Un anniversaire.
Voilà une date qu’il ne faut pas rater. Qu’il faut fêter avec ses amis, avec sa famille, avec son entourage et ceux qui comptent pour nous. Cela, chacun l’a bien compris et il est devenu commun pour les musiciens de créer des évènements pour célébrer les décennies avec les fans afin de démontrer, premièrement que l’on existe toujours, et deuxièmement qu’on les remercie de les soutenir depuis tant de temps.
Dans ce contexte, un trentième anniversaire, on essaie de ne pas le rater et de le commémorer dignement avec une œuvre prête à ravager le monde pour montrer à tous que l’on est encore souverain et que le poids des années est avant tout un gage de professionnalisme et d’expérience plutôt que synonyme de fatigue et de passéisme. Et comme
Helloween est revenu très fort ces dernières années, avec plusieurs opus très costauds et ponctués de classiques, tels que la troisième partie du célèbre "Keeper of the
Seven Keys", un "
7 Sinners" créatif ou un "
Straight Out of Hell" surpuissant, nous ne doutions pas que ce quinzième « vrai » album (si on laisse de côté "
Metal Jukebox" et "
Unarmed" qui sont respectivement un album de reprises et un autre album auto-anniversaire joué de façon acoustique) allait une fois de plus ravir nos ouïes délicates et agiter nos cervicales endolories par des albums de plus en plus puissants au fur et à mesure que les années passent.
Pourtant, un rouage s’est cassé. La mécanique s’est grippée. Étrangement, de manière incompréhensible nous pourrions même dire,
Helloween est retombé dans ses travers des années 90. Qu’entendons-nous par-là ? Mais du remplissage bien sûr. Et oui, du remplissage en bonne et due forme, avec quelques fulgurances ici et là et globalement des morceaux dont plus personne n’entendra parler d’ici deux tournées pour un album qui restera bien au chaud dans les cartons du groupe et les étagères des fans. Un anniversaire ? Plutôt amer pour le partager et avare en chantilly mes bons amis.
Commençons par les bonnes nouvelles (peu nombreuses mais il est possible, en grattant un peu, d’en trouver quelques-unes). Le line-up est toujours aussi soudé depuis dix ans et on remarque que Weiki donne de plus en plus de latitude au maestro Sascha Gerstner (arborant une nouvelle coupe de cheveux ignoble soit dit en passant), véritable gâchette de précision qui, de l’aveu même du mentor, est bien plus talentueux et technique que lui (on le croit aisément tant Michael n’est pas reconnu pour sa technique hors-pair mais plutôt son sens de la mélodie). Autre bonne nouvelle, la production est toujours aussi puissante et on remarque rapidement que Charlie Bauerfeind, après la catastrophe du dernier
Blind Guardian, a encore fait un très joli travail avec nos citrouilles favorites. Côté composition, en revanche, le bât blesse très rapidement…
Tout démarre plutôt bien avec "Heroes", dans la droite lignée des précédents opus, à savoir un
Power metal racé, puissant et claquant avec comme figure de proue un Andy Deris toujours en pleine forme vocale. Le riff d’ouverture possède des relents de "Hallowed" d’
Edguy puisqu’il est sous-mixé pour exploser littéralement après quelques secondes. Le refrain arrive rapidement et entre en tête avec des « We Are » répétitifs à souhait qui ne demandent qu’à être chantés par plusieurs centaines de fans. Les couplets sont légers, dénués de riffs et permettent ainsi au refrain de gagner en ampleur et en efficacité. Le contexte est planté (il semblait) et la fête commence sous les meilleures auspices. Puis c’est la dégringolade…
Le très faible "Battle’s
Won" et le title-track s’enchaînent avec une mollesse rarement entendue ces dernières années (rarement entendue depuis l’arrivée de Andy Deris en fait…même "
Master of the Rings" et "The Time &
The Oath" étaient plus efficaces). Les mélodies sont téléphonées, les refrains ne décollent pas, Sascha et Weiki assurent le minimum et on peine à reconnaitre la frappe de mule d’un Dani Löble qui se révèlera bien trop sage tout au long du disque (tout en soulignant que la batterie est bien moins en avant dans le mix que d’habitude). Andy et Michael assuraient en conférence de presse qu’ils avaient souhaité un album positif et frais, avec une production ronde et chaleureuse afin de s’éloigner de l’aspect plus sombre des derniers opus. Il semblerait que la différence entre chaleureux et pantouflard soit très tenue pour les deux compères.
Depuis quelques années, les Allemands avaient trouvé un équilibre en proposant de manière proportionnée un disque relativement traditionnel ("
Rabbit Don’t Come Easy", "
Gambling with the Devil", "
Straight Out of Hell") suivant ou précédent d’un disque plus risqué et créatif ("
The Dark Ride", "The
Legacy", "
7 Sinners") afin de créer un équilibre constant entre modernité et racines fortement ancrées dans l’esprit des fans. De cette manière,
Helloween restait également toujours tourné vers l’avant et l’un des
Rares précurseurs à toujours proposer de la nouveauté, là où
Gamma Ray a, par exemple, arrêté de surprendre. Dans la logique des choses, "
My God-Given Right" devait donc être du tonneau des originaux…
Ce n’est pas complètement faux sauf que, encore une fois de manière inexplicable, le groupe a complètement coupé le disque en deux plutôt que de créer une atmosphère à part comme ce fut le cas pour le sombre "
7 Sinners" ou le très épique "The Leagcy". Entendons par là que la première moitié est du
Power 100% pur jus auquel on aurait simplement ôté la testostérone (le faiblard "Crazy" ne cachant pas les lacunes du disque tandis "Russian Roulé" et son texte géopolitique de comptoir sent plutôt la face B que le tube en devenir) hormis pour le lumineux "
Lost in America" qui survit difficilement dans cet océan de déception avec son couplet très énergique et son refrain qu’on se surprend à chanter dès la première écoute comme s’il faisait partie de nous depuis toujours. Quant à la seconde moitié du disque dans tout ça ?
On sent que le quintette a ici voulu sortir de son giron mais malheureusement s’engourdit et se perd ici par manque de puissance et d’idées véritables. Nous aurons bien un ténébreux "The Swing of the
Fallen World" qui semble un peu perdu dans l’album mais qui surprend positivement par son riff plombé, ses claviers grandiloquents et le phrasé d’Andy appuyé et véritablement sombre. Les guitares retrouvent le grain très lourd de "
7 Sinners" et le refrain, lent et solennel, est probablement l’un des meilleurs moments du disque (singulier pour un groupe labellisé Happy
Metal). La suite est tout autant surprenante avec "Like Everybody Else" et sa musique digne d’un Tarantino pour une sorte de ballade folk qui possède surtout un refrain sublime et magnifiquement chanté, chose pas toujours évidente pour ce type de morceau lorsque l’on possède la voix du bourru blond. Puis…voilà. Rideau.
Il est peut-être exagéré de dire cela mais ce n’est pas "Creatures in
Heaven" convenu au possible (cette mélodie d’introduction sans consistance…) ou le long "You, Still of
War", exercice dans lequel
Helloween est pourtant devenu maître, qui parviennent à redresser la barre. "
Claws" tentera bien timidement de réveiller tout ce petit monde avec énergie mais c’est peine perdue et malheureusement trop tard en fin d’album (il aurait été bien plus à sa place en début de disque).
Autre énigme de la tracklist, il est difficile à comprendre pourquoi, en présence de tant de compositions aussi dispensables,
Helloween s’est séparé de deux très bons titres relégués en bonus pour la version limitée, que sont "Free World" et surtout l’excellent "Wicked Game". Ce dernier rappelle d’ailleurs plutôt l’album précédent dans ses couplets enlevés et ce refrain lourd qui passe superbement bien (avec cette grosse voix mécanique qui scande le titre du morceau). Quant à "Free World", il est typiquement le type de morceau speed qui manque à l’album et qui, en trois petites minutes, aurait fait office de bien meilleur single que "Battle’s
Won" avec son refrain qui n’aurait pas fait tâche sur les deux premiers "Keeper". Dommage donc et raté de ce côté-ci également.
Helloween se prend magistralement les pieds dans le tapis pour cet anniversaire qui, s’il doit remercier les fans, n’offre que des confettis à un public qui attendait de gigantesques explosions et un arc-en-ciel de sensations. Certes, à l’échelle du
Power metal, "
My God-Given Right" n’est pas mauvais en soi mais il est bien trop insuffisant lorsque l’on est le leader et chef de file du mouvement. Certains diront, pour se rassurer, que la prise de risques était minimale pour combler tout le monde et rassembler dans le but de la prochaine tournée mais nous pouvons également penser qu’il frustrera justement l’ensemble de l’auditoire, autant les vieux fans, qui n’apprécieront pas les quelques éloignements du genre originel, que les plus jeunes qui, justement, regretteront le manque de fougue d’un groupe ayant montré bien plus de détermination ces dernières années. Le cul entre deux chaises. Dur constat pour un artiste légendaire fêtant ses trente bougies. La moyenne tout juste, tout le monde sera content et on attendra le sursaut au prochain disque. Le temps qu’ils décuvent d’un anniversaire que l’on n’espère pas trop arrosé afin de reprendre rapidement du poil de la bête. A dans deux ans. Cheers.
Après chacun son truc mais moi les articles où on nous colle photos et vidéos, ça me fait toujours très bizarre. Genre remplissage au détriment du fond. Mais après tout chacun est bien libre d'aimer ce que bon lui semble et chaque webzine a le public qu'ils méritent.
Et sinon, je suis un peu embété avec ce disque qui n'est pas mauvais, loin s'en faut, mais qui me laisse un petit gout amer tant j'y trouve le groupe en pilotage automatique. On peut déplorer les choix artistiques de certains de leurs disques, mais au moins ils avaient un parti pris et ça nous changeait un peu du classicisme de ces Allemands.
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