J'ai écrit 2 chroniques de "AMOLAD". Une pour les grincheux, une pour les satisfaits. Personnellement, je me trouve dans la seconde partie, mais ce fut intéressant d'essayer de dégager des gros défauts et d'appuyer dessus...
I) AMOLAD = 7/20
Souvenez-vous.
Nous avions laissé la Vierge de Fer dans son lit d'hospice début 2006. Elle était gravement atteinte, la pauvre. Elle radotait déjà pas mal en 2003, n'ayant eu qu'une toute petite dizaine de minutes de lucidité sur une grosse heure de travail, et nous resservait la même soupe deux ans plus tard sur DVD, avec en prime des vieilleries poussiéreuses. J'avais alors prédit sa mort imminente, laissant le soin à la nature de s'en charger. Assez rapidement quand même. Car si on a l'habitude de dire que ce sont ceux qui restent qui souffrent, dans ce cas, elle reste et on morfle.
A bien y réfléchir, on aurait dû lui filer un coup de main. Car non seulement elle ne se décide pas à calancher (pire que du chiendent!), mais elle va vouloir nous en faire baver jusqu'au bout, la Tatie Danielle! Et pour faire chier le peuple, la méthode était la suivante : faire écouter via internet 3 extraits avant la sortie du fameux 14ème album. Extraits insidieusement triés sur le volet. Tout d'abord
The Reincarnation of Benjamin Breeg, mid-tempo plat comme une limande sole mettant en valeur un côté répétitif assez irritant. Le bon solo et l'envolée finale de Dickinson ne rattrapent pas le bébé, jeté avec l'eau du bain. Secundo,
Different World. La vache! Super prise de risques, caser le mot "différent" dans le titre d'un morceau aussi banal, sans relief, cliché, bateau, sans intérêt, bref en un mot comme en cent, MERDIQUE, fallait le faire! Et le troisième morceau,
Brighter Than A Thousand Suns, fait office d'ovni dans cette pré-écoute de l'album. Tout y est travaillé, léché, ce qui nous rappelle immanquablement Paschendale, pas dans les mélodies utilisées, mais dans la qualité du travail fourni. BTATS fait clairement partie des 3 titres sélectionnés pour installer le doute chez les metalheads doués d'un sens critique et possesseurs d'un porte-monnaie non-extensible.
Par contre, ceux-ci se rappellent sûrement que Paschendale était le SEUL titre intéressant du dernier CD. Donc méfiance! Doit-on raquer 20 euros pour un disque qui ne contient qu'une seule composition digne de ce nom? Vous aviez détesté ce petit-bois, qui en 2003, s'introduisait douloureusement dans votre fondement tandis que vous découvriez avec stupeur le contenu globalement faisandé de "
Dance of Death"?
Alors tenez-vous le pour dit, "AMOLAD" n'est pas fait pour vous.
Dès le début du disque, on entend le batteur du groupe pousser un "ahi !", sûrement agrémenté d'une grimace, comme pour s'adresser aux acheteurs de leur dernière farce heavy métallique. "Coucou les bobos! Nous revoilà! Vous voulez des poncifs? Alors c'est parti" Et hop, la machine à clichés se met en route à grands coups de "bam-bam" et d'accords simplistes. Jouer ça quand on a 14 ans, ça passe, mais… euh apparemmEnt on a déjà dû la faire, celle-là. Je recommence. Donc la fabrication en série d'images d'Epinal se relance 3 ans plus tard, et ne s'arrête pas dès la fin de ce
Different World décidément catastrophique. Car c'est un véritable chemin de croix qui nous attend.
On attaque ensuite le premier "nouveau" titre, inconnu sur le net avant la sortie de l'album (pour la plupart des gens) : These Colours Don't Run. Enfin, inconnu, c'est vite dit.
Riff 100 fois entendu, pont aux accords lâchés anticipé par n'importe quel newbie métalleux, refrain poussif où Raid Air
Siren semble au bord du naufrage, et le top du top, le thème en twin-guitars avarié, secondé par les sempiternels, inamovibles, et grotesques (à force) "oh oh oh". On démarre sur les chapeaux de roue!
Puis BTATS revient noyer le poisson avec couplet recherché, refrain mélodiquement original, break magistral, et semble en passe d'anesthésier totalement l'objectivité de l'auditeur, quand surgit l'intro immonde de The
Pilgrim, en provenance directe des bouches d'égouts d'un bidonville artistique. Quelle puanteur! La suite de la compo s'avère médiocre, à la limite du lénifiant, où Nicko expérimente sur les ponts (voire sous les ponts, tellement ça sent la vieille vinasse) sa nouvelle lubie, déjà présente tout le long du break de TCDR : les croches pointées. Histoire de donner une impression de profondeur rythmique, destinée sans doute à masquer le propos musical tenu ici, exhalant le chloroforme.
Attention! La suite s'annonce comme étant (propos des journalistes) "épique"… The Longest Day, comme son nom l'indique, illustre le débarquement des forces alliées En Normandie. On peut admettre que l'ultime attente des soldats avant d'aller à la boucherie est excellemment rEndu : on ne compte pas moins de 6 couplets, 2 ponts, 2 refrains pour 4'30" de musique avant qu'il ne se passe quelque chose. Et que ce passe-t-il finalement? Guitares pétaradant lourdement à la manière des armes à feu, intercalées entre des mélodies de twin guitars surannées. Après le massacre de Montségur en 2003, nous voici avec un Omaha Beach métallique ; les mecs d'
Iron Maiden en grands professionnels, s'appliquent à faire correspondre les hécatombes de l'Histoire avec des carnages musicaux. Si le prochain CD prend la forme d'un concept sur
Vlad l'Empaleur, on saura à quoi s'en tenir…
Eh bien! Nous voilà rendus à la moitié des morceaux, et je vois se profiler à l'horizon un bloc de trois titres "épiques" à souhait, qui tape dans les 30 minutes. Espérons que la bande à Harris accorde un temps de répit pour l'auditeur, autrement dit que les 2 titres suivants ne soient pas trop denses, car la digestion de la première moitié du repas s'amorce difficilement.
Ouf! Il ne se passe rien. On écoute
Out Of The Shadows et
The Reincarnation of Benjamin Breeg comme un bulletin de la météo marine. RAS, circulez. Nous sommes fin prêts pour affronter le "Harris-track", long de 9 minutes et des bananes, intitulé For The Greater Good Of
God. Voici le programme : 3 couplets (avec des croches pointées, merci pour avoir essayé de briser cette linéarité, en vain mais bon), 1 pont où les 4 vers sont peu ou prou les mêmes, et c'est reparti mon kiki couplet / pont / couplet / couplet / pont, et enfin le refrain rabâché 8 fois de suite : "For the greater good of god… For the greater good of god… For the greater good of god", etc, avec évidemmEnt des twin guitars derrière qui balancent une nouvelle combinaison maidenesque désuète. Tout juste si on ne s'imagine pas danser le Kazatchok dessus. Waaah. Ecrire des morceaux "épiques" comme ça, c'est pas donné à tout le monde. J'imagine le FAQ Maiden pour faire du prog. *T'en as marre d'écrire des titres de 3'30"? Tu veux donner dans le morceau "épique"? Eh bien tu multiplies tes couplets par 4, tes ponts par 2 et tes refrains par 8. Tu peux essayer de changer les textes, mais si tu ne le fais pas, c'est pas grave. Merci qui?* On passe rapidement (!) sur le break qui alterne soli et thèmes maladroits, puis on revient sur les ponts et refrains à tire-larigot. Sur les 2 derniers morceaux du disque, je n'ai pas grand-chose à dire. Je suis épuisé par tant de médiocrité. On signalera quand même pour le fun une énième mélodie de twin guitars lors du break de The
Legacy ; c'est à se demander si ces types ne jouent pas au
Mastermind avec leurs grattes…
Que dire en conclusion? Que Maiden n'est toujours pas mort et c'est bien dommage. Quand s'arrêteront-ils enfin? A quand la délivrance? Voici le triste bilan d'
Iron Maiden durant ses 6 dernières années d'existence : 2 albums et 2 morceaux de bonne qualité. Autant dire que l'on est loin du compte pour ce groupe autrefois légendaire. Reste à espérer que les Anglais intercalent PaschEndale et
Brighter Than A Thousand Suns dans un best-of
1980-1988 pour leurs représentations scéniques. Mais la tournée qui s'annonce prévoit d'enquiller toutes les compos de ce "AMOLAD" les unes à la suite des autres. On imagine ainsi quel supplice attend les loyaux fans qui ont acheté leur billet, espérant réentendre les merveilles d'antan… Il ne manque plus qu'un stand de cordes à côté de la buvette pour que tout soit OK pour le show.
II) AMOLAD = 16/20
Les quelques personnes qui me côtoient un peu en ces lieux, ou qui sont tombés sur ma chronique de "
Dance of Death" connaissaient mon opinion :
Iron Maiden était mort et enterré. Les trois ans qui séparent les 13ème et 14ème albums studio sont donc passés très vite pour moi, n'étant pas du genre à me languir d'une prochaine désillusion, n'étant pas pressé de voir en mon ex-groupe favori une bande de vieux cons drogués qui jouent sur deux accords (pour paraphraser un illustre chroniqueur musical du PAF).
Puis l'annonce de la sortie imminente de "AMOLAD", ponctuée de séances d'écoutes de titres au compte-gouttes sur internet, a réveillé inexplicablement mon attachement pour ce groupe, comme s'il m'avait semblé croiser mon premier coup (oups mon côté fleur bleue prend les dessus) amour dans la rue. Je me retourne, je reviens sur mes pas même, pour en avoir le cœur net.
Et à la découverte de
Brighter Than A Thousand Suns, plus de doute possible : j'étais encore amoureux. Ces yeux qui pétillent, ces lèvres pulpeuses, ces longs cheveux soyeux, cette poitrine hmmm… avantageuse, mais comment avais-je pu la quitter? Bon, tout n'était pas parfait pour ces retrouvailles : des guibolles toujours aussi quelconques (
The Reincarnation of Benjamin Breeg), et un pif énorme couvert de boutons purulents (
Different World). Enfin, j'avais décroché un rancard pour fin août, histoire d'approfondir le sujet (dirons-nous).
Je mets d'ores et déjà un terme aux métaphores douteuses, car soit ça finit en classé X et les modos me mettent le grappin dessus pour mise à disposition de mineurs d'un roman à caractère pornographique, soit je fais un remake de "Bertrand et Marie en vacances à Vilnius" et les fans de ce groupe de merde qu'est Noir Désir me tombent sur le dos (j'ai gaffé? flûte).
Instruction d'avant-écoute : appuyer sur la touche "2" de votre lecteur, puis sur "Play", et ce, à chaque introduction du CD.
Premier titre, These Colours Don't Run, ou "comment reconnaître du Maiden en moins de 5 secondes chrono". Riffs classiques, chant prévisible, thème de guitare pendant le break, appuyé par les éternels "oh oh oh", tout cela reste agréable, quoique téléphoné. Ça passe (encore) pour cette fois, mais pourvu que le reste soit différent.
Second titre, le fameux
Brighter Than A Thousand Suns, avec son mirifique couplet En 7/8. Au pont épique succèdent un refrain surprenant, calme et feutré, puis plus tard un break superbement achalandé. Du heavy metal mâtiné de prog, comme Maiden sait en proposer parfois, touchés par la muse. Du grand art.
Après un tel Envol musical, l'intro de The
Pilgrim amorce une descente en piqué avec un thème empestant le moisi, ou "comment reconnaître du Maiden de merde en moins de 5 secondes chrono". Les effets sont dévastateurs : les précédents repas arpentent la tuyauterie intestinale à la verticale et le cauchemar de voir en BTATS le seul morceau valable prend forme (à l'instar de Paschendale sur l'opus précédent). Mais fort heureusement, la compo se reprend bien et sait se rendre agréable, en jouant sur un mid-tempo efficace et parfois arabisant. L'outro reprend le thème de l'intro, mais le mauvais rêve est oublié ; on se dit juste que les extrémités du titre sont pourries. C'est comme pour les haricots : faut virer les deux bouts avant de les cuisiner sinon c'est dégueulasse.
On Enchaîne avec The Longest Day, qui brille par une intro-couplet remarquable, aux paroles bien écrites, un pont magnifique ainsi qu'un break fourni, aux guitares simulant les armes à feu (à 5'51"). On s'y croirait! Il s'agit là d'une seconde pièce maîtresse, nous arrivons à la moitié de l'album pour le nombre de plages, et j'ose y penser! "AMOLAD" entrerait-il au panthéon des bons albums de la Vierge?
Cette question prend toute sa dimension lors de l'écoute des 2 titres suivants, à savoir
Out Of The Shadows et
The Reincarnation of Benjamin Breeg. Ce n'est pas mauvais, loin s'en faut, et même si j'ai pour ma part constaté que le 1er single de l'album passait beaucoup mieux lorsqu'il était intégré aux autres titres (notamment grâce à toute la fin à partir du solo), on attend LA confirmation qu' "AMOLAD" fait partie des valeurs sûres des Anglais. Cette confirmation arrive sur le triptyque For The Greater Good Of
God /
Lord Of Light / The
Legacy, qui frôle à elle seule la demi-heure de musique. Même si cette fin d'album n'est pas exempte de tout défaut, comme par exemple les répétitions outrancières sur l'une, le final complètement raté de l'autre et le tout dernier thème-cassoulet auto-parodique en date pendant le break de la troisième, les points forts surpassent aisément nos déceptions. En effet, FTGGOG rivalise d'ingéniosité pendant le break, après nous avoir assommé de son pont dantesque (Please tell me now what life is…), tandis que LOL déploie des passages calmes très originaux pour mieux nous plonger dans une partie centrale, elle aussi, d'anthologie. Enfin, The
Legacy est à placer sous le signe de la recherche d'inédit, au moins jusqu'au break ; j'aime moyennement ce titre, mais la volonté d'innovation est à saluer, malgré ce fameux thème maidenien (dans le mauvais sens du terme) où le groupe se tire une fois de plus une balle dans le pied.
En dépit de quelques écueils (inévitables?), "AMOLAD" parvient à se hisser au niveau des albums indiscutables du groupe, grâce notamment au trio magique Dickinson / Smith / Harris, presque toujours présent à la composition des chefs d'œuvres de ce disque. Avec 4 titres sur 10 finissant à mon avis dans les incontournables de leur carrière (plages 3, 5, 8 et 9), des musiciens au top, un Dickinson royal, des textes travaillés, nul doute que ce Maiden 14ème du nom sonne comme une vraie résurrection, après une demi-renaissance appréciée (mais programmée et balisée par moult refrains abrutissants), et une "danse de la mort" qui marquait un quasi-trépas de l'inspiration.
En fait, cet opus aurait dû sortir à Pâques.
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