On parle de la renaissance du phénix, et voici l'élévation du scorpion. Tommy Victor, leader de
Prong, est ascendant scorpion : putain, tout s'explique.
Six ans après le split de
Prong en 1997, le guitariste chanteur Tommy Victor s'est enfin décidé à lui redonner vie. Car après tout ce groupe est sa chose, au point de le hisser à bout de bras, seul contre tous, contre vents et marées.
Il avait pourtant eu l'air de se satisfaire du rôle de porte-flingues dans Dantzig ou avec
Rob Zombie, détestant rester inactif. L'idée de rejouer sa propre musique, que ce soit en tant que
Prong ou un autre nom, lui trottait déjà dans la tête depuis quatre ans, et il mettait de côté les nouveaux morceaux comme un écureuil ses noisettes. Le déclic s'est produit alors qu'il travaillait avec Pat Lachman (
Halford,
Damageplan) : il lui a fait écouter les huit compos qu'il avait maquetté, et et celui-ci l'a motivé et a travaillé avec lui pour mettre le tout en forme. Tommy Victor a rencontré son futur guitariste
Monte Pittman (Madonna) par l'intermédiaire du batteur de
White Zombie, et l'a intégré au groupe en 2000, avant que la reformation soit officielle. Il a trouvé en
Monte Pittman quelqu'un qui l'aide à se canaliser, autant sur le chant que sur les parties guitares. La reformation est devenue effective en 2002 avec l'arrivée de Brian Perry (basse) et Dan Laudo qui avait déjà remplacé Ted avant le split (batterie). Le groupe a vite pris la route, et sorti en octobre 2002 un album live enregistré à Chicago et Detroit, "100%
Live", dont une chanson, "Initiation" se retrouvera dans l'album à venir sous le nom "Embrace the
Depth".
Le bassiste Brian Perry ayant quitté le groupe, qui redevient un trio, c'est
Monte Pittman qui a enregistré la basse sur "
Scorpio Rising". Lors de la composition, qui a pris pour base les morceaux maquettés lors du hiatus, Tommy et ses compères ont essayé de faire simple et de ne garder que ce qui était nécessaire et en accord avec ceux-ci. En outre, les démos étant créés au départ avec des loops et des samples, un peu comme sur "
Rude Awakening", Dan Laudo, le batteur, a du adapter ses parties en conséquence. En outre, Tommy a aussi utilisé différents accordages selon les chansons, pour s'adapter à son chant.
A l'annonce de la sortie de "
Scorpio Rising", sur
Locomotive Music, un label madrilène, le 4 novembre 2003, j'étais surpris, raisonnablement excité, et j'avais acheté le Précieux dès que j'en avais eu l'occasion. La pochette d'un ésotérisme caca d'oie, est inspirée de la carte de
Tarot de la
Mort qui représente un scorpion. Pour autant, en retournant la jaquette, l'absence de Ted Parsons (on peut rêver, non ?) dans les crédits avait douché mon enthousiasme, au point d'avoir la pulsion de remettre le CD dans le bac.
Prong sans Ted Parsons, est-ce toujours
Prong ?
Tout d'abord, parlons du son de la galette, que l'on doit à Stevo Bruno et Tommy himself. S'il est loin de que celui concocté par Terry Date sur "
Rude Awakening", il est de facture honnête, axé sur la puissance de la saturation et la profondeur des graves. Les guitares sont en avant dans le mix, comme jamais dans la carrière du groupe. Il faut dire que
Prong est revenu à son style de base le plus identifiable, le thrash proto-groove metal de l'album "
Beg to Differ". Des riffs massifs aux palm mutes syncopés, quelques accords dissonants, sur une rythmique chaloupée, mais avec pas mal de variations sur un rythme linéaire, comme c'était le cas dans "
Cleansing". Par contre, les samples et machines sont mis de côté, ou mixés en arrière.
Un morceau comme "All Knowing Force" combine deux périodes du groupe, avec des rythmiques disco-metal qui pullulaient sur "
Rude Awakening", et une manière d'éructer du fond des grottes qu'on n'avait pas entendue depuis le préhistorique "
Force Fed". Le trio se lâche en expédiant un thrash saccadé à la hache, rustre et aplatissant avec "Regal" (pas un ode au café Grand-mère). C'est comme si Tommy Victor nous disait "Ne vous inquiétez pas,
Prong est toujours là", en multipliant les clins d'oeil à son passé. Au niveau des structures, on fait dans la simplicité, couplet/refrain/pont/break/fin et au suivant. Beaucoup de pistes sont pliées en deux ou trois minutes .
Le trio s'aventure quand même sur un terrain plus rock avec "Embrace the
Depth", qui lorgne du côté de
Killing Joke, ou tente le mainstream avec des mélodies style
Metallica du "Black Album" ("
Avoid Promises"). La basse est présente en soutien, mais se met en valeur avec simplicité sur l'intro de "Embrace the
Depth", un peu à la
Jason Newsted.
Le premier sentiment est une espèce de demi-soulagement de retrouver
Prong intact en apparence, même si c'est pour le moins basique et sans surprises. Mais j'ai eu le déplaisir de constater des tares jusque-là absentes dans la carrière des new yorkais. Aucun morceau fort ne se détache, aucune baffe, aucune torgnole ne vient nous dévisser les cervicales.
Il se dégage une impression de morceaux débités à la chaîne, avec le côté monocorde de beaucoup de riffs et la linéarité de la batterie qui rechigne à passer la surmultipliée. Si le batteur fait le job côté groove, il ne fait malheureusement pas oublier l'énergie fantasque de Ted Parsons. Il met pas mal de ghost notes dans son jeu, et un petit coup à contretemps sur la caisse claire... mais toujours le même.
Prong en devient parfois presque simpliste et caricatural, sur des titres seconds couteaux ("Reactive Mind", "Assurances",…) ou quand il s'auto-repompe sur "Letter to a "Friend"". Il se la joue petit bras et à cloche pied sur "
Entrance of the
Eclipse", qui en plus d'être douloureusement inoffensif, est le plus long morceau de l'album.
Des titres comme "
Out of This
Realm" ou "Seriusly Emerging" donnent une pointe de regret : le vrai
Prong essaie de revenir, mais il marche sur trois pattes, enfin non, pour un trio ça correspond à deux pattes, vous me comprenez, j'espère. Par moments, on retrouve presque le
Prong des origines avec le véritable fantôme de Ted derrière les fûts sur "Seriusly Emerging". Et c'est là que je mets le doigt sur ce qui faisait prendre l'alchimie : un dosage entre le haché saccadé d'un côté et le groove d'un autre côté. Seulement, pour que ça marche, le contraste doit être violent, et pas mollasson comme c'est souvent le cas sur "
Scorpio Rising".
Si "
Rude Awakening" finissait à mon goût en eau de boudin, elle a eu le temps de moisir au fond de l'évier. C'est sympa de rajouter des morceaux pour par pure générosité, mais les cinq derniers laissent un arrière goût de vite fait mal fait, ce qui n'est pourtant pas le cas sur la majorité du disque. Un retour en demi-teinte donc, et une renaissance qui sonne comme un deuil qui reste à faire.
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