L'exercice consistant à rédiger un texte dont le but est de décrire une œuvre, doit nécessairement s'assujettir du minimum d'objectivité minimal pour prétendre à un quelconque intérêt. Mais parfois les chroniqueurs que nous sommes faillissent dans cette noble tâche. En effet, nous ne parvenons pas toujours à prendre suffisamment de hauteur par rapport à nos ressentis et nous alourdissons alors chaque mot que nous écrivons d'un peu trop de nous-mêmes. Et les textes ainsi composés en deviennent forcément moins attrayants pour ceux qui ne trouvent pas d'écho dans ce fanatisme incontrôlé qui nous guide. Parfois l'impartialité glisse donc sur nous et nous nous mettons à aimer des albums en dépits de tous leurs défauts. Souvent, aussi nous aimons, pour de très mauvaises raisons. Mais nous aimons. Car nous sommes humains.
Eat the Heat est un album dont les imperfections sont connues. Elles ont longuement été discutées en d'interminables débats dans lesquels chacun s'est exprimé sur cette orientation musicale que les Allemands d'
Accept ont tenté d'y défendre. Chacun a pu aussi déverser son flot d'amertume sur ces douze titres,
Hard Rock aux effluves Heavy et aux arômes mélodiques très prononcés, formatés pour le marché américain dont les goûts pour des sonorités moins âpres et moins crues, sont notoires. Chacun a pu également s'indigner de la présence de David
Reece dont les capacités vocales, en adéquation avec cette nouvelle volonté musicale, ne sont, bien évidemment, pas celle de l'excellent Udo
Dirkschneider partis poursuivre sa route seul, échaudés par cette nouvelle musicalité trop mélodieuse dont il n'était, à priori, pas vraiment partisan.
Une fois la liste, non exhaustive, de ces tares, faite, convenons que cette œuvre aura d'abord pâti de la réputation d'un
Accept connu, surtout, pour être l'un des pères fondateurs de la scène Heavy
Metal allemande. Et qu'assurément
Eat the Heat n'est pas un album défendant cette tradition saxonne de ce Heavy
Metal là.
Tentons maintenant, exercice difficile s'il en est, de faire abstraction du passé de ces chevaliers teutoniques. Et plus dure encore, tentons d'oublier complètement
Accept. Considérons donc dès à présent cet album comme celui d'un groupe lambda. Que reste-t-il alors? Dans l'absolu, un excellent disque de Heavy mélodique, aux relents
Hard Rock, dans lequel le groupe fait preuve d'une inspiration assez convaincante.
De plus, concernant les performances honteuses de David
Reece, le sont-elles réellement?
Pas nécessairement si l'on poursuit dans cette optique d'oubli de qui est responsable (coupable, diront certains) de ce manifeste. De plus que peut-on vraiment lui reprocher concernant une nouvelle orientation musicale choisie par le groupe lui-même ? Et, une fois encore, les détracteurs de cette œuvre seraient-ils aussi virulents avec celle-ci si elle n'avait pas été celle de
Wolf Hoffman et de ses complices ?
Pas sûr.
L'hérésie est proche. Le moment où la partialité de votre humble serviteur osera enfin franchir le mur immense de cet opprobre érigé devant ce honteux
Eat the Heat est là. Les limites seront irréparablement franchises lorsque les mots seront écrits. Lorsque j'aurais noirci cette page d'un "j'aime beaucoup ce
Eat the Heat".
Oui, j'aime cet
Eat the Heat. Oui, les constructions à la fois mélodiques et à la fois âpres, car même si nous sommes ici loin tout de même de la brutalité des grandes heures d'
Accept les riffs restent suffisamment incisifs, de certains de ces superbes titres me ravis (XTC,
Generation Clash,
Chain Reaction, Love Sensation, le remarquable
Hellhammer au break magnifique, Break the Ice ou encore, par exemple, D-Train).
Et en admettant, effectivement, que des morceaux tels que I Can't Believe in You,
Mistreated ou encore Stand 4 What U R, soient trop harmonieux; ils ne le seront que si l'on envisage ces chansons comme des titres d'
Accept. Dès lors que l'on s'affranchira de ce joug mental, le plaisir sera présent.
La conclusion de cette démonstration partisane s'impose donc d'elle-même.
Eat the Heat est un très bon album, mais trop peu conforme à la personnalité attendue par les adeptes de ces saxons pour réellement les séduire. Et l'on sait que la colère née d'une frustration est tenace.
La suite de l'histoire de ces saxons, certes, plus conformiste mais nettement plus médiocre à l'aune d'opus aussi indigents qu'
Objection Overruled,
Death Row ou encore, par exemple,
Predator; pourrait même, ô cruelle hérésie, nous pousser à penser que cet
Eat the Heat, après tout, n'était pas si mal, même pour du
Accept. Mais n'allons pas trop loin.
Au final l'album nécessitera donc un effort considérable pour être apprécié à sa juste mesure puisqu'il faudra le voir comme une œuvre détachée de toute parenté et de toute histoire. Or les défenseurs du traditionalisme à l'allemande ne sont pas nécessairement réputés pour être d'un grand progressisme.
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