Ayant rapidement perdu la fibre du deathmetal peu après l’enregistrement de
Soulside Journey en 1990, sous l'influence d’Euronymous (
Mayhem),
Darkthrone figure parmi les premiers groupes norvégiens ayant rallumé la flamme du blackmetal initiée quelques années auparavant par
Hellhammer ou
Bathory, surprenant ainsi la scène extrême avec un
A Blaze in the Northern Sky bien plus noir, rapide et cru, mais tout aussi culte que son indétrônable prédécesseur.
Durant cette période 90/91 de transition comprise entre les deux albums, le quatuor qui inclut encore le bassiste Dag Nilsen enregistre dix morceaux instrumentaux durant une répétition, destinés à former son second album. L’ensemble des titres finit toutefois rapidement au panier, faute à une architecture deathmetal ne correspondant plus aux attentes de nos protagonistes norvégiens, désormais tournés vers une essence bien plus noire et radicale.
Il faut alors attendre l’année 94, certainement durant l’arrangement de Nordavind (le fabuleux album folk/black de Fenriz, Satyr et Kari Rueslatten), pour que cet enregistrement en répétition ressurgisse dans l’esprit du batteur de
Darkthrone, qui décide alors d’ajouter ses lignes vocales en lieu et place de Nocturno Culto, chanteur habituel de la formation mais visiblement en dehors de cette démarche de résurrection. Déjà annoncé dans le livret de
Panzerfaust en 1995, l’atypique
Goatlord sort ainsi en fin d’année 1996 chez
Moonfog Productions, quelques mois après la sortie de
Total Death.
Loin du blackmetal cru adopté depuis
A Blaze in the Northern Sky, l’assise instrumentale de
Goatlord se rapproche ainsi davantage du deathmetal du premier album de
Darkthrone, dans une version toutefois plus noire et absolument brute de décoffrage, sans la puissance ni la profondeur du son de guitare des studios Sunlight. Sur un rythme majoritairement middle tempo, les riffs manquent ainsi globalement d’incision en regard du précédent effort, parfois approximativement mis en place faute à leur enregistrement sans recul livré à la volée. On peut à ce titre largement entendre le souffle du micro sur les introductions de
Sadomasochistic Rites et Black Daimon, bien que l’ensemble de ces défauts fassent aussi le charme de l’enregistrement, sans artifice ni tricherie.
La différence la plus notable entre
Goatlord et
Soulside Journey se situe plus exactement dans la voix sale et crue de Fenriz, en opposition avec le chant guttural de Nocturno Culto (Ted Skjellum) sur le premier album. Sa voix pestilentielle et ses quelques invocations narrées apportent ainsi une noirceur toute particulière aux compositions, les rapprochant davantage des sphères charbonneuses du blackmetal. A plusieurs reprises, pour citer les morceaux Rex ou
Sadomasochistic Rites, on peut également entendre des voix féminines que Fenriz aurait lui-même mis en place, bien que j’associerais pour ma part plus volontiers ces rares interventions à la gorge de Kari Rueslatten. Ces voix claires n’apportent toutefois aucune douceur, mais entretiennent au contraire ce climat si glauque, à la manière du début du titre Shepherds
Mourn non sans rappeler l’invincible Necromantical Screams de
Celtic Frost, l’ombre du trio helvète ayant toujours plus ou moins plané sur les oeuvres de
Darkthrone.
Vaste fumisterie pour certains ou témoignage authentique pour d’autre,
Goatlord est ainsi un album controversé dans la discographie de
Darkthrone, paru comme un cheveu dans la soupe en cette année 1996. Il reste en tous cas un pan essentiel dans la longue histoire du groupe norvégien, dont chaque enregistrement marque une étape importante dans son parcours. Trainant parfois en longueur faute à des peaufinages et arrangements n’ayant jamais vu le jour,
Goatlord doit ainsi être considéré comme un simple enregistrement en répétition, contenant toutefois suffisamment de force, de noirceur et de possession pour ne pas avoir à rougir, mais également plusieurs morceaux comme l’occulte Black Daimon méritant indéniablement le détour.
Fabien.
Je rajouterais aussi qu'un autre morceau mérite le détour, il s'agit de "Green Cave Float" d'ailleurs repris sur le tribute Darkthrone Holy Darkthrone, par Dodheimsgard.
Je jette toujours un oeil sur tes Chroniques Fab car elle sont toujours une mine d'infos et de détail !! Et pour ca merci.
Mais je te trouve une rare largesse dans la notation, je trouve qu'un 13 viens à mes yeux(et au crédit que j'apporte à tes chroniques), un peu trop encensé cet opus.
Je dois sans doute faire partie des gens qui le rangerait dans une "vaste fumisterie", même si je ne pousserais pas jusque la !
Je le trouve à la foi fade et glauque, bien que ce dernier adjectif n'est rien de péjoratif, je dirais même que c'est que je recherche dans ce genre de composition, mais le fade prends un peu trop le dessus à mon gout.
Enfin tout ça pour dire que tous les gouts sont dans la nature, et que pour une fois je ne boit pas à 100% tes propos, ou plutôt ta note, n'y voit surtout pas une offense, mais juste une remarque d'un de tes lecteurs :)
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire