A l’heure ou
The High End of Low, dernier bébé enfanté par le révérend fin mai (et traduisant une renaissance pour les uns, un chant de cygne pour les autres), sévit dans les bacs du monde entier, il est intéressant aujourd’hui de jeter un coup d’œil vers le passé, au commencement d’une ère, à la naissance d’une nouvelle star du rock’n’roll… Allez hop ! Remontons donc le temps pour nous retrouver en 1993, à l époque où le
Metal était en pleine ébullition, où le grand Trent Reznor (on ne le présente plus) venait de découvrir et de propulser son nouveau poulain ; un groupe d’Indus plus intéressant que les autres et appelé à un grand avenir, et où le «
God of Fuck » n’était encore que Brian Warner, un chanteur de metal (presque) comme les autres...
Tout d’abord, attardons nous sur la pochette. Une petite famille, composée d’une mère obèse, d’un père alcoolique, d’un bébé inanimé sur le côté ( victime de maltraitances ? ), et surtout d’un adolescent visiblement méchamment dérangé, symbole de cette ravissante petite famille américaine dégénérée qui semble nous regarder à travers un écran de télévision. Voici une entrée directe dans cette âpre et virulente chronique du modèle américain que nous proposent Manson et ses acolytes. Le prélude n’est pas en reste non plus. Une reprise schizophrène de la chanson des Hoompas Loompas (les serviteurs de Willy Wonka dans Charlie et la Chocolaterie), franchement dérangeante avec ses samples biscornus et sa montée progressive en puissance. Voici l’auditeur seul parmi les membres dérangés de la famille représentée sur la pochette, en témoin invisible et silencieux d’un univers, sain en apparence, mais en réalité gangrené par la folie et la connerie humaine... Ici, Manson multiplie les provocations, les critiques, les références et les lyrics assassins pour nous servir une satire virulente du modèle de l’Amérique moyenne. Le délire sexuel Cake and Sodomy, qui appelle de façon explicite à la pornographie ou à la prostitution (rien que ça !) et où Manson s’autoproclame le «
God of Fuck », est un coup de couteau dans l’Amérique croyante.
Lunchbox (« boite de fer », clins d’œil aux valises de métal dans lesquels les écoliers mettaient leurs goûters, mais qui furent interdites dans les 80’s car les enfants s’en servaient aussi pour se battre) est une ode à l’adolescence, mais aussi un exutoire, où Manson, rejeté par ses camarades lors de sa jeunesse, nous conte son désir de se venger de ceux qui ne l’ont pas accepté. On peut aussi remarquer l’habile jeu de mots sur le titre
Get Your Gunn, en référence au Dr.Gunn, médecin qui pratiquait l’avortement, et qui fut assassiné par des militants pro-lifes. Bref, le révérend fait autant preuve d’imagination dans ses paroles et dans les noms de ses chansons, que dans la composition de sa musique...
Tiens, c’est vrai ça ! Et la musique dans tout ça ? Elle non plus n’est pas en reste. Le son est sale et poisseux, tout comme le sont les guitares et la basse. Les bruitages et les samples sont distordus et dérangeants au possible, facilitant notre immersion dans cet univers crasseux et immoral. Et certains morceaux sont franchement pesants, comme par exemple ce
Dogma à l’atmosphère menaçante et malsaine. Cependant, l’album montre rapidement ses limites sur la longueur.
Pas vraiment endurant, ce
Portrait of American Family aura tôt fait de vous lasser au bout même de la première écoute. Car la musique de Manson en ce temps-là, même si elle ne manque pas d’idées, n’est pas vraiment, voire pas du tout structurée. Et les guitares, les samples, les bruitages... tout cela a tendance à partir dans tous les sens, et le résultat devient franchement indigeste par moment ( My Monkey... ). On peut aussi noter un manque de cohérence entre les morceaux purement Indus, qui sont souvent les plus violents ( Cyclops,
Get Your Gunn... ), et ceux sonnant plus rock, bien moins fouillés et bien plus faciles (
Dope Hate... ) qui, sans être désagréables, n’apportent rien de particulier, et sonnent beaucoup trop légers pour être réellement intéressants, surtout dans ce contexte, où l’univers décrit par Manson et ses « Spooky Kids » n’est justement pas léger, mais empreints d’une acidité malsaine et pesante...
Vous l’aurez compris, ce disque comporte de nombreuses bonnes idées, mais peine à les mettre correctement en place, à les ordonner de façon la plus fluide possible. En vérité, l’approche est encore un peu trop potache, car ici, le révérend n’est pas encore l’adulte dérangeant et provoquant qu’il sera par la suite, mais un gosse mal élevé et malpoli, qui tire la langue aux préceptes américains établis, et qui se moque insolemment de l’Amérique moyenne. Qui s’attaque violemment aux problèmes de société, mais de manière trop irréfléchie pour pouvoir changer le cours des choses et les principes qu’il combat. Un bon album, mais trop juvénile dans l’approche, et qui manque encore de structures et de maîtrise. Le fruit n’est pas encore mûr, il ne tardera cependant pas à l’être avec l’excellent
Antichrist Superstar, qui sortira 3 ans après. Suivront
Mechanical Animals et
Holy Wood, tout aussi réussis que leur prédécesseur, puis le temps se gâtera avec Golden Age of
Grotesque, et ne cessera de se dégrader pour notre «
God of Fuck »... mais ceci est une toute autre histoire...
Je ne suis pas d'accord avec toi sur "le temps se gâtera..." mais bon comme tu dis :ceci est une autre histoire
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