Au regard de l’histoire, certaines décisions peuvent avoir des conséquences dramatiquement irrémédiables. A la genèse du projet Keeper Of The
Seven Keys, l’œuvre se composait de vingt morceaux pensés de manière indivisible, conçus comme vingt scènes racontant un conte moderne, dense et varié. L’ensemble de cette œuvre aurait sans aucun doute dépeint de manière plus juste encore l’étendue fabuleuse des talents de composition de Weikath et Hansen. Sortir cet opus sous la forme d’un double-album unique, plutôt que de deux albums simples, aurait certainement couronné de manière éclatante l’incroyable art de ces jeunes Allemands.
Helloween veut que ce Keeper Of The
Seven Keys ne soit qu’un. Bien décidé à ne pas se laisser faire dans cette négociation, face à une maison de disques qui, pour des raisons éminemment plus mercantiles, avait décidé qu’il serait deux, il mixe l’ensemble de ces morceaux. Pourtant, c’est bel et bien Noise qui aura le dernier mot, exigeant du groupe de choisir quels titres se retrouveront sur l’un et lesquels sur l’autre.
De manière simple et pragmatique, les titres écrits par Hansen se retrouveront sur le premier opus et ceux de Weikath sur le second. Un choix qui, avec le recul, peut paraître des plus évidents tant la première partie de cette œuvre, plus brutalement Heavy, correspond à la suite logique de
Walls of Jericho, opérant ainsi une transition douce vers la deuxième partie de l’ouvrage plus empreinte de mélodie et ce que deviendra bientôt
Helloween. Même si nos deux compères savent à merveille unir leurs efforts et leurs influences, ces distinctions de compositions sont suffisamment marquées pour créer une vraie différence entre les deux opus. Pourtant, la décision de privilégier les morceaux d’Hansen sur le Keeper Of The
Seven Keys part I et de reléguer ceux de Weikath sur le part II aura un effet, aidé aussi par l’immaturité et la jeunesse de ces deux génies, désastreux. Créant le début de dissensions définitives, l’affrontement de ces deux caractères forts finira par agiter violemment le groupe, le déchirant en plusieurs clans durs dont les chefs de file finiront par se séparer dos-à-dos à dos pendant de nombreuses années.
C’est d’autant plus navrant que, dès les premiers instants de cette œuvre, le plaisir est présent. Les regrets de cette communion, qui bientôt ne sera plus qu’un souvenir, sont donc immenses. Et rester indifférent à des hymnes aussi évidents qu’Eagle Fly Free où le chant de Kiske excelle, où la double grosse-caisse d’Ingo se déchaîne dans un déluge incisif et prompt, où les guitares ne perdent jamais de vue les désirs de s’inscrire dans une mouvance résolument agressive ; et tout cela sans jamais être dénué des harmonies mélodieuses mises, aussi, en valeur par la voix, relève de l’impossible. Ainsi
Helloween excelle toujours encore dans ces constructions de titres véritablement initiateurs, forcément dans la même veine que son précédent opus puisque écrit en même temps. Ces compositions fortes, des talents
Rares et des capacités exceptionnelles de ces musiciens, continuent à nous procurer d’immenses satisfactions intenses. Pourtant, si le groupe sait composer des titres puissants et percutants, il décide également, aussi surprenant que cela puisse paraître, de poursuivre dans la voie de ce "Happy
Metal" et de sa dose d’humour positive et joyeuse. Ainsi
Rise And Fall, alternant des refrains rapides et des couplets mid-tempos, dépeint avec une certaine ironie et une certaine lucidité les méandres pouvant être le lot de chacun d’entre nous, nous projetant en des sommets un jour et en des abîmes le lendemain.
Dr. Stein narre de manière allégorique et tragi-comique les déboires d’un savant dans la trame assez scénarisée d’un morceau où apparaissent des claviers assez succincts, qui, jusqu’ici, étaient absents. Si l'on y ajoute un
I Want Out mid-tempo aux riffs efficaces et aux textes affranchis, on a là trois titres qui dénotent d'une réelle volonté enjouée d’afficher une indépendance impertinente, d’une fraîcheur libérée délicieuse. Et, au moment où sonnent les trompettes de la renommée du très progressif Keeper Of The
Seven Keys, morceau de bravoure de près de quatorze minutes, enchaînant ses diverses parties de manière très fluide et étonnamment intéressante, il devient difficile de nier les évidentes capacités de ces jeunes Allemands à varier les ravissements pour nous combler. Déjà responsables d'avoir engendré divers sentiments incroyablement enrichissants,
Helloween se permet de clore ce chapitre sur un morceau d’une intensité admirable, sur un titre furieux, rapide, tendu, sur un Please
Save Us tout simplement magnifique.
Difficile de dire du mal d’une œuvre aussi accomplie qui, même plusieurs décennies après, ne cesse de nous emplir d’émotions soutenues. Difficile de critiquer de telles aptitudes de musiciens, de compositeurs et d’interprètes.
Helloween s’impose donc comme une référence absolue avec seulement vingt titres, des riffs époustouflants, des arrangements incroyables, un sens du break étonnant, un batteur au jeu subtil et précis, un chanteur ahurissant, deux compositeurs aux génies complémentaires inégalés, une liberté insolente et une fraîcheur positive étonnante. Rien de moins que le talent de cinq musiciens hors du temps qui touchèrent du doigt la grâce. Historique, tout simplement…
Je préfère le Part 1, mais j'ai quand meme du mal avec Helloween.
15/20
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