Quel groupe aura aussi largement déchaînés les passions que les Britanniques d'
Iron Maiden ? Quelle formation aura aussi considérablement, et aussi longuement, divisé une foule fidèle ? Car soyons en sûrs détracteurs et défenseurs ont en commun d'être, ou d'avoir été, des adeptes. Le conflit n'est donc qu'une guerre civile maideno-maidenienne
Mais revenons en à des considérations moins philosophiques. Depuis bientôt quatre décennies, ces Anglais auront, disais-je, susciter les réactions les plus diverses et variées au sein d'une communauté partagée. Tant et si bien que chaque nouvel album est un nouveau terrain d'affrontement. D'un côté de la ligne de front se trouvent les farouches disciples de ce groupe prêt à le défendre, ad vitae aeternam. Des gens qui ne peuvent se libérer de ce premier émoi dont le simple souvenir ému paré, soyons honnêtes, d'une part de subjectivité nostalgique et qui ravive en eux ce délicieux trouble initial. Et de l'autre d'autres anciens adeptes dépités, mais non moins farouches, qui, quant à eux, se sentent trahis par les diverses expérimentations artistiques, les évolutions musicales et l'attitude de ces natifs de la perfide
Albion.
Et depuis les bouleversements profonds d'une orientation musicale toujours davantage tournée vers une créativité plus alambiquée, progressive et moins directement Heavy, changements dont les prémices se firent d'abord ressentir sur un
Brave New World (2000), jamais les dissensions entre les diverses factions attachées à ces Anglais n'auront été si vives.
Le dernier épisode en date,
The Final Frontiers (2010), finit même par tuer les dernières illusions de ceux qui espéraient encore voir le groupe revenir à des velléités plus antiques et plus immédiates. Cette grande déception était indéniable tant ce dernier effort était, il est vrai, le plus Prog jamais proposé par Steeve Harris et les siens. Et cet opus venait ainsi, aussi, envenimer définitivement une guerre fratricide.
Mais rassurons-nous car voici enfin le temps de la réconciliation et de l'apaisement durable. Afin de pacifier un champ de bataille aux conflits incessants (et aussi pour gagner un peu d'argent, le groupe n'oubliant jamais son légendaire pragmatisme),
Iron Maiden nous propose de signer une trêve autour d'un nouveau Best Of intitulé
From Fear to Eternity.
J'entends déjà d'ici les grincements de dents des détracteurs polémistes aiguisant leurs arguments quant à la facilité d'une telle démarche. Premiers arguments, tout à fait justifiés, auxquels suivront irrémédiablement ceux, non moins justifiés, concernant l'intérêt passable d'une telle entreprise. Ce à quoi les défenseurs de la vierge de fer ne manqueront pas de répondre par la fameuse thèse consistant à nous expliquer qu'une compilation permet de faire découvrir le groupe, à moindres frais à ceux qui, ô cruelle inculture, ne connaîtrait pas encore ces Anglais. Une théorie assez étrange si l'on considère la facilité avec laquelle il est aisé, à l'ère de la communication numérique, d'avoir, de manière tout à fait légale, un aperçu, de l'œuvre artistique de quiconque, et ce sans passer par un achat immédiat. Ce
From Fear to Eternity n'est donc pas vraiment fait pour ceux qui voudraient découvrir le groupe.
Est-il fait pour ceux qui depuis toujours collectionnent la moindre production de ces Britanniques ?
Pas davantage puisque ces mêmes collectionneurs possèdent déjà chacun des albums, ou presque, desquels sont extraits les morceaux constituant cette compilation et qu'exceptions faites de cette nouvelle pochette, rien, ou si peu, ne pourra les surprendre ici. Ce qui ne les empêchera pas, bien évidemment, de se la procurer quand même.
Ni vraiment pour les détracteurs du groupe, ni vraiment pour ces adeptes, cet album devrait donc faire l'unanimité.
Et ce d'autant plus que faisant suite à un premier Best-Of, Somewhere Back in Time , sortis trois ans plus tôt et couvrant les années allant de
1980 à 1989, ce
From Fear to Eternity reprend uniquement la période allant de 1990 à 2010. Celle là même que les contradicteurs déçus du groupe dénoncent comme étant celles de la trahison.
Evoquons un autre défaut étrange qui, quant à lui n'a rien à voir avec les idées partisanes de chacun des deux camps. Il est, en effet, curieux de constater que les morceaux couvrant la période durant laquelle
Blaze Bayley fut chanteur d'
Iron Maiden, ont été remplacés par des versions
Live sur lesquelles
Bruce Dickinson donne de sa voix (
Man on the Edge,
Sign of the
Cross, The Clansman). Chacun sera bien libre d'interpréter ce procédé comme bon lui semble, il n'empêche que, selon votre humble serviteur, le message qu'il délivre dans l'inconscient de ceux qui raisonnent n'est pas très glorieux. De plus de là à penser que Steeve Harris refuserait d'assumer les choix qui lièrent l'histoire de
Blaze à celle de la vierge de fer, il n'y a qu'un pas aisément franchissable.
Au-delà de ça, suivant les goûts de chacun, le liste des titres présents en ravira certains et en désolera d'autres. On pourrait-en débattre indéfiniment tant la subjectivité liée aux arguments défendant un titre plutôt qu'un autre serait partiale. Et ainsi la discussion vaine. Quoi qu'il en soit mettre des titres tels que
Tailgunner, ou, par exemple,
Holy Smoke ne me paraissait pas vraiment indispensable. Et, à vrai dire, selon moi, un simple album plus homogène eut été plus pertinent qu'un double aux morceaux pas nécessairement essentiels.
La fin est proche et
Iron Maiden ne parviendra donc pas, cette fois encore, avec cet album sans réelle surprise et dont le seul infime intérêt réside dans sa pochette, son tirage limité et, peut-être, ses versions
Live, à réconcilier son peuple. Chaque clan restera donc campé sur ses positions.
Cet enième best-of, comme les précédents peut au moins permettre à des néophytes de Maiden voire du Metal d'avoir une première approche du groupe. Pour le reste, achèteront ce disque ceux qui le veulent. Fin de l'Histoire.
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