St Paul, Minnesota. Voilà, c'est dimanche soir. Il fait nuit depuis 16h. Le vent est glacial. Demain il faut retourner bosser.
Plus que 2 mois avant de rentrer en France... autant dire que la tendance générale est à la déprime.
Soit les conditions requises pour écouter le nouveau bébé de
Neurosis, "Honor Found in
Decay".
La sortie d'un nouvel album de
Neurosis est toujours un moment délicat...
Il va falloir se replonger dans cet univers d'une noirceur insondable pendant près d'une heure. Car s'il y a bien une chose que la musique de
Neurosis exprime avec force, c'est cette douleur effroyable, cette tristesse que beaucoup de groupes de
Black Metal peinent à retranscrire, alors que les maîtres d'Oakland nous l'inflige depuis plus de 20 ans avec une facilité déconcertante.
Mais penchons nous plutôt sur l'album...
La production se veut monolithique comme à l'accoutumée (
Neurosis quoi), dans la lignée directe de cette masse sonore qui donnait vie à "Given to the
Rising" (2007).
Le grain des guitares se veut plus épais et organique que jamais, la batterie résonne comme les tambours de quelque rituel étrange, alors que les grognements de Steeve
Von Til et Scott Kelly incantent la fin du monde. Les samples de Landis, sans être trop mis en avant, sont parfaitement audibles, et se fondent parfaitement dans cette entité sonore, lui donnant plus de profondeur.
Bref, l'identité sonore de
Neurosis reste intacte, reconnaissable entre mille.
La nouveauté de ce disque, si l'on veut, vient de certaines mélodies de guitares, plus psychédéliques que par le passé, ces sons bizarres, qui rappellent "
Through Silver in
Blood" et "Times of Grace" . Attention,
Neurosis n'est pas pour autant devenu un groupe de Stoner! La recette reste la même...
La musique varie entre accalmies acoustiques et explosions de noirceur pure.
On assiste même au retour de la cornemuse sur "At the Well".
Le morceau le plus mélodique est certainement "My
Heart for
Deliverance" (11 minutes!), qui aurait pu trouver sa place sur "
The Eye of Every
Storm" (2004) par son ton plaintif, sa tristesse et sa mélancolie lattentes.
"Bleeding the
Pig" se différencie quand à lui par ses rythmiques tribales, entrecoupées de passages ambients, suivis par une montée en puissance où le ton des guitares se veut véritablement menaçant.
L'autre moment fort du disque est certainement le final cosmique sur "All is Found...in Time" où la guitare se perd dans un profond écho, soutenus par les samples grésillants de Landis.
Chaque album de
Neurosis se vit comme une histoire, un monde qui naît et se développe avant de mourir, et "Honor Found in
Decay" ne déroge pas à la règle.
Neurosis reste
Neurosis. Inutile de décrire la musique en détails, elle se ressent, se vit. Car oui, ce que crée
Neurosis est bel et bien une entité vivante, un monstre sonore où tout les instruments fusionnent, une masse de sons et d'émotions torturés prêts à engloutir l'auditeur jusqu'à la dernière seconde, jusqu'à l'explosion de "Raise the
Dawn" et son final acoutisque magnifique.
Victoire par K.O., sans appel...
D'un autre côté, faut garder à l'esprit qu'un groupe ne peut garder une inspiration constante après tant d'années de carrière, et qu'un trio aussi spectaculaire que Soul at Zero, Enemy of the Sun et Through silver in blood, ca n'arrive qu'une fois dans une vie ( c'est déjà un exploit d'avoir enchaîné trois chef d'oeuvres les uns derrière les autres ).
D'autres passages du skeud viendront étayer mon propos par la suite.
Plus atmosphérique? Neurosis l'a toujours été, depuis Souls at Zero. Il a atteint une sorte de paroxysme et une osmose imperfectible sur Enemy of the sun et Through silver in blood. Que Neurosis flirte avec l'ambiant, ok. Qu'il soit plus atmosphérique, pas du tout ! Les atmosphères ont changé. Elles sont passées d'un contexte oppressant, glacial et suicidaire à une dépression sourde. C'est très différent.
Oui c'est un choix, et ce choix n'a pas été fait aujourd'hui. Ils semblaient gravir une seconde ascension. Depuis Given to the rising, le groupe tend à stagner, à se trouver un cocon.
Personnellement, je trouve ce Neurosis là bien moins percutant. le groupe perd sa fougue, sa soif insatiable d'expérimentations et par dessus tout, son envie d'en découdre.
Il y a de bons moment sur cet album, je pense à At the Well par exemple. Mais pas mal de redite aussi, et quelques idées qui lorgnent vers le sirupeux. Heureusement le groupe arrive à maîtriser ce point.
Ce qui me plait sont les ambiances, cette lourdeur, ces lignes musicales hypnotiques qui laissent la place a des passages chaotiques, violents où se mêlent souvent noirceur et ambiances malsaines. Tout ceCI caractérisait avant tout la musique du groupe. D'ailleurs, Scott Kelly a dit dernièrement, de manière un peu prétentieuse dans une interview, qu'ils sont les rois des ambiances, qu'ils cherchent à foutre des beignes énormes et qu'ils sont les meilleurs en la matière. Compte tenu de mon admiration pour eux, je suis assez d'accord car les musiciens parviennent à m'emmener très loin mais leurs derniers albums sont beaucoup moins "hargneux" et violents ; la musique est moins oppressante, elle nous saute plus à la gorge.
J'aime cet album mais il ne me surprend pas ; j'aimerais encore être époustouflée et me prendre une grosse claque à l'écoute d'un album du groupe. Quand on a atteint les sommets des anciens albums, il est difficile d'égaler et/ou de ne pas plagier. C'est une bonne chose d'aller dans de nouvelles directions mais elles sont beaucoup moins "impressionnantes" en ce qui me concerne.
Je ne compte pas me rendre au Hellfest et j'espère vraiment qu'ils feront quelques dates en Europe pour aller les voir en concert. D'ailleurs, si vous avez la possibilité d'assister à un live en salle, je vous le conseille car je me suis prise une énorme claque l'année passée ; le niveau et l'ambiance y étaient exceptionnels.
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