Ce qui est chouette avec
Accept, c'est qu'on n'est jamais déçu (ou rarement).
Ce qui est dommage avec
Accept, c'est qu'on n'est jamais surpris (ou rarement).
“
Blind Rage”, offrande 2014 du célèbre groupe allemand, vient plus que jamais confirmer l'audacieux axiome énoncé ci-dessus.
Depuis sa résurrection inespérée en 2010 avec l’excellent “
Blood of the Nations”,
Accept, dont tout le monde prédisait la mort à petit feu suite au départ définitif d’Udo
Dirkschneider, est revenu sur le devant de la scène. Le nouveau chanteur, l’américain Mark Tornillo, a contre toute attente déjoué les prognostics, apportant au groupe une appréciable dose de sang neuf et réussissant l’exploit de se faire immédiatement
Accepter (sans jeu de mot) même par les fans les plus durs. Charismatique, puissant, à l’aise sur les anciennes compositions et tonitruant sur les nouvelles, le petit bonhomme n’aura certainement pas été le moindre des artisans du redémarrage de la machine. “
Stalingrad”, en
2012, est venu confirmer ce renouveau, même si l’effet de surprise était évidemment moindre.
Or donc, voici que déboule dans les bacs ce “
Blind Rage” au titre plein de promesses, après un nouveau laps de deux ans (nos allemands sont décidément réglés comme des horloges suisses !). La pochette, affichant un magnifique taureau écarlate tout droit sorti des enfers, confirme que ça va secouer sec, et c’est donc en confiance que l’on presse la touche “Play” de son lecteur CD/platine vinyle/lecteur MP3, ou tout autre dispositif actuellement en vogue.
Et là, il faut le reconnaître, on n’est effectivement pas déçu : après un ”
Stampede” déboulant comme un troupeau furieux (premier single de l’album), les titres défilent dans une cohérence parfaite, alternant tempos rapides et rythmiques lourdes et martiales, toujours avec un sens de la mélodie certain, véritable marque de fabrique de nos teutons depuis maintenant plus de trois décennies. “
Dying Breed”, mid-tempo puissant gorgé de références à la gloire des pionniers du
Metal (bon, ça commence à ne plus être très original, mais ça amuse toujours le fan qui cherche à retrouver toutes les citations), “
Dark Side Of My
Empire”, qui ne n’est pas sans rappeler les vieux morceaux du groupe, le mélancolique et pessimiste ”
Fall Of The
Empire” et ses chœurs graves… “
Trail Of Tears” (sur l’épisode déjà maintes fois rebattu de la “piste des larmes”, tragique événement de l’histoire américaine qui conduisit à l’exode de 18 000 indiens Cherokees dans des conditions inhumaines) repart sur une bonne cavalcade à la double pédale, avant ce qui est certainement l’un des meilleurs morceaux du disque, “Wanna Be Free”, véritable hymne à la liberté accompagné des traditionnels chœurs en backing vocals. “200 Years”, nouveau titre sombre sur une galette qui décidément ne brille pas par son optimisme, nous emmène deux siècles après la disparition de l’Homme, sur une planète enfin débarrassée de cette race de singes nus et vicieux qui lui aura fait tant de mal ; classique et efficace, c’est une chanson qui ne paye pas de mine sur disque, mais qui pète bien en live. “
Bloodbath Mastermind”, comme son nom le laisse supposer, est une nouvelle tuerie carrée et agressive, avant que ne s’enchaînent “
From The Ashes We Rise” et ”The
Curse”, deux titres plus posés, mais mélodiques et intenses sur lesquels la voix écorchée de Tornillo fait des merveilles. Enfin, “Final
Journey”, ultime morceau aux accents Speed
Metal aussi efficaces que dévastateurs, vient clôturer ce nouveau chapitre de l’impressionnante carrière des teutons.
Néanmoins, malgré toutes les excellentes compositions qui le constituent, “
Blind Breed” laisse un petit goût de frustration au terme de son écoute. Pourquoi, puisque la production déchire, que les titres ont tous la pêche, que le trio
Wolf Hoffmann/Peter Baltes/
Herman Frank n’est jamais pris en défaut, épaulé par la batterie toujours aussi efficace d’un Stefan Schwarzmann désormais totalement intégré au line-up, et que la prestation de Mark Tornillo, comme dit précédemment, ne souffre d’aucune critique ? Hé bien, tout simplement parce que ce nouvel album, malgré ses montagnes de qualités, ne renferme aucune surprise et s’avère finalement fort routinier. Ho, certes, ce n’est pas forcément un défaut, puisque nous sommes là en présence d’une démonstration magistrale de Heavy
Metal dans la plus pure tradition, mais il faut bien reconnaître que chaque titre, pris individuellement, pourrait être extrait de l’album et réinjecté au hasard dans n’importe lequel des deux précédents sans que cela ne change grand chose. De plus,
Accept n’hésite pas, à certains moments, à s’auto-cannibaliser et à recycler des idées déjà exploitées par le passé : “
Stampede” rappelle ainsi très fortement “
Hung, Drawn and
Quartered”, qui ouvrait également leur précédent disque, le riff de “
Dying Breed” n’est qu’une simple variante de celui de “
Teutonic Terror”, “Final
Journey” évoque immanquablement “No
Shelter”, quant au riff de “
Dark Side Of My
Empire”, c’est carrément un copié-collé éhonté de celui de “
Up to the Limit”. Même l’idée du thème classique passé à la moulinette
Metal (“
Metal Empire”, “Pomp and Circumstance”, "Sodom & Gommorra"...) refait son apparition, le solo de “Final
Journey” reprenant “Au Matin” de la pièce “Peer Gynt”, mise en musique par le compositeur Edvard Grieg en 1876.
Alors certes,
Accept, méprisant les modes et les tendances, continue à faire du
Accept, et il le fait très, très bien. "
Blind Rage” est sans conteste une nouvelle pierre solide dans l’édifice que le groupe construit à la gloire du Métal depuis le début de sa longue carrière, et les fans lui réserveront à n’en point douter un accueil enthousiaste. Pourtant, une once d’originalité aurait certainement été la bienvenue, au risque de voir le combo retomber à terme dans une routine qui, dans les années 90, avait déjà failli avoir sa peau. Alors espérons que les erreurs d’autrefois sauront être évitées à l’avenir, et qu’
Accept, pour son prochain disque (2016 donc ?), saura s’aventurer sur des terrains un peu plus audacieux. En l’état, “
Blind Rage” demeure un très bon album, auquel j’aurais volontiers mis un bon 17/20 s’il avait été le fruit de n’importe quel autre groupe. Or, justement,
Accept n’est pas n’importe quel groupe et c’est pourquoi, compte tenu du talent et des capacités des musiciens qui le composent, je lui administrerai un intransigeant 15/20. Mais je suis bien sévère !
En outre, cet album demeure selon moi du pur Heavy Metal (le terme Hard Rock me sembant davantage correspondre à des groupes comme AC/DC, Blackfoot, Thin Lizzy, Led Zep', voire ZZ Top ou Whitesnake). Enfin, les étiquettes et les sous-genres, hein… ;)
Oui tu as peut etre raison, ça sonne peut être trop heavy classique alors, c'est pour ça que j'ai un peu de mal avec ce disque, c'est à cause des deux album qui nous ont livré avant, je trouve qu'il y'a une baisse de régime sur ce Blind Rage, après c'est un point de vu bien personnel ;)
Album classiquement efficace mais sans surprise....
Au mot près, je n'aurai pas décrit autrement mon ressenti quant à l'appréciation et qualités de ce troisième méfait de l''ère Tornillo.
Superbe rédaction, pour une toute aussi superbe chronique/ Bravo !
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