Ne pas connaître
Opeth aujourd’hui serait irrémédiablement le résultat d’une vie d’ermite pendant la dernière décennie. Les suédois d’
Opeth, sous la houlette de l’inépuisable Mikael Åkerfeldt, ont tant apporté à la musique extrême que ne pas se pencher sur leur carrière serait l’égal d’une culture imparfaite, quoi que l’on puisse penser du groupe et de sa musique.
Ayant toujours été très discrets humainement, ils sont de ces groupes qui grandissent uniquement en récompense de leur art et non de leur frasques externes, ils font parties de cette espèce en voie d’extinction que l’on appelle un artiste.
Après avoir traumatisé la scène underground avec un "
Blackwater Park" liant et redéfinissant le death atmosphérique, les suédois n’auront cessés d’expérimenter, en livrant tout d’abord deux albums antinomiques, "
Damnation" et "
Deliverance", l’un acoustique l’autre brutal, afin de dévoiler avec encore plus de finesse chacune des parties de leur musique si particulière.
Puis vint le très controversé "
Ghost Reveries", revenant à un format d’album plus conventionnel (tiens, il s’est perdu ce mot là non ?) mais dévoilant un
Opeth plus passionnant que jamais, envoutant, au chant death de Mikael saisissant et n’ayant jamais été aussi bestial.
Face à un album retournant aux sources et les transgressant sans aucun remords, que fallait-il attendre d’un "
Watershed" que son leader annonce comme progressif ? De même, le départ de Peter Lindgren à la guitare et l’arrivée de Fredrik Åkesson (ex-
Arch Enemy), ayant un jeu radicalement différent, allait-il influer sur la teneur musicale de ce neuvième opus ?
Le résultat est un magistral "
Watershed", ne réinventant pas le style de
Opeth ni la musique en générale mais offrant une nouvelle vision de l’art de Âkerfeldt, montrant un visage plus apaisé, plus naturel et empreint d’une superbe de tout les instants. A l’instar de l’ouverture "
Coil", menée par une magnifique ligne de guitare acoustique, nous plongeant dans les méandres d’une mélancolie si unique et reconnaissable, tandis que le jeu de voix entre Mikael en clair et une chanteuse de folk irlandaise Natalie Lorich est splendide, nous offrant une vision contemplative des souvenirs, objet du concept de "
Watershed", dont le livret se pare de superbes images teintées de verts profonds. Un doux violon se pose entre nos oreilles si sensibles pour un morceau déjà touchés par la grâce, introduisant l’énorme et épais riff de "
Heir Apparent", où la bestialité paradoxale de son créateur refait surface avec subtilité.
Le spectre sonore se veut incroyablement touffu (quel travail de production !), et enveloppe l’auditeur, le place d’abord dans des conditions optimales pour recevoir, estomaqué, les blasts si typiques du groupe, entrecoupés de solo dont le nouveau venu se donne à cœur joie, incorporant une virtuosité supplémentaire à un opus semblant de prime bien plus profond encore que ces prédécesseurs, comme à la quête d’un absolu. Le démontrant le break splendide de ce second morceau, où violon et guitare acoustique s’entremêlent furtivement avant une explosion de haine aussi soudaine qu’elle ne ravage nos tripes déjà endoloris.
Pourtant, c’est non sans une certaine étrangeté que "
Watershed" est plus accessible d’écoute, en offrant paradoxalement le plus de plaisir et de sensations des albums d’
Opeth. Car si le groupe usait parfois de quelques artifices noyant l’émotion pure, elle est ici à fleur de peau, comme vivante, près de nous, nous susurrant la douceur de la musique à ce havre de paix musical.
L’exemple de "
Burden" s’impose alors, alignant une ligne de piano sensible et exceptionnelle, rapidement rejointe par quelques nappes de samples. Mais c’est le chant clair qui subjugue, et je pèse mes mots, jamais Mikael ne m’avait ému ainsi.
Sous une forme doucement pop, le morceau dévoile des trésors d’interprétation, notamment le solo de claviers directement inspiré par un Pink Floyd des (très) grandes heures, donnant tout son sens au terme progressif si cher au vocaliste. Une fragilité d’expression se débridant et s’instrumentalisant au fur et à mesure des sept minutes de "
Burden"…
Retrouver un
Opeth traditionnel sur "
Porcelain Heart" ne sera qu’une façade, l’arbre cachant la forêt face à "Hessian Peel", long de plus d’onze minutes. La mélodie d’intro, renvoyant à "
Coil", se fait plus mystérieuse, presque opaque avant de sombrer dans une atmosphère post rock peuplée de cordes tendues et pleine d’angoisse, dépeignant un paysage sonore plein de tension et de grâce, ou la violence et la furie a très rarement sa place, lui préférant la mélancolie et la beauté. Puis le changement, brusquement, la musique s’efface, seul quelques notes de piano brisent un silence pesant, le clavier se fait entendre au loin…puis la brutalité nous prend à la gorge, sans que nous puissions nous y attendre, enchainant solos (très technique, comme on pouvait s’y attendre d’un tel musicien) et riffs pachydermiques sur une double pédale rarement de sortie sur ce disque ("The Lotus Eater" contient également son lot blast beat !).
Nommer cet album comme le meilleur de
Opeth ne serait certainement pas loin d’être la vérité, pour peu que l’on ne soit pas étourdi par la direction très prog rock de cet opus, offrant une nouvelle fois un nouveau champ d’horizon musical et émotionnel à un groupe ne semblant jamais tarir d’idées pour continuellement se renouveler, en faisant fi des normes et des règles, des modes et des conventions pour produire un art intègre et personnel. Un art frappé d’une certaine conscience de dépassement de soi et de ses propres limites créatives, une conscience ayant aujourd’hui bien peu de sens, à notre plus grand désarroi…
Les parties acoustiques sont de mon point de vue trop longues et les moments death trop rares, c'est malheureux mais Mikael Akerfeld a laissé le death de coté. Et sur cet album, je ne retrouve pas la meme aura que sur les albums précédents. Bien évidemment, je ne mets pas en cause la qualité des musiciens, d'ailleurs le nouveau batteur est excellent.
Je constate donc qu'il contiendra beaucoup de passages acoustiques. Un "Damnation" bis post "Ghost Reveries" ? Je vois que l'album sera riche en piano, c'est assez nouveau, le chant féminin aussi... je suis impatient de l'écouter pour donner mon avis du coup.
En ce qui concerne BlackWater Park je suis d'accord avec Eter, oui le groupe était déjà bien connu mais cet album a été un tremplin pour eux, c'est certainement leur prod la plus vendue aujourd'hui avec le (visiblement) controversé "Ghost Reveries".
Cet album dont la production est excellente est pour moi charnière dans la discographie d'OPETH. Comme lorsqu'on franchit la ligne de partage des eaux en référence au titre de l'album, le génial Mikael Akerfeldt bascule définitvement sa classieuse musique Death Metal progressif dans un rock progressif clairement dominant (à l'exception de Heir Apparent) d'une très grande musicalité. Ce sera le style d'Opeth par la suite. Mikael Akerfeldt est un compositeur émérite dont le talent serait trop bridé s'il ne devait créer que dans les limites d'un Metal codifié. Avec Still Life et Ghost Reveries, Watershed est un chef d'oeuvre a possédé absolument dans sa discothèque.
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