchère ne provoque malheureusement qu’ennui et lassitude, diluant les bonnes idées et les passages épiques dans cette gloutonnerie créatrice. Étrangement, on remarque que seulement deux à trois titres sont joués sur la nouvelle tournée, rendant quasiment vain le fait de sortir un triple album avec autant de remplissage. Alors il est certain que dans un théâtre, avec des costumes, des acteurs/artistes, des musiciens (quoique…Christopher avouait même que voir chanter des artistes sur une bande-son sans musiciens réels ne le dérangerait…preuve de l’état d’esprit dans lequel il se trouve) et la scénographie rendrait probablement bien plus justice qu’un simple format audio. Il n’en reste pas moins que "
Beloved Antichrist" est, si l’on ôte son concept, son histoire et son format original (faisant qu’on parle plus de ça que de la musique), peut-être le moins bon album de
Therion depuis "
Theli". Christofer disant également qu’il s’agit du dernier grand défi de sa vie, l’optique de revoir
Therion dans une forme plus confidentielle et « classique » n’est peut-être pas à l’ordre du jour. Mis à part si l’album se révèle être un échec (autant dans les ventes que dans l’intérêt d’éventuels investisseurs). Ce n’est clairement pas ce que je souhaite au suédois mais l’opus laisse tout de même un gout amer. Celui de sacrifier la musique au profit d’un projet plus grand que lui, d’un intérêt dépassant largement le cadre de la musique seule. Un projet peut-être trop grand pour un seul homme …
Peut-être que ce triple est plus à considérer comme un élément d'un package d'un ensemble plus grand. Sans le visuel , ce soit disant spectacle d'opéra-rock , la bande-son en perd de son intérêt. Ne lui jetons pas la pierre, après ira-t-il au bout de sa démarche jusqu'à monter le spectacle ça c'ets une autre histoire.
Je pense que cet album tellement particulier s'apprécie de plus en plus avec le temps et aussi avec un certain recule. Il ne faut pas le comparer aux autres albums de Therion, mais plus le voir comme une oeuvre à part.
Il y a du très bon et du très moyen mais au final de ce projet ambitieux on ne retient pas grand chose et le final du 3e acte notamment est très ennuyeux. J'espère que therion reviendra à un style plus métallique et surtout plus direct.
on ne m'enlèvera pas de l'idée que Thomas Vikstrom est à lier avec la chute de Therion, il a du comprendre l'ego démesuré de Johnson et appuyer dessus pour faire sa place et on voit le résultat, sans aucun contrôle et sans aucun contre pouvoir ça devient n'importe quoi, et Vikstrom a une place énorme dans les vocaux, et a même introduit sa fille qui a pas amené grand chose
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire