Il faut toujours penser à remettre les choses dans leur contexte d’époque. En ce qui concerne ce nouvel album de nos kangourous favoris enregistré aux fameux
Mountain Studios de Montreux, il arrive à un moment charnière de leur carrière.
Au creux de la vague après un «
Flick of the Switch » bien mal accueilli et une tournée mondiale à moitié boudée par le public, les Australiens sont les témoins privilégiés de l’apogée de la NWOBHM, de l’explosion du speed-metal made in San-Francisco Bay area et enfin du succès croissant du glam rock. Après un tryptique d’anthologie avec «
Highway to Hell », «
Back in Black » et «
For Those About to Rock », les vieux démons et les débats sans fin ressurgissent : la perte inestimable de Bon Scott (RIP) va-t-elle sonner le glas des espoirs du groupe, Brian Johnson est-il de taille à assurer le futur d’AC/DC, le départ en fanfare de
Phil Rudd n’est-il pas l’arbre qui cache la forêt ? Etc…
Alors que «
Back in Black » talonne le « Thriller » du
King of Pop dans les annales des meilleures ventes d’album de l’Histoire du disque, AC/DC ne se décide pas à splitter. A cette époque, beaucoup de fans attendaient un album de blues de la part des frères Young, de quoi se replonger dans les racines originelles du groupe et de laisser passer l’orage qui grondait au loin. Satisfaire les fans de la première heure était une option, AC/DC optera finalement pour une nouvelle autoproduction avec un album au titre aussi provocateur qu’inattendu «
Fly on the Wall » constitué de 5 titres sur chacune des faces.
Quelle mouche a bien pu les piquer ?
Certainement celle des critiques incessantes ou des craintes à ne pas les revoir offrir au public un album de la trempe de la période glorieuse. AC/DC fait du big rock bien gras, ne sait faire que ça, persiste et signe. Comme les Rolling Stones, le jeune dinosaure reste fidèle à ses principes et les applique sans aucun état d’âme.
Le line-up reste inchangé par rapport au précédent album. Hormis l’artwork pour le moins insipide du peintre Todd Schorr que l’on aura connu plus inspiré, la mise en son saute à l’oreille de l’auditeur averti.
Les vocaux sont mixés de manière approximative comme si le groupe voulait cacher l’objet du mécontentement. Parfois le chant de certains couplets s’avère bien clair («
First Blood », «
Danger », «
Sink the Pink » entre autres) mais la voix de Brian disparait sur les refrains sous une avalanche de chœurs et dans une purée suraigüe quasi inaudible. La batterie bénéficie d’un traitement de faveur et Simon Wright assomme ses peaux goulument même s’il s’avère assez souvent en décalage de tempo avec le fidèle Cliff Williams, groovy à souhait. Le mur de guitares si célèbre de Mutt Lange se fendille par endroit.
Angus nous offre des soli souvent trop brefs, en particulier sur la face 1, et le couple Malcolm/
Angus s’érige en véritable tête de gondole à la tonalité pour le moins abrasive et puissante.
Les boys règlent leurs comptes avec tout d’abord un «
Hell or High Water » de feu. En appui sur la grosse caisse, Simon expédie un beat énorme de batterie avant que les frangins Young ne tabassent un riffing à la « Fuck You All ». AC/DC est encore là, ça joue fort et ça cogne dans tous les coins. Le solo d’
Angus termine le travail sur un up-tempo combatif et à haute teneur en décibels. Son enchaînement avec «
Back in Business » n’est pas innocent. Sur un rythme à la
ZZ Top période
Eliminator, le feeling dégagé par le groupe sur le riff du refrain est aussi délicat que la nature des paroles. Même si le chant est mal mixé, ce titre n’en est pas moins costaud et direct, illuminé par un solo en toucher du diablotin
Angus.
Néanmoins, l’album se clôture sur un « Send for the Man » trop lent et un ton en dessous du reste des autres morceaux, malgré un énorme son de batterie, une basse de terrassier et des guitares particulièrement tonitruantes.
Dommage car la face 2 avait débuté sur un « Playing with Girls » qui réveillerait les morts. L’entame explosive de ce faux titre lent se poursuit dans un déluge de gros riffing et sur un tempo de damné soutenu par la gouaille de Brian, avant qu’
Angus n’atomise les enceintes sur un solo enfin déchainé. Cette belle attaque atterrit sur « Stand up », titre à part, flirtant entre boogie et blues. Oublions le refrain bateau et retenons le feeling tourbé des guitares et de la basse de Cliff Williams.
Angus s’amuse sur ses licks avec son frère Malcolm et nous offre un solo plus long, bien dans le ton de ce morceau à redécouvrir.
N’en déplaise à certains, la face 1 ressort du lot et débouche les cages à miel, malgré les imperfections sonores d’une production trop brouillonne assurée par le groupe.
On y retrouve les ingrédients habituels du combo Australien. Le title track par exemple fait la part belle à un riffing de rasoir aiguisé à l’extrême et un son de basse, véritable poumon du groove de ce mid tempo guerrier. Le chant sacrifié par un choix inopportun, Simon Wright martèle de manière moins métronomique que son glorieux ancien derrière des chœurs bien plus en voix. La frappe de mule du jeune Britannique éclabousse comme le riff archi gras et collant des Young brothers un « Shake your Foundations » au titre annonciateur d’un tremblement de terre. Ce tsunami aurait atteint son but si le refrain trop prévisible avait été passé quelque temps à un régime multivitaminé.
La caisse claire subit à nouveau un supplice de premier choix sur un «
Danger » lent comme un
Black Sabbath trempé dans le bourbon et le blues. Le riffing énorme assèche l’espace et le chant surnage presque, malgré un traitement peu propice à le ménager. Bref solo en toucher d’
Angus qui nourrit la dent creuse de ses fans transis.
Pour finir, AC/DC expédie deux jolies pièces d’artillerie avec un «
Sink the Pink » aux sonorités de l’époque des canons de «
For Those About to Rock ». L’attelage royal Malcolm/Cliff suit le sillon tracé par Simon Wright sur ce mid tempo au refrain entrainant malgré un solo d’
Angus genre Finger de Cadury, trop court pour satisfaire notre appétit d’ogre. Avec un riff en doublette comme à la grande époque, «
First Blood » déboule avec sa section rythmique concise et sèche. Enfin, Brian bénéficie d’un chant clair et chargé d’humour avant de disparaitre en partie sous les chœurs. Signalons la basse atomique de Sir Cliff Williams à la sortie des refrains. Sur un faux air de « Given the Dog a Bone »,
Angus surgit de sa boite pour nous planter un solo hors normes.
Près de 30 années plus tard, cet album correspond plus à un gigantesque bras d’honneur des boys aux critiques stériles qu’à une pierre angulaire de la discographie du groupe. Il mérite pourtant une écoute moins passionnée et intransigeante qu’à l’époque des discussions enflammées sur l’avenir d’AC/DC. La bande des frères Young annonçait sa non capitulation et il n’y avait finalement pas de quoi sortir la tapette à mouche. Encore alerte et agile, la drosophile du bush allait à nouveau faire parler d’elle.
Didier - mai 2013
Back in Business again…
Je continue ma remonté des 80's avec cet album lui aussi battu en brèche,et descendu en flamme....
Comme pour son prédécesseur , je dois etre bon public car à la 3e écoute, mon analyse est des plus simple AC/DC vient de livrer 1 honnete album avec ses bons et ses tres bons morceaux et ses titres de "remplissage". La prod est peut etre pas la meilleure mais franchement c est pas non plus la mort!
Là aussi je reste sur la même logique, s ils venaient à livrer un album de la sorte les aussies regaleraient leurs fans...
D ailleurs je suis surpris qu' ils aient eradiqué certains morceaux de leurs lives car hormis "for ...."et" black...." silence radio sur le reste....alors qu ils pourraient donner 1 deuxième vie à ces grands oubliés pour notre plus grande joie.
D'accord avec toi sur le fait qu'il est dommage qu'ils n'aient pas profité d'un live pour redonner leur chance à quelques bons titres de cet album, à la prod très spéciale.
si seulement le groupe pouvait se décider à acheter les masters de cet album pour nettoyer cette horrible réverb et proposer le son qu'il mérite. Idem pour "blow up..." . Avec la technologie actuelle cela doit être largement faisable.
oui un des albums mal jugè a l epoque , un re-edited avec un remix de la voix serais le bien venu , car j adore le boulot de Simon Wright sur cette album.
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