Rotting Christ, groupe fondé en 1987 (25 ans d'âge, ce qui commence à être honorable).
Sa principale réussite est d'avoir contribué à l'émergence de la scène Black
Metal grecque. Une autre, plus discutable, même si toutefois je pense ne pas trop m'avancer: celle d'avoir posé les bases d'un black sombre, occulte et (relativement) subtil.
Ayant à ses débuts officié dans un Grind/Death crasseux et minimaliste, il s'orienta très vite vers un black metal lourd et mystique, mais pas particulièrement brutal.
Au fil de ces nombreux albums (onze au total, en comptant le MCD "
Passage to Arcturo"), il s'éloignera progressivement de son black d'origine pour dispenser une musique lorgnant vers le gothique (sans toutefois tomber dans la facilité).
L'album qui nous intéresse aujourd'hui se trouve en milieu de carrière du groupe et s'intitule "
Khronos", la pochette représente un Christ en croix, pas vraiment pourrissant, mais en tout cas remarquablement laid... (personnellement, cela me fait penser au sculpture en bois de christs des nombreuses églises du Val de Boi, en Catalogne, mais je doute que cela ait un quelconque rapport).
Intéressons nous, dès à présent, au plus important, le contenu musical de l'album. Ce dernier débute par une petite introduction mystique, des chants religieux, laissant très vite la place à un riff typique du christ pourrissant, suivie d'un blast et de la voix, ainsi que des claviers en fond, pas invasif du tout et renforçant l'ambiance. Cette voix du sieur Sakis, tellement reconnaissable, est à la fois rocailleuse et glacé, tout en restant typiquement black. Le titre en lui même n'est pas mauvais, l'aspect occulte est bien présent, surtout grâce à des passages incantatoires de bonne facture.
A noter que par la suite,
Rotting Christ utilisera quasiment toujours la même recette pour ces titres d'ouverture: intro ambiancé + blast, accompagné d'un hurlement de Sakis = titre qui démonte (généralement).
Mais tout de suite un problème survient, la production, pourtant assurée par un grand personnage du metal, rien de moins que Peter Tägtren (leader de:
Pain -Electro Indus- ;
Hypocrisy -Death mélodique-, et accessoirement producteur). Cette production donne une impression d'inconstance, celle de n'avoir pu trancher entre des sonorités plus rugueuses pour augmenter l'aspect occulte, mystique, ou quelque chose de plus lisse afin de faire ressortir tout les claviers, accompagnements, samples et voix supplémentaires. Mais également celle de tantôt mettre un instrument en avant plutôt qu'un autre, et, pour le titre d'après, faire l'inverse. Par contre soyons claire, l'album n'est pas "sous produit", seulement on n'a l'impression qu'il n'arrive pas correctement à faire la synthèse de tout les éléments présents.
Ajoutons également qu'il y a, sur l'ensemble de l'album, un léger reverb, complétement artificiel, qui n'arrange rien.
Cependant, des éléments diverses, il y en a un paquet: que ce soit une voix féminine et des sons de cloches sur "Aeternatus", des chants grégoriens sur "Art of
Sin", des chants clair doublant celui de Sakis sur "My Sacred
Path" (très en fond d'ailleurs, à tel point que j'ai longtemps douté de leurs existences), des violons sur "
Khronos" (mais ce sont peut être des claviers). Egalement de tant à autres des sons de batterie différents des autres, intervenant généralement pour effectuer, une transition, appuyer un passage.
Evidemment la production rend l'ensemble quelque peu brouillon, donnant l'impression à l'album de partir dans tout les sens, ce qui, du strict point de vue de la composition, est faux.
Autre défaut de l'album, la structure des morceaux, même si ils suivent généralement la construction, des plus classiques: couplet/refrain (ce qui n'est ni un mal, ni un bien), une bonne moitié s'achève de manière très brutal, donnant une appréciation d'inachevé, ou d'un chemin, large et agréable, qui ne déboucherait que sur du néant (remarque valable pour "Aeternatus", "You are I" et "
Glory of the
Sadness", entres autres) Cela est légèrement frustrant.
Et aussi, beaucoup de titre ont un aspect de copié-collé de bons éléments, mais sans lien entre eux.
De plus, certaines fois survient de nulle part un break, bon en soi, mais qui ne colle pas avec le reste. (
Glory of
Sadness, ou Art of
Sin).
Après rendons à César ce qui est à César, beaucoup de passage sont très bien foutu, il n'y a, au niveau des ambiances, aucun raté, aucuns claviers ne sonnent kitsch, les refrains sont efficaces, la rythmique, clairement black, entrainante. Chaque titre se détache bien des précédents. Cet album est loin d'être un ratage complet.
Seulement, et ce sera là mon appréciation générale: on a l'impression que le groupe était gorgé de bonnes idées, de volonté ; mais souffre d'une absence de vision d'ensemble, de cohérence et d'homogéneité, qui aurait permis d'obtenir un album bien meilleurs, voire même, au vu de la qualité du matériel, excellent.
Concluons par la mise en perspective de cet album dans la carrière générale du Christ pourrissant. Cet album marque clairement un tournant, après ce dernier,
Rotting Christ va cesser de baser toute sa force de frappe sur la musique (qualité des riffs, des solos, etc). Et va focaliser ces efforts sur l'ambiance mystique générale qu'il dégage. Ce disque est donc, à mon sens, indispensable pour tout fan du groupe de part sa valeur "historique", pour les autres, nullement, mais je ne vous le déconseille pas non plus, à vous de voir si la production ne saccage pas votre écoute.
Je terminerais en donnant, tout de même, mon titre préféré sur cet album, il s'agit de "If it
End Tomorrow", titre imparable, très mélancolique, porteur d'une belle et grande tristesse et sans doute le mieux composé du disque. C'est ce dernier qui a motivé mon achat.
Cet album montre donc les aspirations, imparfaite sur cet album-ci, d'un groupe qui, non content de nous avoir pondu quelques chefs-d'œuvres durant sa carrière, n'aura eu de cesse de se remettre en question.
Note: 13/20
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