Au moment où vous lirez ces lignes, les principaux intéressés (vous, en l’occurrence, puisque vous semblez vous intéresser à
Distance Over Time) aurez déjà écouté, jugé, disséqué peut-être bien...enfin vous aurez déjà parcouru de long en large le nouveau-né des créateurs du prog tel qu’il est l’archétype.
Alors, finalement, à quoi est-ce que je sers ?
Pas à grand-chose réellement mais il m’était impossible, une fois de plus, de me taire face au 13e album studio du groupe, lui qui peine tant à retrouver son brio depuis le départ de son mentor, maitre à penser, compositeur, producteur, âme...je parle évidemment de Mike Portnoy. Si certains (beaucoup ?) diront que le temps a désormais fait son œuvre (ce qui est vrai, puisque Portnoy a sorti un énorme disque de prog l’année dernière avec son Sons of Apollo) et que ressasser le passé est inutile, il faut tout de même avouer que depuis "Black
Clouds and
Silver Linings", le temps nous semble bien long ...
"The Astronishing", très ambitieux double disque conceptuel, avait sorti la grosse artillerie dans sa dimension artistique (un scénario complet, une multitude de personnages, des tonnes d’intermèdes, une tournée avec un orchestre ...) mais tout cela semblait bien peu quand on s’enquillait un album maladroit, boursouflé et bien loin de l’inspiration d’antan. Si l’album éponyme retrouvait du souffle, "The Astronishing" n’avait fait que raviver des doutes si la capacité de
Dream Theater a survivre sur le long terme avec uniquement
John Petrucci aux manettes, costume peut-être un peu trop grand pour lui. "
Distance Over Time" arrive donc avec son lot de curiosités et de questions, notamment sur sa direction musicale puisque d’expérimentations et de réelles nouveautés, nous n’en attendons plus. Après 30 ans, il faut avouer qu’il y a un moment que lorsque l’on souhaite écouter un disque de DT, nous nous retourner vers les heures glorieuses plutôt que le passé récent. Ainsi va la vie d’un artiste existant depuis si longtemps ...
Alors ? Qu’en est-il ? Pan !
Antithèse de son prédécesseur, l’album renoue avec les heures sombres (musicalement j’entends) et lourdes de "
Train of Thought" ou "
Systematic Chaos". Petrucci a baissé d’un bon ton et demi sa guitare, les riffs sont à la base des compositions, les claviers sont en retrait (on en viendrait presque à se demander si c’est un mal tant j’ai du mal avec Rudess depuis trois albums) et la durée des titres s’est considérablement réduite (pas un seul titre n’atteint les dix minutes, un miracle !). Un mal ? Un bien ? A vous de juger !
Objectivement, "
Distance Over Time" est probablement l’opus le plus solide et proche de ses racines depuis dix ans, sans pour autant qu’il soit uniquement tourné vers le passé. On sent bien que Petrucci a été influencé par le djent et la nouvelle vague des guitaristes à huit-cordes puisque beaucoup de riffs contiennent bien moins de notes que par le passé, leur conférant un aspect moderne et rentre-dedans évident.
"
Paralyzed" est typique de ce phénomène. Quatre minutes, une intro qui se plie en 30 sec mais tout en puissance (quel délice !) pour accoucher sur un riff terrible de puissance et de lourdeur, entre les fréquences graves de Petrucci et la basse vrombissante de Myung. L’énigme restera plutôt James Labrie, qui semble ne plus en pouvoir et se cache malheureusement derrière un autotune constant et un reverb impressionnante sur le refrain et le pré-refrain, laissant craindre le pire pour le
Live. Pourtant, la ligne vocale est intéressante, sobre et colle parfaitement avec le reste...c’est plutôt le rendu lisse et sans émotion qui surprend, retravaillé à l’extrême. Petrucci livre un magnifique solo, planant et aérien, un peu dans l’esprit de "
Octavarium", pendant que Mangini se veut simple et efficace comme rarement.
Ce qui est certain, c’est que les guitares ont totalement repris le contrôle. "Room 137" est guidé par un riff étouffant, épaulé par les claviers bizarroïdes de
Jordan Rudess mais qui se veulent bien plus cohérent avec l’ensemble, le gentil barbu ayant (un peu) abandonné sa banque de sons vintage pour un rendu plus moderne. Labrie est encore noyé dans les effets mais, une fois les premières écoutes gâchées par cet état de fait, on n’y fait beaucoup moins attention ensuite (ça fait un moment qu’il n’est plus la raison pour laquelle on écoute le groupe de toute façon). "S2N" continu de nous assommer avec son riff complexe et sa rythmique invivable (là, Mangini fait vraiment peur !) mais un côté plus old school, côté confirmé par un "
Fall into the Light" à l’intro très 90s, faussement simple qui s’étoffe pendant deux bonnes minutes, avant que Mangini ne mette tout le monde d’accord sur un pattern de caisse claire assez fou. La composition, ponctuée de piano, de nombreux breaks et de multiples cassures, reste pourtant digeste et simple d’accès, comme à l’époque aurais-je presque envie de dire. Idem pour la majestueuse "At Wit’s
End", plus shred dans le rendu (Petrucci et ses multiples descentes de gammes, formant la base du titre), aux multiples couches et aux allers-retours incessants dans ses thèmes musicaux. Voilà des titres qui renouent avec les bases de
Dream Theater, ses racines et ses convictions, sans la niaiserie de "The Dramatic Turn of Events" ou la démesure creuse et mégalomaniaque de "The Astronishing". Quand j’écoute ce break tout en poésie, sur lequel Labrie s’envole avec Petrucci derrière tout en sensibilité, j’ai presque envie de dire qu’"
Images and Words" n’est pas si loin, même si ce n’est que pendant de fugaces instants.
A côté de cela,
Dream Theater termine son album de façon plus expérimentale, avec un "
Pale Blue Dot" aux allures clairement djent (ce riff principal entre le dernier
Adagio et
Periphery par exemple), saccadé et accompagné par une batterie à contre-temps injouable. Technique à l’extrême, le quintette rappelle aussi qu’il est le maitre d’une certaine démonstration, comme à l’époque d’un "
Systematic Chaos" qui avait été beaucoup décrié à l’époque pour un côté froid et technique très prononcé. Il prête d’ailleurs à sourire que l’album se termine (excepté le bonus) par le morceau le plus technique mais s’ouvre par l’une des compositions les plus accessibles et facilement identifiable, à savoir "
Untethered Angel" et son intro acoustique, son riff mid-tempo et sa rythmique très groovy propulsant un refrain très simple à retenir et chanter.
Un alpha et un omega permettant à la fois de rassurer sur ses capacités et de se permettre d’apporter des choses toujours nouvelles, malgré le temps, les difficultés et les montagnes de compositions déjà écrites. Difficile à dire ce que le temps réservera à "
Distance Over Time" mais il est le meilleur album, le plus pur et inspiré depuis le départ de Mike Portnoy. C’est déjà beaucoup. Et c’est finalement suffisant quand on s’appelle
Dream Theater.
A force de l'écouter en stream, j'ai fini par l'acheter en cd. Jusque là, plein d'aspects de DT me rebutaient et je lâchais très vite. Avec cet album un peu "back to basics", tout en étant assez moderne, j'ai ENFIN pu rentrer dans l'univers de DT sans avoir envie de me casser à cause de la surenchère de fioritures.
Déjà, je trouve le son très bon, la batterie très en avant, bien soutenue par la basse, n'est pas pour me déplaire, ça ajoute du punch. Mais c'était limite, un poil plus et c'était déséquilibré. C'est un album de riffs, presque plus du prog si on enlève les envolées ça et là. Mais des très bons riffs, c'est direct , efficace, cohérent.
Même le chant est passé pour moi, il faut dire que tout le monde a tellement chié sur la tête de ce pauvre Labrie que je m'attendais à pire. Certes, c'est plein de fond de teint au mixage, mais ça va avec le reste, et la sobriété lui va mieux. Enfin, si Dream Theater se dégote un chanteur à sa mesure, ça sera un sacré bon en avant...
Du coup, ça me donne envie d'en écouter d'autres, s'il en a dans cette veine plus sombre et efficace.
J’aime beaucoup cet album, je le trouve terrible de bout en bout. Ecoute TRAIN OF TOUGHT, BLACK CLOUDS, ils devraient te plaire je pense, des tueries finies. Après les plus vieux et classiques AWAKE, IMAGES AND WORDS, METROPOLIS PART 2. Commence par ça déjà, puis tu remonteras le temps ensuite tranquillement. Voilà JEANEDERNDESECRATOR.
Merci pour les conseils, davidbordg, j'avais déjà écouté Metropolis Pt2 .pas trop accroché. Train of Thoughts est bien pechu et fait la part belle au jeu de batterie de Portnoy, mais boudiou, même Labrie chante comme Hetfield ! Je vais rester un peu sur celui-là avant d'écouter un autre.
En tout cas, belle surprise que ce "Distance...", d'autant qu'il me semble moins touché par le syndrome de la repompe.
Je suis totalement d’accord avec toi. Effectivement celui-ci vient de sortir et il est très très bon. Donc profite en bien. Prends ton temps. Et diantre la basse de MYUNG on l’entend très très bien sur ce nouvel album.
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