Ecrire une chronique sur un album de
Neurosis, c’est toujours un peu délicat. Avec plus de trente ans de carrière, la création d’un univers et d’un style musical à part entière et une flopée d’albums cultissimes et intouchables, le quintette d’Oakland est une véritable institution, et il devient dès lors périlleux de critiquer les sorties d’un groupe qui sera quoi qu’il advienne aveuglément adulé par une horde de fans transis sans grande objectivité.
Pourtant beaucoup s’accordent à dire que le petit dernier,
Honor Found in Decay, montrait un
Neurosis en pilotage automatique et en panne d’inspiration qui se laissait paresseusement glisser vers des terres musicales de plus en plus atmosphériques et balisées. Qu’en est-il donc du petit dernier,
Fires Within Fires ?
Soyons clairs : sur leur dernière réalisation, les Américains n’innovent pas, une fois n’est pas coutume. Avec un savoir-faire indéniable,
Neurosis nous sort sur ce douzième album une bonne synthèse de son art protéiforme et insaisissable, et on reconnaît la patte du groupe dès les premières mesures de Bending Light, avec la frappe lourde à l’écho mat de
Jason Roeder et ce son de guitare si caractéristique et unique.
Pas de grande innovations ici, on est en terrain connu et maîtrisé, et
Fires Within Fires ne devrait pas décevoir les amateurs du groupe d’Oakland, sauf ceux qui attendent une nouvelle révolution d'un des groupes les plus créatifs et géniaux de la musique saturée.
Bending Light est un titre aux relents bruitistes dérangeants nous écorchant tranquillement les oreilles, et sur lesquels les gratteux font un travail remarquable à grand renforts de larsens, de notes grinçantes et d’effets en tous genres, appuyés par le travail discret et subtil de
Noah Landis, enveloppant ces 7,48 minutes d’une folie douce et décadente. Les vocaux ne sont pas en reste, particulièrement agressifs et désespérés, et le tout forme une belle apocalypse quand le grand
Neurosis érige enfin son mur de guitares, écrasant et massif et avec ce grain si particulier, au riffing jamais vraiment violent mais dégageant une lourdeur jupitérienne.
Fire Is the
End Lesson nous montre quant à lui un quintette tout ce qu’il y a de plus classique dans son agression larvée si menaçante, avec ces vocaux terribles de rancœur et de dégoût, et ces grattes écrasantes étouffant toute note d’espoir dans leur longues vibrations nauséeuses. La deuxième partie du titre n’est qu’une montée en puissance anxiogène et interminable, aussi délectable qu’éprouvante, notamment via les triturations extraterrestres de Landis.
Broken
Ground, au début très planant et post rock dégageant une sensibilité folk, dénote et annonce une deuxième partie d'album plus atmosphérique, avec la voix grave, bourrue et touchante de Steve
Von till et ces accords placides. Mais le titre ne tarde pas à exploser en ce magma électrique et grésillant de saturation, au riffing à la fois puissant et hypnotique, aussi brut qu’envoûtant dans ces boucles presque lancinantes, le chant se faisant dur, froid et rageur. Les deux facettes de
Neurosis sont ici bien représentées, entre un rock placide et aérien et la décadence sale et douloureuse d’un post hardcore aussi viscéral que désabusé.
Ceci dit, et c’est là la grande réussite des Américains sur cet album, même les parties calmes couvent l’ombre d’une menace latente, le sentiment confus et indéfinissable qu’un je ne sais quoi de sale, violent et mal intentionné nous guette tapi dans l’un des nombreux recoins sinueux de la musique et n’attend que la bonne occasion pour nous sauter à la gorge. Ainsi, le dernier morceau, Reach, avec ses 10,37 minutes un peu longuettes, nous berce insidieusement avec ces guitares brumeuses et acides,
Neurosis se plaisant à nous ballotter mollement dans le flux lénifiant de ces notes faussement calmes et enchanteresses, jusqu’à ce qu’un gros murs de guitares plus ronflantes et plus grasses que jamais vienne nous secouer de l’intérieur, un peu comme les moteurs vrombissants d’une usine à cauchemars.
Alors, que conclure de ces 40 minutes ? Comme presque chaque album de
Neurosis,
Fires Within Fires est une expérience à part entière qui laissera difficilement indifférent. Difficile de juger objectivement une musique aussi abstraite, mais on peut avancer sans grand risque que ce petit nouveau est un bon album dans son style, ni plus ni moins, certes pas l’une des pièces maîtresses de la discographie du groupe car n’apportant aucune innovation, mais suffisamment prenant et immersif pour vous donner quelques sueurs froides et chimiques. A écouter au casque, dans le noir, après ingurgitation de quelques pilules multicolores pour passer un moment soit magique et transcendant soit réellement cauchemardesque.
Des passages me plaisent beaucoup alors que d'autres m'ennuient.. La charge émotionnelle est décousue de mon côté.
J'ai bien aimé Broken Ground et A Shadow Memory.
Étant fan, j'attends surement de me prendre une nouvelle claque qui n'arrive pas. Sans doute trop d'exigences de ma part pour un groupe qui a mis la barre très haute durant de nombreuses années.
Leur prestation au Motocultor a néanmoins été excellente et démontre que le groupe parvient toujours à transmettre des émotions fortes
En ce qui me concerne, Fires Within Fires est un bon album, travaillé, abrasif et efficace, mais il n'apporte rien à la discographie du groupe, d'où la note (très) bonne mais pas excellente.
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