Imaginez-vous en lieu et place de ce patineur qui figure sur la pochette. Elle est révélatrice du contenu de ce 20ème( !!!) album de la légende
Darkthrone. Et aussi discutable puisse-t-elle être (et sera sûrement) artistiquement aux yeux de certains, elle nous montre clairement le chemin à suivre : IL N’Y EN A PAS!! Au milieu de ce lac gelé, vous n’êtes pas limité au niveau de votre choix de parcours par tel ou tel sentier, votre liberté est totale! Et c’est tout à fait la destinée que le groupe a suivie, n’en faisant jamais qu’à sa tête, changeant régulièrement de trajectoire, revendiquant cette liberté par des opus aussi différents qu’ils n’ont jamais laissé indifférent. Cette liberté, ce calme froid, cette quiétude…tout ceci va transpirer dans cet opus qui, comme ce lac, n’est pourtant pas sans danger … cette beauté froide peut à chaque instant se montrer fatale car, à chaque instant, la glace peut se rompre et c’est à coup sûr la mort qui vous attend.
Mais en vieux loup qui sillonne la région depuis plus de 30 ans, chaque mètre carré de terre, d’eau ou de glace selon la saison qui la compose lui est familière ; et il sait comment l’arpenter et la dompter. Ainsi va notre groupe norvégien, dont la trajectoire n’est guidée que par son instinct. Suivez-le ou non, c’est votre choix, mais répondre par l’affirmative sera gage d’un voyage de qualité.
Rien de grandiloquent là-dedans, tout va commencer par quelques notes à la guitare acoustique rejointes en fondu par ce riff électrique apaisant. Et vous y voilà sur ce lac : vous glissez tranquillement vers l’horizon sans que cela ne vous demande le moindre effort. Et quand l’envie d’accélérer vous prend, c’est toujours dans une retenue et une maîtrise totale.
Lors de la première écoute, je suis resté septique face à la simplicité des riffs et des morceaux (saleté d’esprit cartésien) avant de rapidement me faire happer par le plus important : l’atmosphère et les sentiments qui se dégagent de cet opus. Et selon tout un chacun, les sentiments ressentis seront différents…malsain, mélancolique, nostalgique, haineux … telle est la magie des choses simples.
S’il faut parler un peu « technique » ce sera juste pour dire que l’on a à faire à une œuvre uniforme. De la composition de la musique en passant par la déclamation des vocaux à la production, à la fois claire et rugueuse, limpide et trouble comme cette grosse caisse qui sonne comme un battement de cœur, assez plate et diffuse pour laisser l’espace nécessaire à la basse pour se tailler la place qu’elle mérite.
Un clavier vient s’inviter sur « Stalagmite Necklace » pour nous confirmer, par leur simple majesté, que ce grand nord d’où nous provient cette œuvre est peut-être notre seul espoir de salut, comme
Immortal,
Setherial et bien d’autres nous l’ont signifié autrefois. Des notes de mellotron aux sonorités de violoncelle viendront clore cette piste tout en délicatesse et simplicité.
Le groupe se fend encore une fois d’une longue pièce de plus de 10 minutes qui s’écoulera aussi vite qu’un 400 mètres en patinage de vitesse (autant rester dans le sujet jusqu’au bout) tant sa fluidité et ses soubresauts, comme par exemple cette courte transition psychédélique rock en voix claire à 6.00, seront d’un naturel absolu. L’introduction et la fin de ce titre fleuve qu’est « The Sea
Beneath the Seas of the Sea » ne seront d’ailleurs pas sans rappeler un « Remenber Tomorrow » des géants Iron Maiden.
Un interlude instrumental bien flippant et prenant comme pour nous rappeler qu’ici la nature est sauvage, et que dans les bois à l’horizon, d’étranges créatures nous guettent ; et nous voici déjà à la dernière plage qui va débuter par une paisible cavalcade de guitare immédiatement suivie par un lead du plus bel effet apportant toujours cette sensation de calme et de froid lumineux.
Rétrospectivement, j’avais été enchanté par "
Old Star" et quelque peu déçu à la sortie de "
Eternal Hails", avec lequel je suis complètement en fusion depuis cet "
Astral Fortress". Comme si accepter de suivre un chemin au hasard vers l’inconnu permettait de mieux comprendre et accepter le passé.
Riffing rythmique basique mais efficace au grain plus prononcé que sur "
Eternal Hails", leads mélodiques et même des embryons de solos rendent ce cd facile et ultra plaisant à suivre. Et pour ceux qui se demanderont où sont passés les éléments communément appelés black metal, c’est dans l’attitude qu’il faudra les trouver. Force est de constater que même les vocaux ne sont plus écorchés comme dans les standards du style, et qu’ils sont même acceptables par des non-initiés à la musique extrême. Mais cela ce n’est plus nouveau et le groupe confirme ce virage stylistique abordé avec "
Arctic Thunder" de manière de plus en plus appuyée et convaincante, ce dernier essai pouvant même permettre au groupe de toucher un public bien plus large.
Le passé est le passé, toujours regarder devant soi et se faire une nouvelle trace sur la glace.
La note exacte: 17.5/20.
Quelle plume ! Merci pour cette belle chronique. Je n'avais jamais pris le temps d'écouter attentivement ce groupe mais cet album me fait envie, merci pour la (re)découverte :)
Merci à toi! Darthrone est un pilier de la scène black, avec une discographie aussi longue que diversifiée. J'ai suivi le groupe à ses débuts avant de lâcher après Ravishing Grimnes pour les rattrapper sur Arctic Thunder. Maintenant je comble mon retard et je penses qu'il m'en manque 4 encore. Cette dernière période est la plus accessible, j'ai encore écouté ce matin pendant le petit dejeuner, et si ma femme ne me demande pas de couper c'est que c'est "audible". Mais après un petit Panzerfaust ça fait du bien aussi...beaucoup même
Il faut transmettre cette chro à Fenriz et Nocturno Culto, car je suis certain que le message qu'ils veulent faire passer avec leur musique est EXACTEMENT ce qui est décrit dans ce texte (plus qu'une chronique). Pour rester dans le glacial: Bonnet Bas Mr Fufupue!
Très bonne chronique, beau style, bravo.
Je vois qu'on a le même critère ha ha, si ta compagne ne grimace pas trop, c'est que ça reste (relativement) accessible pour un non initié au BM... !
J'adore Darkthrone, mais celui-ci je ne l'avais pas encore acheté... Tu viens de me convaincre de combler ce retard .
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