Vile, cinquième scène de crime des Américains de
Cannibal Corpse, est assurément un album crucial dans la carrière de ces Floridiens. Et ce d'autant plus que la période est critique pour le groupe et que les temps sont troubles pour le genre. L'enjeu est donc décisif.
Après le départ de son emblématique chanteur Chris Barnes, définitivement partis se consacrer à
Six Feet Under, le quintette décidera de recruter l'ex-
Monstrosity George "Corpsegrinder" Fisher. Le choix est audacieux et la nomination périlleuse tant les disparités entre les deux voix sont manifestes. Celle de Chris étant, essentiellement gutturales, profondes et graves, alors que celle de George est plus solide et, surtout, outre ces éructations rauques, capable de quelques nuances. Et, ainsi, par exemple, après une ascension vocale superbe, de culminer parfois en des aigus délicieusement âpres et écorchés. De plus ses chants trahissant d'incroyables aptitudes à une puissance intense et à une force dense, seront de nature à offrir, à la musique du groupe, une carnation originale et salutaire.
Mais ces considérations, certes essentielles, sont cependant insuffisantes à pleinement expliquer, à elles seules, l'excellence de cette œuvre.
Pour davantage élucider la question évoquons donc maintenant les compositions qui la constituent. Profitant de la technique hallucinante de ce nouveau hurleur, les musiciens de cet exquis cadavre cannibale vont en profiter pour composer des morceaux plus complexes, s'égarant même parfois, toutes proportions gardées, dans un progressisme loin de cette brutalité basique qui était la leur en des premiers pas bestiaux et sans concessions. La conséquence de cette complexité fera de certains morceaux des pistes nécessitant une approche plus minutieuse et plus longue avant d'être pleinement appréhendée (Perverse Suffering ou, par exemple, Orgasm
Through Torture).
Néanmoins, au-delà de cette audace en des temps, qui plus est, peu propice au metal de la mort, l'âme profondément funeste, formidablement nauséabonde, somptueusement subversive et magnifiquement primaire de l'anthropophage est présente ici. Elle demeure même prégnante malgré ces innovations.
Et de la conjugaison de ces nombreuses idées et de cette créativité admirable, en dehors de ceux déjà cités, naissent les superbes
Devoured by Vermin, Disfigured aux passages plus posés et au final remarquable, Eaten from
Inside aux détours délicieusement lourds et pernicieux, ou encore, par exemple,
Monolith.
Pour finir comment, une fois encore, ne pas évoquer le travail splendide de Vince Locke qui, de ses visions traumatiques et horrifiques, illustre parfaitement la musique de cette formation. Dérangeantes et dévastatrices, ces esquisses ornent les pochettes de
Cannibal Corpse avec talent.
Celle de ce
Vile laisse apparaître, dans sa version complète, le tronc suspendu d'un macchabée putrescent et supplicié. Ses yeux et sa bouche, malgré son état de décomposition, sont vifs et gardée ouverts par des instruments de
Torture. Ses membres supérieurs sont ligaturés par du barbelé, tandis que d'autres lui permettent de tenir debout. Son torse recousu et son crâne troué laisse voir un flot de vers semblant le ronger de l'intérieur. Au pied de l'ensemble, trônent les parties génitales de cette charogne.
Bien évidemment, comme à l'accoutumé, il existe plusieurs versions de ce dessin et ce afin de contrer une censure qui n'aura jamais cessé de contraindre le groupe à modérer ses débordements artistiques. Si tant est qu'on puisse considérer cette imagerie et ces paroles comme un quelconque débordement. Un point sur lequel, bien entendu, les adeptes du genre, dont votre humble serviteur fait partis, ont quelques doutes n'y voyant qu'une expression satyrique et volontairement provocante destiné, bien sûr, à un public avertis et mature.
Il existe donc deux ères distinctes dans le parcours de
Cannibal Corpse. Si la première fût crue, barbare, violente et pleinement satisfaisante, la seconde, quant à elle, à l'aune de ce marquant
Vile, laisse entrevoir quelques nuances et une technicité qui augure d'une suite bien plus intéressante encore. Ce disque n'est donc pas seulement un album décisif, il est aussi une naissance prometteuse et, surtout, un opus incontournable.
Je retiens surtout le ravageur "Perverse Suffering" et l'excellent "Disfigured", ce dernier est dans un esprit "Old School" que j'adore particulièrement.
Ce disque en vaut le détour c'est clair, mais pour moi il est loin d'être le meilleur de "Cannibal Corpse" !
Note: 14/20
Il fait vraiment partie de ces disques qui prend du temps avant d'atteindre l'auditeur.
Allez, un point en plus bien mérité!
Note: 15/20
C'est sans doute mon préféré des 3 maigres albums de la troupe que je possède (avec Gore Obsessed et Kill), je trouve le son déjà très spécial dans le bon sens du terme, bien loin des compressions en vigueur actuellement. Les compositions sont variées, et l'impact évident. Toutefois, je dirais que la variété constitue l'atout numéro 1 de ce disque, et chaque composition se détache facilement, rendant l'écoute non seulement passionnante mais aussi très facile.
D'où mon interrogation sur le post (Laurent, si tu me lis) qui stipule qu'il s'agit de l'album le plus difficile à apprivoiser de la bande. Mention au côté lugubre du début de "Bloodlands" qui contraste par exemple beaucoup avec l'idée qu'on peut se faire à priori de CC.
C'est certainement l'album le plus difficile d'accés pour un mec qui découvre Caanibal Corpse. Je pense que c'est ce que voulais dire Laurent.
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