Un chemin long et tortueux. Il était annoncé, prévu et attendu de chacun, tout du moins artistiquement parlant, puisque le brutal chamboulement de personnel ne sembla à aucun moment ébranler le roc que fut devenu
Dream Theater après vingt ans.
Un édifice monstrueux et, quoique l’on puisse en dire, indispensable au paysage musical des années 90 sans qui une grande partie de la scène actuelle n’existerait pas.
Cependant, bien que la dernière tournée fut, une fois de plus, à créditer d’un immense succès d’estime autant que d’un aspect strictement pécuniaire, la sortie du très contesté "
A Dramatic Turn of Events" laissait présager un monstre appartenant désormais au passé, apte à vivre sur une carrière si remplie et élogieuse que le futur n’était désormais plus qu’une formalité administrative, afin de proposer de la nouveauté comme seule excuse et non volonté artistique. Sans son mentor et créateur Mike Portnoy,
John Petrucci n’avait jamais paru si petit,
Jordan Rudess perdu face à l’immensité de son talent et Labrie étouffé par une nouvelle pression, désormais définitivement seul derrière le micro (Mying restant aussi discret qu’à l’habitude). Mike Mangini, aussi bon techniquement qu’il était, n’était encore qu’un interprète, et le fond du dixième album laissait surtout une cruelle sensation de vide, d’essai infructueux et un manque d’impact assez incroyable pour un groupe de cette envergure.
Dès lors, l’annonce d’un album éponyme, signe avant-coureur d’un retour aux sources assumé par le groupe, ne laissait pas forcément présager grand-chose de bon. Les titres sont courts (six/sept minutes pour
Dream Theater, c’est aussi court que deux minutes trente chez
Slayer), une unique grande pièce épique de vingt-deux minutes, un artwork étonnamment sobre en symbolique et en couleur. Rien n’y faisait : l’inquiétude laissait place à la résignation. Rien, c’était sans doute ce qu’il fallait attendre de
Dream Theater.
Les premières écoutes donnent d’ailleurs raison. Des riffs qui apparaissent comme passe-partout, une fausse influence d’"
Images and Words" par la compacité des compositions, des soli si peu flamboyants qu’ils en sont presque inaudibles au début (y en a-t-il vraiment est la question que l’on se pose après avoir écouté l’album, ô grand sacrilège du Saint Petrucci) et un "
Illumination Theory" imbuvable ne laissant absolument pas une impression d’envergure après ce premier jet auditif. Mais, qu’à cela ne tienne, nous parlons tout de même de
Dream Theater et la curiosité maladive de l’admirateur tente de percer le secret, de plonger dans un album ne pouvant être si fade, de comprendre les motivations d’une entité si existentielle.
Puis le temps fait son œuvre…
Les compositions prennent de l’épaisseur, l’interprétation joue un rôle plus déterminant que jamais, la richesse des titres n’est plus à trouver dans le nombre de notes débité à la seconde ou le plan le plus alambiqué à jouer. Et on en vient à penser que
Dream Theater a peut-être touché du doigt une émotion qui lui pendait au nez sans jamais tomber sur le précédent opus. Sans pour autant combler toutes les lacunes initiales, "
Dream Theater" parvient pourtant à parfois surprendre, à entrainer, et même à se montrer remarquable, malgré l’absence volontaire de « killer riff » ou autre partie soliste de folie. Même si on regrettera l’absence encore trop flagrante de
Jordan Rudess dans l’élaboration des compositions (entre ses arrangements symphoniques douteux ou ses soli partiellement ratés utilisant des sonorités décevantes, le temps des fabuleux sons de "
Train of Thought" ou "
Octavarium" semble si loin…), il faut noter le travail remarquable abouti par
John Petrucci pour enfin proposer de véritables mélodies simples et belles, pondant même certaines de ses parties les plus belles depuis des années.
Il est indispensable d’évoquer le cas de l’énorme "
Enigma Machine" (premier instrumental depuis le fabuleux "
Stream of Consciousness"), incroyable de bout en bout, effroyablement technique mais toujours musical, laissant exploser toute l’intelligence de Mangini derrière les futs (son jeu de toms est juste terrifiant) et surtout l’intensité des guitares, notamment aux alentours de la cinquième minute, où Petrucci livre l’une de ses créations les plus géniales depuis des années (une partie au tapping sur un rythme démentiel imposé par la double pédale de Mangini). On notera également des nappes de claviers n’étant pas sans rappeler "The Shattered
Fortress".
Si on regrettera l’inutilité complète de l’introduction symphonique de l’album, impossible de ne pas succomber à l’attaque progressive complètement jouissive de "
The Enemy Inside", tel un poing en pleine face avec ce riff en contre-temps énormissime, ces nappes de claviers discrètes mais très imposantes (c’est finalement dans cet exercice que Rudess est le plus convaincant désormais) et surtout les parties vocales très réussies d’un James Labrie revivant depuis ses escapades en solo. Sans forcer, toujours très mélodique (le penchant agressif de Portnoy manquant parfois néanmoins), il capte la force et l’intensité des riffs pour lui donner une voix, une identité. La fluidité et la technicité de Mangini est véritablement folle, tant et si bien que l’on remarque immédiatement son impact dans la composition, les soli tournant généralement autour de lui, avant qu’ils viennent se greffer sur les riffs. Bien évidemment, nous parlons en préambule de compositions plus simples et ces deux titres cachent quelque peu la forêt puisque ce sont bien "Behind the
Veil", "The Bigger
Picture" ou "The
A Dramatic Turn of Events" qui représentent ce onzième album.
Plus aéré, très mélodique, quasi ambiant, les flamboyances des musiciens passent derrière des morceaux tantôt féériques ("Behind the
Veil"), mélancoliques ("Along for the Ride", renvoyant à "
Octavarium", la magie en moins) ou plus introspectifs avec notamment le merveilleux "The Bigger
Picture", sûrement le titre calme le plus beau de l’album. Là où certains trainent sensiblement en longueur (malgré des temps de jeu réduits, notamment sur "
Surrender to
Reason", ne se trouvant jamais d’âme entre ballade et passages syncopés sans valeur), celui-ci prend aux tripes dès les premiers instants, jusqu’à un refrain magnifique semblant si niais au début mais pourtant si viscéral après quelques écoutes, surtout les reprises vocales pleines de tripes juste après les refrains. Les riffs montent en puissance au fil du titre, les parties de piano sont belles à mourir et cette intelligence de jeu dans le placement des breaks et des descentes de toms de Mangini en fait de véritables pépites à chaque instant. On ne pourra que retenir un solo de guitare d’une beauté effarante, très simple et emplie d’un feeling que Petrucci ne sort que trop rarement, abandonnant le shred au profit d’une émotion pure et simple.
Le temps passe. Les avis changent. "
Dream Theater" (l’album) prend de l’épaisseur et de la maturité, révélant encore plus intensément toutes les carences d’un précédent opus vraiment trop bancal pour perdurer dans le temps. Même si les premiers opus ou encore la première triplette des années 2000 semble inatteignable, les Américains délivrent certaines compositions très abouties qui ne feront que rendre encore plus difficiles les prochaines setlist à établir. En revanche, si une chose ne change pas, c’est l’incompréhension que procure l’écoute répétée de cet "
Illumination Theory" de vingt-deux minutes qui aurait mérité d’en faire moitié moins.
Moitié moins, car
Dream Theater y montre ici deux visages. Les dix premières minutes témoignent d'une vaine escalade technique vers un néant créatif consternant, où se succèdent des plans invraisemblables sans une once de cohérence (toutes les chutes de l’album semblant se trouver dans les quatre premières minutes). Labrie n’est pas très convaincant au début, sauvé par une intervention symphonique étrangement neutre, sans émotion, creuse. Le titre s’enfonce dans son propre naufrage…onze minutes ont passé. Mais Mying n’en reste pas là et sonne la révolte d’une ligne de basse renversante, sur laquelle Labrie va venir s’envoler littéralement avec l’arrivée d’un riff syncopé et jouissif (n’ayant, clairement, rien à voir avec le reste mais changeant complètement le visage du titre). L’horizon s’obscurcit, la mélodie vocale est superbe, on retrouve, comme par magie, le jeu fantastique de Rudess dans des parties décomplexées de claviers ahurissantes, mises en orbite par des parties de batterie absolument dantesques d’un Mike Mangini impérial et juste bluffant. La partie solo rappelle d’ailleurs beaucoup l’époque de "
Train of Thought" (notamment "My
Dying Soul" ou "
As I Am"), que ce soit pour Petruci ou Rudess, rivalisant tous deux d’ingéniosité pour nous mettre à leurs genoux. Un titre finalement à l’image de l’album, scindé en deux, avec du bon, du moyen et du terriblement
Excellent.
Dream Theater repart sur de nouvelles bases, avec des idées moins démonstratives et plus émotionnelles, forçant parfois le talent comme pêchant parfois sur d’étranges erreurs de jeunesse. Il est l’image d’un groupe en reconstruction, retrouvant peu à peu son firmament, capable de délivrer une perle inestimable comme une partie plus indigente la seconde suivante. Mais aujourd’hui, il est clair que le chemin pris par le groupe est le bon, celui du renouveau. Mieux, d’une renaissance.
Je ne ressens aucune émotion en écoutant ce disque.
Le batteur tabasse dur - j'ai même l'impression que taper juste est confondu avec taper beaucoup et fort.
Riffs récurrents, mélodies convenues et fades... Le groupe tourne aux taquets mais c'est pour jouer quelque chose d'assez creux.
DM n'est plus ce qu'il était et je suis lassé par ce manque d'inspiration chronique que la forme surjouée ne camoufle plus.
Désolé si je choque la majorité d'entre vous mais je trouve que ce disque n'arrive pas à la cheville de ce qu'ils ont écrits dans les années 90.
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