Le révérend n'est pas en forme en cette année
2012. Ca non. Lui la nemesis de l'église, l'ennemi numéro 1 de l'Amérique puritaine, le showman trash et décadent, l'homme par qui le scandale arrive, il n'effraie plus guère que les mamies, les marmots et les mormons à présent. Les Britney et autres Linsday Lohan, de son propre aveu, l'ont supplanté question réputation sulfureuse. Musicalement, c'est pas le top non plus. Albums médiocres, prestations scéniques frôlant l'arnaque, licenciement d'Interscope Records après les mauvaises ventes de
The High End of Low… Mais comment aurait-il pu en être autrement pour un artiste ayant finalement toujours eu une préférence pour la polémique plutôt que pour la musique proprement dite, même aux temps glorieux ( et mérités ) de la triplette
Antichrist Superstar/Mechanics Animals/
Holy Wood ? Aux fans outrés qui me répondront que le bonhomme n'a jamais privilégié l'une à l'autre, je leur répondrais simplement ; combien de vos amis connaissent le chanteur
Marilyn Manson ? Et attention, précisons bien qu'on parle du chanteur, pas du personnage. Pour ma part, même si je vais pas faire de mon cas une généralité, hormis
Sweet Dreams ( qui est d'ailleurs une reprise, rappelons-le ), aucun de mes potes ne saurait vous citer ne serait-ce qu'un titre du révérend. Tout aussi bons soient ses albums de la fin des 90's ( et ils le sont ), Manson reste malgré tout plus connu du public pour ses frasques que pour ses chansons. Tout un pan de carrière construite sur de la provoc'. Mais quand même la provoc' ne fait plus recette, quelle démarche faut-il suivre ? " Comment être
Marilyn Manson aujourd'hui ", comme se demandait un de nos confrères ? A cette question, l'ex-shock rocker nous livre une jolie réponse. En redevenant un musicien à part entière. Tout simplement.
Contrairement à la sortie en fanfare du précédent album ( et que le retour de Twiggy Ramirez, et que le Manson renaît de ses cendres, et que c'est le meilleur disque de tous les temps, et que ma grand mère elle porte la barbe ), la sortie de
Born Villain fût relativement confidentielle. Certainement un manque de moyens par rapport à l'époque Interscope, mais également aussi une volonté de faire les choses plus humblement. Le "
God of Fuck " semble avoir revu ses ambitions de refaire un
Antichrist Superstar à la baisse.
Plus de regards nostalgiques sur les rétros de la MansonMobile,
Born Villain est un album qui va de l'avant, qui s'assume tel qu'il est. Et en cela, la démarche est bien plus saine qu'avec le soi disant retour aux sources de
The High End of Low. Et aussi bien plus modeste. La prod', feutrée et intimiste, va d'ailleurs en ce sens, Manson fait enfin preuve d'humilité en acceptant qu'il n'est plus aussi gros qu'autrefois, qu'il ne peut plus refaire une œuvre aussi imposante que celle d'il y'a dix ans. Poursuivant le virage introspectif amorcé à partir de
Eat Me, Drink Me, le voilà en
2012 à nouveau aux manettes d'un album personnel et assumé, mais qui va néanmoins plus loin que son prédécesseur de 2007.
Ne vous fiez pas aux 2 premiers titres. " Hey Cruel World " est un titre frontal et rentre dedans, très efficace, tandis que le single " No Reflecion " est un titre basique de chez basique, du Manson qui montre qu'il sait bien faire du Manson. Mais ils ne sont guère représentatifs du reste de la galette. En effet,
Born Villain est un album assez porté sur l'expérimentation, qui prend son temps, pèpère peinard, pour dépeindre son atmosphère. Davantage Rock que
Metal, c'est un album qui, à la manière d'un skeud de
Kyuss, arrive à distiller toute une ambiance d'une musique sale et poisseuse. Sauf qu'ici, l'ambiance est clinique. Les morceaux sont froids, mais dégagent un charme vénéneux, à l'instar de ce " The Gardener ", rock'n'roll joliment décadent, et à son break fort réussi. On est même étonnés de voir à quel point certaines réussites de l'album tiennent à peu de choses. Twiggy Ramirez, utilisé de façon bien plus pertinente qu'il y'a 3 ans, et qui signe là un vrai retour parmi les rangs Mansonniens, y est d'ailleurs pour beaucoup. Dingue comment le mecton arrive à te rendre un morceau groovy à partir de lignes de basses toutes connes ( le lancinant "
Slo-Mo-Tion ", " The Flowers of
Evil "… ). Dingue de voir aussi comment, dans "
Born Villain " ( la chanson, hein, pas le disque ) quelques samples bien disposés peuvent faire tout le charme d'une ballade somme toute très classique à la base. Une indus-ballade en quelque sorte. Dingue enfin de voir comment juste un refrain bien foutu peut sauver tout un morceau, franchement emmerdant dans ses couplets ( " Lay
Down Your Goddam Arms " ).
Bien entendu, l'album n'est pas exempt de défauts.
Outre qu'il n'atteint pas le niveau de ses illustres aînés, ce qui est enfoncer une porte ouverte que de le dire, car en 20 ans de carrière, ça parait un peu évident de s'essouffler, on dira que
Born Villain est un chouia trop long ( 1 heure quand même ), que sa partie centrale d'album risque de rebuter par sa lenteur, que quelques titres ne vont strictement nulle part ( " Pistols Whipped ", la, bien vaine d'ailleurs, reprise " You're So
Vain " de Carly Simon, qui n'a guère d'intérêt sinon que c'est Johnny Depp qui joue de la guitare )… Les fans
Metal de Manson risquent aussi de tirer la gueule en raison du peu de titres qui cognent vraiment. Excepté " Hey Cruel World " et un " Murderers Are Getting Prettier Every Day " qui montre les dents,
Born Villain ( l'album ce coup-ci, pas le morceau, vous suivez ? ) est un album qui passerait presque pour sage. C'est un leurre bien sûr. Juste plus subtil, c'est un album bien plus sournois qu'il n'y parait, et susceptible de plaire même aux plus récalcitrants, pour peu qu'on prenne le temps de l'écouter et de s'en imprégner. Surtout, là ou
Born Villain risque de diviser, c'est que certains, plutôt que d'y voir un album décomplexé et assumé, y verront surtout un aveu de Manson, comme quoi il aurait accepté de faire partie du paysage, accepté d'être incapable de refaire un album réellement marquant comme avait pu l'être ceux de la fin des années 90, accepté de rester médiocre et de continuer à naviguer sous le radar. Les uns y verront le verre à moitié vide, les autres à moitié plein. Pour ma part, le choix est fait ;
Born Villain n'est peut-être pas un grand album. Mais, comme Kim Basinger dans 8 Miles,
Marilyn Manson a beau être sur le déclin, il a de beaux restes quand même. Le révérend gagne au change à reléguer sa musique au premier plan. S'il n'est plus un shock rocker, ce
Born Villain aura au moins prouvé qu'il reste un rocker tout court. Et un bon de surcroît…
Cela me fait vraiment plaisir de voir pas mal de fans aimer cet album, je commencais à me lasser de toutes ses critiques profondément irrespectueuses...
Cet album me parait vraiment bon. à réécouter, ce que je m'apprête à faire.
encore merci pour cette chronique : )
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