Que ferions-nous dans un monde sans musique ? Personne ne le sait. Sans doute pas grand-chose. L'homme perdrait là l'une de ses meilleures façons de s'exprimer. Mieux vaut ne pas imaginer un monde sans musique. C'est pourtant dans un monde comme celui-ci que se déroule l'histoire de «
The Astonishing », treizième album des maîtres américains du
Metal progressif. Ce qui est sûr, c'est que cette nouvelle offrande, découpée en deux actes – 34 titres et deux heures dix de musique ! - a et aura encore longtemps une place à part dans la discographie du groupe. Le concept et l'histoire, imaginés par le guitariste virtuose
John Petrucci, sont très ambitieux, et rappellent évidemment l'
Excellent «
Scenes from a Memory » ou encore le titre fleuve «
Six Degrees on Inner Turbulence » présent sur l'album éponyme. Après deux albums que l'on pourrait qualifier de « classiques », faisant suite au départ de Mike Portnoy, le groupe américain a opté pour quelque chose de plus grand, de différent, en prenant énormément de risques. Il est maintenant temps de se plonger corps et âme dans ce voyage unique…
Dans «
The Astonishing », nous nous retrouvons projetés en 2285, une ère où la musique véritable a disparu, remplacée par celle, robotique et dénaturée, des NOMACS, sortes de drones sphériques qui n'ont pas l'air très fréquentables (la pochette de l'album le prouve aisément). Les États-Unis sont devenus le Great Northern
Empire of the Americas (G.N.E.A), dirigé d'une main ferme par
Lord Nafaryus, un tyran avide de pouvoir et oppressant ses citoyens. Dans le petit village de Ravenskill se trouve un homme doté du don de la musique, Gabriel, considéré par ses pairs comme le sauveur qui leur permettra de vivre une vie meilleure. Son frère Arhys, leader de la Ravenskill Rebel Militia, voit en lui l'opportunité de la Révolution contre la famille impériale et les NOMACS. Si vous souhaitez parfaire votre connaissance de l'histoire de «
The Astonishing », sorte de réécriture de « Hunger Games », voire même de «
Fahrenheit 451 » (où la nourriture et les livres sont remplacés par la musique), n'hésitez pas à vous rendre sur le site dédié à l'album. La musique prend une toute autre dimension quand l'on comprend tout ce qu'il se passe !
L'album débute par l'intrigant « Descent of the NOMACS », représentant la seule musique que connaissent les populations de l'
Empire. Il y a trois autres interludes de ce genre : « The Hovering Sejourn », « Digital Discord », «
Machine Chatter » et «
Power Down ». Ils sont bien évidemment très pauvres musicalement, mais servent l'histoire à merveille et restent cohérents avec l'album dans son ensemble. De plus, ils raviront les amateurs d'arrangements tordus dont seul
Jordan Rudess connaît la recette !
« Dystopian Overture » sert de mise en bouche à ce que nous réserve l'album. S'ouvrant sur des chœurs majestueux, cet instrumental est sans aucun doute l'un des moments forts de la double galette. Sa progression étant basée sur les futurs thèmes musicaux de l'album, vous ne l'apprécierez à sa juste valeur qu'après plusieurs écoutes. Ce qui frappe d'entrée de jeu, c'est la puissance mélodique qui émane de la guitare de
John Petrucci ainsi que la mise en avant des claviers de
Jordan Rudess. Une parenthèse pour préciser que «
The Astonishing » est un album très mélodique et c'est totalement assumé. La mélodie, l'émotion et le « beau » se mélangent et remplacent la technicité parfois indigeste que l'on peut retrouver chez
Dream Theater. La technique est présente, évidemment, mais maîtrisée. L'ensemble des musiciens – Petrucci le premier – a su trouver le juste milieu pour raconter cette histoire musicale, sœur spirituelle du célèbre «
2112 » de
Rush. Pour en revenir à « Dystopian Overture », c'est une parfaite introduction, dont on retiendra forcément le final, magnifique mélodie aux claviers, qui représente à mes yeux l'essence même de «
The Astonishing ».
Nous avons parlé de mélodie. L'album en regorge et certains morceaux attirent rapidement l'oreille grâce à leurs refrains et surtout leurs introductions très travaillées. Tout d'abord, « A Better
Life » enchante par son air joué au piano (instrument omniprésent sur l'album) accompagné d'un violon débordant de beauté et de sensibilité. Pour sa part, « The
Road to Revolution », morceau clôturant le premier acte, débute par une superbe mélodie saupoudrée de magnifiques chœurs, dans un tempo lent propice à l'émotion. Quant au sublime « Moment of
Betrayal », second morceau du deuxième acte, il est très accrocheur et mêle lui aussi le piano et le violon dans une introduction calme, avant que cette dernière n'explose dans une avalanche de chœurs (également omniprésents) soutenus par la guitare et la batterie. Toujours dans l'acte II, il est impossible de faire l'impasse sur «
Heaven's Cove », une totale réussite au niveau de l'ambiance. Pleine de mystères, son introduction, mélangeant habilement la nature aux divers instruments (violon, piano et guitare sèche) est exceptionnelle, suivie par une mélodie intimiste aux claviers avant de laisser place à un riff simple mais efficace. De façon générale, tous les morceaux ont une introduction réussie, mais il serait beaucoup trop long de les analyser une par une dans leurs moindres détails !
«
The Astonishing contient de nombreux moments de bravoure. Et ce, grâce à la maîtrise instrumentale, bien entendu, mais aussi grâce à un
James LaBrie en pleine forme. Le vocaliste, souvent critiqué, répond plus que présent sur cet album. Il incarne les huit personnages de l'histoire (ainsi que le narrateur) avec maestria. On retiendra, par exemple, «
Lord Nafaryus » et « Three Days » où il joue le rôle de l'empereur de la plus belle des manières dans des morceaux heavy et accrocheurs. Dans un registre bien différent, on peut citer « Act of Fayhe », délicate ballade où LaBrie donne vie à la princesse Faythe (cette modulation féminine peut prêter à sourire mais est très réussie). Mais la véritable et grande prouesse vocale de l'album est « Ravenskill », où l'on retrouve Faythe, Arhys et Gabriel. Je vous laisse vous forger votre propre opinion là-dessus.
Merveille également que « A New Beginning », le plus long morceau de l'album (qui n'est pas si long que ça, avis aux connaisseurs!), où nous avons le privilège d'apprécier l'étendue du talent de John Myung. Agrémentée de joyeuses trompettes, cette piste contient à elle seule l'essence de «
The Astonishing » : mélodies, chœurs, orchestrations, émotions et prouesses techniques. On passe de façon subtile d'une ambiance à une autre (cet enchaînement piano – refrain – passage typique de
Dream Theater est
Excellent). Et que dire des trois dernières minutes ? Un pur régal. Les deux John sont à l’œuvre, l'un à la basse, l'autre à la guitare (quel solo!), accompagnés par un Mike Mangini qui prouve qu'il a désormais trouvé sa place dans la famille
Dream Theater.
«
The Astonishing » propose également de nombreuses ballades. Sachez que chacune d'elles est particulièrement réussie. « When Your
Time Has Come » dispose d'un très beau refrain et ses claviers rappellent « Solitary Shell » sur « 6DOIT ». C'est assurément l'un des meilleurs moments de l'album. Le morceau suit son chemin jusqu'à un splendide solo de Petrucci (comme bien d'autres sur cette dernière offrande !) et s'achève en apothéose (cette multitude de chœurs donne des frissons!). « Brother Can Your Hear Me ? », de son côté, est la ballade guerrière de l'album, dont la mélodie pourra sans doute vous rappeler un certain « Finally Free »... « Chosen » ainsi que « Begin
Again » sont également de magnifiques chansons. Mention spéciale à la fin de « Begin
Again » qui vous fera sûrement penser à Noël!
Pour répondre aux ballades, il y a bien évidemment des morceaux plus heavy. On compte parmi eux le tango de «
Lord Nafaryus », le délirant « Three Days » et surtout le majestueux « The
Path That Divides », qui débute un peu comme un interlude des NOMACS avant de s'envoler dans un registre plus violent qui ravira les fans de «
Train of Thought » (« This
Systematic Chaos Soul » n'est pas très loin !). Le tempo s’accélère jusqu'à un refrain superbe chanté par un
James LaBrie impérial accompagné encore une fois par des chœurs. Le morceau s'achève de façon épique et est définitivement l'un des très nombreux moments forts de l'album.
«
The Astonishing » se termine sur un morceau éponyme grandiloquent et somptueux reprenant les divers thèmes musicaux de l'album (à l'image de « Dystopian Overture »), en commençant par le fameux thème « principal » de la double galette. « Brother Can Your Hear Me ? » est repris deux fois et sert de conclusion à l'album de façon outrageusement épique (trompettes, chœurs, la totale!), en compagnie des derniers mots chantés par LaBrie : « Et nous vivrons de nouveau éternellement en harmonie, nos vies seront extraordinaires à nouveau ! ». Du grand art, des frissons, et sûrement une petite larme !
«
The Astonishing » est loin d'être un album ordinaire. Je l'ai dit au début, il a et aura pendant longtemps une place à part dans la discographie du groupe. Il souffrira sans doute de la comparaison avec ses grands frères, auxquels il fait pas mal référence (qui ne tombent jamais dans la facilité). Aussi, ne venez pas chercher ici l'agressivité que vous avez tant aimée sur «
Train of Thought », ni la technique ahurissante de «
Systematic Chaos ». Essayez plutôt de vous poser. Dites-vous bien que «
The Astonishing » est différent de tout ce que vous avez pu entendre de
Dream Theater jusqu'à présent, et donnez-lui une chance, car il est bien plus qu'un simple album. C'est une aventure, un film musical, qui se vit et se ressent.
Dream Theater vient de sortir en cette année 2016 un chef-d’œuvre, celui auquel personne ne s'attendait. «
The Astonishing » restera probablement à tout jamais gravé dans les mémoires. Une œuvre d'art qui va bien au-delà du
Metal, bien au-delà de la musique... Chapeau!
S'il peu paraître un peu mièvre si on l'écoute distraitement, quand on rentre dedans et que l'on s'intéresse au concept, cet album se révèle excellent. Certes il ne détrône pas le "Scenes from memory", mais le projet est ambitieux et la réalisation à la hauteur.
La scène aura apporté à cet album toute son envergure. Quel pied ce concert !!!
Pour finir je tiens à te féliciter, pour une première chronique c'est excellent. J'ai eu plaisir à te lire et tu as bien retranscris ce qu'est cet album.
Merci
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