THERION –
Gothic Kabbalah
Qu'on se le dise,
Therion a bien changé. Les débuts death metal se sont éclipsés au milieu des années 90 au profit d'un heavy metal copieusement arrosé d'arrangements classiques et de chœurs d'opéra. Si cette première mutation a dû décontenancer nombre de fans de la première heure, la dernière en date, initiée par
Lemuria /
Sirius B et entérinée par
Gothic Kabbalah, risque également de faire grincer quelques dents même si elle revêt un caractère moins radical.
En effet, nous pouvons dire qu'en 2007,
Therion, après avoir été groupe de death et groupe de heavy symphonique, est un groupe de… metal progressif. Il est certes plus aisé de passer du second style au troisième que du premier au second, puisqu'il "suffit" d'adapter la structure de la musique classique après en avoir intégré les orchestrations. Mais les amateurs de l'efficacité propre au heavy metal en seront certainement pour leurs frais.
Cette petite révolution a commencé dès
Lemuria /
Sirius B, qui distillait au milieu d'une majorité de compositions efficaces et souvent dénuées de solo, quelques pépites à tendances progressives (The Khlysti
Evangelist,
Kali Yuga, The Wondrous World Of Punt). Sur la dernière offrande de Christopher Johnsson, le rapport de force entre les deux styles s'inverse assez nettement : Son Of The Staves Of Time, Tuna 1613, The
Wand of Abaris et The Falling
Stone conservent ce sentiment de compréhension immédiate, tandis que les 11 autres morceaux s'échinent parfois à nous pousser dans nos retranchements. De plus, Kristian Niemann déballe tout au long de l'album des soli de guitare incroyablement techniques et mélodiques, embellissant une performance rythmique basse / batterie très solide et inspirée. Autre changement majeur à signaler : la quasi-disparition des chœurs d'opéra ayant contribué au succès du groupe entre 1996 et 2004, au bénéfice d'un duo de chanteuses et d'un duo de chanteurs (Mats Leven -
At Vance, ex-Malmsteen- et Snowy Shaw ex-
Notre Dame, ex-
King Diamond).
Pas d'affolement cependant,
Therion nous prend par la main et nous indique la voie à suivre en saupoudrant d'éléments progressifs des titres à base heavy (Der Mitternachtslöwe,
Gothic Kabbalah, TOF The Trinity). Mais de temps à autre, l'auditeur est assailli par des relents pop complètement incongrus (The Perrenial
Sophia, Three Treasures), ou est tout simplement lâché dans la nature (
Wisdom And The Cage, Trul,
Close Up The Streams,
Path To Arcady). Les aventuriers avertis, baroudeurs et autres loups de mers aguerris sauront retrouver leur chemin sans trop de difficultés, en prenant évidemment un plaisir non-dissimulé à répondre au défi du jeu de piste. Par contre, les sédentaires du heavy basique seront bien en peine de se dépêtrer de ce bourbier métallique et c'est au prix d'efforts soutenus que les plus courageux d'entre eux pourront échapper à l'ennui et y trouver un plaisir certain.
Il me reste enfin deux compos à évoquer :
Chain Of Minerva et Adulruna Rediviva. Si la première, malgré de bonnes idées, s'affale dans une médiocrité évidente, la seconde propose sur plus de 13 minutes un florilège de toutes les réussites de l'album, un aboutissement, en quelque sorte. Il est intéressant de noter que cette dernière a été créée initialement pour le 3ème volet de la trilogie amorcée par
Lemuria et
Sirius B, 3ème volet toujours dans les cartons. Donc il va sans dire que la sortie du prochain
Therion est à surveiller de près!
Bref, voici un bien bel album, très audacieux, embrassant mélodies, asymétries, bizarreries et efficacité, qui ravira les amateurs de metal progressif. Une nouvelle ère semble s'ouvrir pour
Therion, ère très éloignée de la brutalité de sa première vie et de la naïveté mélodique (parfois très irritante) de sa seconde existence. Ce renouveau ne sera sans doute pas du goût de tout le monde, mais je m'en accommode parfaitement.
Gothic Kabbalah est à mon avis l'album de
Therion qu'il faut posséder en priorité.
Développement titre à titre (dans un style un peu télégraphique, veuillez m'en excuser)
DISQUE 1
1) Der Mitternachtslöwe
Sous ses allures classiques (couplets et refrains accessibles), ce morceau cache des gimmicks progressifs, comme le "main riff" recasant le coup du "silence – trois doubles croches / silence – trois doubles croches / etc…" ou à l'image de la transition qui fait suite au refrain, signée dans un 9/8 que n'aurait pas renié
Dream Theater. Les changements mélodiques qui interviennent au milieu sont également inspirés par la mouvance progressive. On regrettera cependant l'absence de solo.
2)
Gothic Kabbalah
Ce qui frappe d'entrée, c'est le riff à la
Megadeth (
Angry Again), annonciateur d'une compo majoritairement efficace, même si, en tendant l'oreille, beaucoup de subtilités rythmiques sont à noter, ainsi que d'autres gimmicks progressifs (sur la transition pré-refrain, sur l'entame pré-solo). Le solo est tout bonnement divin, doublé à la flûte sur sa seconde partie. Excellent morceau.
3) The Perrenial
Sophia
Entrée en matière calme qui fera pourtant sursauter le métalleux à l'arrivée du refrain carrément pop. Bon, on s'y fait, mais lorsqu'on n'est pas prévenu, ça fait drôle. Solo guitare / claviers sympa, on se laisse emporter lors du dernier refrain, bien arrangé et orchestré. Morceau mignon, transitoire. On attend la suite.
4)
Wisdom And The Cage
Première approche étrange, notamment due aux vocaux travaillés de façon originale et au tempo lent, lourd, à la
Black Sabbath. Transition progressive, excellentes parties de batteries et refrain efficace précèdent une plage instrumentale lente mais accidentée, aplanie en quelque sorte par un solo de basse des plus bienvenus. Au retour sur la transition prog et refrain succède un thème guitare / claviers assorti d'un solo renversant. Le final est un peu brutal, l'infusion dans le cerveau se fait lentement, mais le constat est sans appel : putain de morceau!
5) Son Of The Staves Of Time
Morceau très abordable, très mélodique, sur lequel on détectera tout juste une approche progressive dans la gestion du break (lent, puis reprise progressive de l'intensité avant le solo). Sympatoche.
6) Tuna 1613 :
Momentum Excitationis
Titre plus orienté metal, qui repique à demi-mot une ligne de chant des
Scorpions (The Sails Of
Charon) sur le couplet. Solo court mais nickel, solo de claviers final, tout se déroule conformément aux prévisions, sauf l'outro, assez strange.
7) Trul
Début metal prog, jusque dans le couplet, où cela s'affirme carrément. Temps supplémentaires, batterie qui semble aléatoire, un vrai délice. Thème de flûte sympa, solo excellent (quoique trop court) qui débouche sur des chœurs "na-na-na", thème flûte + guitare et final en fade sur des percus. Morceau bluffant pour du
Therion!
8 )
Close Up The Streams
Alors là, ça y est. Les oiseaux ont mangé les bouts de pain laissés par le Petit Christopher Johnsson, vous êtes perdus en forêt, démerdez-vous! Couplet étrange et lancinant, pont marqué par un style à la
Mekong Delta période The Principle Of Doubt (avec palm-muting sur des notes aigües, batterie décalée et voix grandiloquente), refrain bizarroïde, transition inattendue. Et c'est reparti pour un tour, jusqu'à la fin en queue de poisson.
Pas de solo. Titre qui demande une période d'adaptation assez longue, ce qui, par définition, me fascine.
DISQUE 2
1) The
Wand of Abaris
Mid-tempo avec comme point d'ancrage un refrain accrocheur. Transition couplet / pont arabisante, break dominé par des thèmes mélodiques, pas de solo, rideau. Un peu juste, mais on va dire que c'était un hors d'œuvre.
2) Three Treasures
Début à la
Symphony X intéressant, couplet étrange rappelant (one more time)
Mekong Delta, légère plage instru qui reprend sur le couplet, qui lui-même débouche sur un refrain pop et on remet ça jusqu'à plus soif. Solo final corrrrrrect (à la Laurence Boccolini).
3)
Path To Arcady
Entame typiquement prog, riche en cassures, break plus lent avec remontée du tempo sur un solo monstrueux (au clin d'œil appuyé entre 3'00" et 3'16" aux travaux de
Marty Friedman et
Jason Becker dans
Cacophony). Se termine brutalement sur le thème d'avant-solo (encore une outro gâchée…), mais morceau globalement terrible.
4) TOF The Trinity
D'apparence classique, cette compo reluque pourtant avec insistance sur les errances progressives de
Symphony X. Le début fait furieusement penser à Of Sins
And Shadows, les transitions asymétriques et débridées pleuvent, les soli donnent dans un néo-classicisme typiquement "michael romeoïque", break bizarre, plages instrus démentes, et cliché du "1/4 soupir – trois doubles croches // 1/4 soupir – trois doubles croches // etc…" resservi sur le second couplet. Morceau diaboliquement metal prog. C'est
Therion, là? Incroyable.
5)
Chain Of Minerva
Début complètement …naze. Le groupe se reprend sur le pont puis sur le second refrain ; le break donne un peu d'espoir quant au déroulement futur du morceau, mais poum! On retombe dans le premier refrain joué ad-lib. Hum…
Accident de parcours.
6) The Falling
Stone
Intro metal qui appelle à l'accélération… qui vient! Couplet speed avec voix féminine, solo qui cartonne, couplet speed, refrain correct mais cliché, fin sur petit solo puis chœurs a capella. Au suivant!
7) Adulruna Rediviva
Alors ça, si ce n'est pas du metal prog… 13 minutes de changements, de thèmes mélodiques, de riffs à foison, agrémentées d'un solo encore une fois magistral (quelle performance de Niemann sur cet album!!!)… Rien à dire, une merveille.
Le mot "prog" apparaît 12 fois dans la description des morceaux. Pour moi, pas de doute! (là, ça fait 13).
Prog.
(14 ; "je ne suis pas supersitieux, ça porte malheur" Coluche)
Je n'ai que Theli, de Therion. Et à vrai dire, j'ai été absorbé par Theli, une pure merveille à tendance Classique.
Mais là ... C'est fou le changement radical (et c'est peu dire !) de l'univers musical du groupe !
Trop déconcertant, et j'ai du mal à accrocher aux titres du MySpace.
Cela dit, belle chronique. GG.
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