Le firmament regorge d’étoiles, parfois filantes, mais essentiellement fixes et illuminant nos yeux d’enfant rivés sur le noir de la nuit. Leur effet bienveillant et sécurisant persiste alors que le succès surgit sans crier gare et les périodes moins fastes bousculent nos certitudes. Après le noir, ce fut la période du blanc. Immaculé et dépouillé. La couleur de la pochette de cet album illustre une étape fondamentale dans la carrière d’AC/DC.
Leur histoire commune commença dix années plus tôt. De la formation d’origine ne restent « que » les frères Young.
Il y eut les habituels changements de line-up qui virent Cliff Williams prendre la place à la basse de Mark Evans en 1978, lui-même successeur de George Young présent sur le premier disque du groupe, puis l’arrivée de
Phil Rudd fin 1974 après de nombreux « intérimaires » qui avaient repris les baguettes de Tony Currenti, batteur sur les titres du premier LP «
High Voltage ». Et puis, il y eut la tragédie dans la nuit du 19 février
1980 avec la mort aussi stupide qu’injuste de Bon Scott, remplaçant tellement évident de
Dave Evans jugé trop glam.
Côté discographie, les boys auront sorti 8 albums studio et un
Live entre 1975 et 1981. Côté tournée, on peut parler de marathon sans fin, entamé dès décembre 1973 au Chequers Club de Sydney, avec les innombrables gigs dans les bars et salles Australiennes avant le grand saut vers l’Europe puis les States, pour des tournées de plus en plus monstrueuses. Chauffeurs de salles ou en tête d’affiche, tout était bon pour épancher la soif de kangourous avides d’offrir à leurs fans hystériques la dose de bonheur qu’ils attendaient.
Le succès interplanétaire d’AC/DC ne supportait donc aucune faiblesse de la part des membres du groupe aux yeux des fans et pas plus des critiques. Ces derniers qui raffolaient à écrire sur le choix hasardeux de Brian Johnson comme hurleur désigné par les frères
Angus et Malcolm Young, alors que les ventes du groupe n’ont jamais été aussi fortes que depuis son arrivée. Pourquoi vouloir remplacer l’irremplaçable ? Brian, à force de travail et d’humilité, creusera son sillon et trouvera au fil du temps sa place, sans une indéniable pointe d’humour.
La famille AC/DC qui inaugura la
Hell’s Kitchen, derrière le mur d’amplis double-corps
Marshall sur cette tournée en tant qu’univers de jam fraternel et de lieu de convivialité du groupe, lavera le linge sale à l’abri des regards. Officiellement, les membres fondateurs annonceront le départ de
Phil Rudd comme une absolue nécessité pour lui de soigner sa dépendance à l’alcool et surtout à quelques substances illicites. Mais pas question de fermer la porte définitivement au divin cogneur de Melbourne malgré une discussion plus que musclée entre lui et Malcolm à l’origine de son départ précipité. Chacun s’accorda sur le fait qu’il faudra savoir lui redonner sa chance. Un combat de poids coq qui devait valoir le coup d’être arbitré. Phil aura eu néanmoins le temps de poser sa patte sur les parties de batterie de ce «
Flick of the Switch ».
Sacrée tranche de vie pour un groupe grisé par un succès mérité et accablé par un funeste destin. Une sacrée responsabilité désormais sur les épaules de musiciens éreintés par dix années de folie douce. A en juger par leur état d’esprit de l’époque, ils souhaitaient s’affranchir du triptyque studio-tournée-studio et goûter un temps soit peu aux fruits de leurs colossaux comptes en banque avec leurs petites familles respectives. Usés jusqu’à la corde, soucieux des attentes de leur public, pressés par les requins des maisons de disques, professionnels jusqu’au bout des ongles, ils dirent stop un matin de fin 1982. Ras le bol et le caisson de basse !
Alors que la NWOBHM s’installait dans la durée et que les thrashers de la Bay
Area pointaient le bout de leurs riffs, les Aussies partirent composer dans le sud de la France avant d’aller enregistrer leur nouvelle galette aux devenus incontournables Compass Point Studios de Nassau, aux Bahamas, coin de paradis que
Judas Priest, entre autres, utilisera avec délectation. Objectif : retour aux sources, son brut, autoproduction, moins de mur de guitares à la John « Mutt » Lange, juste du big rock qui secoue le fion et fait taper du pied. Conscients de l’attente et du risque pris, ils choisirent un titre évocateur. On appuie sur le bouton, on remet le jus, comme
Angus le fait sur le dessin de cette pochette d’une justesse innocente et touchante.
Après le noir de «
Back in Black », AC/DC reprend son destin en mains en repartant d’une page blanche sur l’encyclopédie du Rock’n roll.
Le résultat détonne et ne laissera personne indifférent.
L’entame se fait comme un moteur diesel : il faut que ça chauffe… Malgré un riff affuté à la meuleuse, «
Rising power » déçoit presque par sa timidité coupable. Le mur de guitares des albums précédents laisse la place à un son de guitare bien gras, capturé en
Live. La construction du titre, quant à elle, reste dans la droite ligne des dernières productions du groupe mais il manque juste une pointe de hargne pour faire définitivement décoller cette chanson heavy au possible, à la mélodie simple et à la rythmique carrée. Sortis enfin des starting blocks sur le second titre « This house is on fire », Cliff Williams apprête déjà sa basse de terrassier derrière les deux tons des guitares des frères Young. Le titre délivre l’efficacité attendue tout au long d’un refrain et d’un couplet que l’ainé Malcolm tient au bout de sa Gretsch demie-caisse. On retrouve enfin le groove identitaire d’AC/DC sur «
12012 » dont le riff tortueux épouse sans effort une rythmique surpuissante. Le pont vers le refrain donne une touche supplémentaire de musicalité et on se met à remuer l’échine.
Angus dégoupille comme un damné et met le feu avec sa Gibson SG pendant que Phil et Cliff gardent le tempo comme les gardes Suisses devant les portes du
Vatican.
Rassuré par un début d’album qui monte crescendo en intensité, arrêtons nous sur la partie boogie/blues de ce LP.
«
Nervous Shakedown » symbolise avec lourdeur et puissance le blues qui reste à la limite de l’explosion, trahi en cela par la petite pointe d’accélération avant le refrain. On retient le grain de voix de l’ami Brian et le toucher d’
Angus sur ses parties en lead et en solo. Avec «
Badlands », on tient un clin d’œil appuyé vers l’univers de
Rose Tattoo. Toute slide guitare en avant, ce blues infernal se paye le luxe, sur un énorme bumping de basse, d’accueillir des vocaux à la saveur d’
Angry Anderson. Le solo d’
Angus achève le tableau, entre feeling et racine primaire en provenance de l’out back Australien.
Enfin, le massif « Deep in the hole » porte à merveille son nom tant Brian et les boys vous enfoncent avec jubilation la ligne rythmique et le refrain aux tréfonds du cerveau. Agressif et vicieux, le riff de guitares vous explose neurones et tympans et nettoie vos cavités crâniennes au Karcher.
Soutenue par une basse de cuirassé, la torpille « Landslide » ravage tout sur son passage. Sec et nerveux, le riff égale par sa concision certain riff main droite de groupe de speed de l’époque. Brian, plein de gouaille, s’amuse comme un diablotin alors qu’
Angus prouve avec son solo qu’il n’est pas prêt à se laisser enterrer par la jeune génération. Une belle démonstration de virtuosité et de vitesse à la classe biberon.
Poussif AC/DC sur cette galette ? Grosse blague, voire irrespectueux de le penser encore de nos jours. L’introduction reconnaissable dès la première seconde du hit « Guns for Hire » mélange un riff au timbre singulier et une séance d’attendrissement de viande opéré par un
Phil Rudd, toujours aussi dur au mal. Cliff Williams rappelle qu’il n’est pas seulement le chouchou de ces dames mais un bassiste rythmiquement élevé sous la mère. Le riff en acier trempé de sieur Malcolm éclabousse ce big rock à coups de médiator appliqué avec ferveur sur des cordes épaisses comme des troncs d’arbres. A peine remis de cette attaque en règle, «
Bedlam in Belgium » bâti sur un riff de la vieille école vous fera sans nul doute remuer du troufion. Les lead de guitares oscillent entre la chaleur d’un fer à repasser et la douceur d’une scie circulaire. Le couple Phil/Cliff, pas encore passé devant monsieur le maire pour régulariser leur union, solidifie ce déluge de décibels sur lequel Brian hurle sans nous casser la tête des vocaux de possédé et fait repartir de plus belle le titre après une accalmie bien brève. Pour finir, « Brain shake » atteint les limites de la schizophrénie avec son riffing déjanté et déboité. Encore une énorme ligne de basse et un jeu de batterie plié au carré. On regrette juste un mixage de cymbales un poil dérangeant. Ca secoue à tous les étages,
Angus sort le mortier et pilonne les positions ennemies sans regret.
Déception pour les uns, ceux qui attendaient la résurrection du « Bon » Dieu peut-être… Satisfaction plus ou moins forte pour les autres, ceux qui auront eu le courage et l’à propos, par exemple, d’à moitié remplir Bercy à l’automne 1983 pour la date française de cette tournée européenne. Les grands groupes ne meurent jamais et l’Histoire prouvera que les absents ont toujours tort.
AC/DC démontre avec cet album que les musiciens qui le composent sont avant tout des êtres humains. Se produire sur scène et sortir des albums des années durant avec la même dose d’ingéniosité et de succès constitue un pari insensé et inhumain. Résister physiquement et moralement à la pression des maisons de disques, des media et aussi, quelque part, des fans est un combat perdu d’avance. Se renouveler ou tenter de sortir d’un schéma prédéfini devient très vite source d’incompréhension. Je me rappelle avoir été peiné et interdit face à l’accueil hostile des medias et des « fans » alors que ma perception personnelle de cet album n’était pas aussi négative et virulente. Le plutôt bon côtoie parfois le très bon et, malgré une pointe de linéarité dans les compositions, ce disque reste d’une redoutable efficacité.
De plus, il fallait avoir une belle paire de couilles ou être complètement inconscient pour reprendre le micro laissé orphelin par l’archange tatoué. Brian Johnson tire son épingle du jeu une fois de plus et trouve son aise et sa place, sans pervertir le style qu’AC/DC endosse désormais.
C’était le temps où les jeunes loups de la NWOBHM et la Bay
Area montraient les crocs, celui durant lequel
Rising tombait le masque, celui durant lequel Lemmy éructait sur des mélodies de Robbo, celui des radios pirate en France qui diffusaient du
Hard Rock même Français, celui durant lequel Bowie, moins spider tout d’un coup, nous invitait à danser. Comme si le besoin de se renouveler devenait vital.
Alors que Jesse Garon nous confiait son envie de pipi seulement le lundi, nos 5 gaillards remettent le couvert et s’appliquent à offrir ce qu’ils savent mieux faire : du rock gras et alerte, du boogie, du blues. Avec l’envie d’intégrer les cordes de Brian au cœur de l’orgue d’Australie. Comme branchés sur du courant continu…
Le génie tatoué avait réintégré sa lampe de whisky tout en ayant exaucé les vœux de succès de ses compagnons de fortune. Là haut, au royaume des étoiles, celles qu’il confiait regarder briller dans le ciel sans se considérer comme une star du show business, il continue de veiller sur ce groupe qu’il contribua à porter sur les fonds baptismaux. Comme une main bienveillante désormais posée sur le front de son successeur.
I’m gonna ride on
Didier – Juillet
2012
C'est sans aucun doute l'album le plus sous-estimé du groupe, et je dois dire que je ne comprend vraiment pas pourquoi, car au vue de ces grandes qualités et de son sens incroyable du groove ce disque reste une référence dans la discographie des Australiens...
Pour commencer, je trouve l'artwork magnifique, très classe et épuré mais en parfaite adéquation avec le contenu de la galette, une de mes pochettes favorites pour être tout à fait franc.
Justement, le contenu de ce disque est d'une grande qualité, avec des perles du Hard-Rock comme l'éponyme "Flick Of The Switch" et le puissant "Brain Shake", sans oublier les rouleaux compresseurs que sont "Rising Power" et "Deep In The Hole".
Le petit plus de cet album c'est aussi sa diversité et son côté Rock'n'Roll des années 60', avec le redoutable "Badlands" et l'ultra groovy "Landslide", sans aucun doute mon morceau favoris...
Même si de légères répétitions font leurs apparitions au cour de l'album, comme sur "Bedlam In Belgium" par exemple, ce disque reste une valeur sûre dans la discographie du groupe Australien.
Son groove, sa puissance et son style unique font de "Flick Of The Switch" un album redoutable...
Note: 17/20
Pour faire cour ma 1ere ecoute des aussies c'est en 86 ou 87 sur le vinyl de mon oncle "dirty deeds..." ou squealer posa ses jalons musicaux que je nai plus quitté depuis. Mon 1er achat "razor edge" à sa sortie. Donc ce groupe c est 1 pan de culture musicale.
Je viens d acheter l'album en occasion ... j'avais lu tout et son contraire sur cet album...je ne trouve pas la 1ere ecoute aussi decevante que la 1ere fois que j ai ecouté "for those..." qui pour le coup m'avait blasé au plus haut point. Il m'aura fallu 5 ou 6 ans pour l apprecier...
"Flick...." est plus sauvage ou nature dans l'âme et ne merite pas le dechainement de critiques encore d'actualité. Les morceaux s'enchainent tres bien meme s'il y a deci-dela des petites faiblesses.
Il est temps de réabiliter cet album annoncant la dure periode des 80's pour les formations des 70's.
Pas le meilleur des autraliens mais tres honnete tout de meme!
Pour conclure Je suis sur que si le groupe sortait 1 album de ce calibre aujourd'hui, tout le monde s'en rejouierait.....
Beaucoup de monde on boycotté la période 83/88 des australiens ...(dommage ces albums sont de véritables petites pépites)...et pourtant la suite s'averera plus que décevante (les décennies 2000/2010)...et sans m'apesentir je citerai mechant : Je suis sur que si le groupe sortait 1 album de ce calibre aujourd'hui, tout le monde s'en rejouierait....
Très déçu à sa sortie, surtout après l'excellent "for those", cela fait presque 4 décennies que je retente régulièrement ma chance avec ce disque et j'ai enfin vu la lumière après avoir modifié l'ordre des titres, car attaquer la face A avec "rising power" me donnait à chaque fois l'envie de tout arrêter. Voici ma tracklist perso, si ça peut en inspirer d'autres :
1- guns for hire, 2- deep in the hole, 3 flick of the switch, 4-nervous shakedown, 5-landslide
6- bedlam in belgium, 7- this house is on fire, 8-rising power, 9- badlands, 10- brainshake
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