Deconstruction

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17/20
Nom du groupe Devin Townsend
Nom de l'album Deconstruction
Type Album
Date de parution 21 Juin 2011
Produit par
Style MusicalMetal Progressif
Membres possèdant cet album174

Tracklist

1. Praise the Lowered (ft. Paul Kuhr of Novembers Doom) 06:02
2. Stand (ft. Mikael Åkerfeldt of Opeth) 09:36
3. Juular (ft. Ihsahn) 03:46
4. Planet of the Apes (ft. Tommy Rogers of Between The Buried And Me) 10:59
5. Sumeria (ft. Paul Masdival of Cynic and Joe Duplantier of Gojira) 06:37
6. The Mighty Masturbator (ft. Greg Puciato of The Dillinger Escape Plan) 16:28
7. Pandemic (ft. Floor Jansen of ReVamp) 03:29
8. Deconstruction (ft. Oderus Urungus of Gwar) 09:27
9. Poltergeist 04:25
Bonustrack (Itunes Edition)
10. Ho Krll 05:58
Total playing time 1:10:49

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Devin Townsend


Chronique @ Eternalis

10 Juin 2011

Deconstruction est unique et impénétrable [...] Il est une entité qui jamais ne laissera indifférent.

« Comprendre, analyser…c’est pour l’artiste détruire et se détruire »
[Henri René Lenormand]


Détruire et se détruire…l’annihilation pour mieux construire sur un chaos reposant les bases saines d’un monde encore vierge.
L’artiste débute sa création là où l’homme n’ose parfois plus s’aventurer, de peur de se perdre dans les méandres d’une démence que l’on pourrait penser insondable et surtout marquée d’un point de non-retour permanent.
Lorsque l’artiste, enfin, atteint ce seuil fatidique où l’individu n’est plus que le substitut corporel d’un psyché définitivement possédé par l’âme de son double créateur, la chute vers les abymes n’est jamais plus très loin.

Devin Townsend atteignit ce point il y a bien des années…pour tenter ensuite de reconstruire l’homme qu’il avait perdu, la nature sociale de l’être qu’il était jadis.
En quête de rédemption, il donna vie à la tétralogie portant le patronyme personnel de Devin Townsend Project, initié par le très poétique "Ki", centré sur les formes intérieures et naturelles, puis "Addicted", largement plus positif et optimiste. "Deconstruction" marque le pas suivant…la phase la plus complexe de son retour à une normalité que l’artiste aura tout au long de sa carrière farouchement rejetée.

Normalité, il n’y en aura que dans le concept qui amènera le prochain disque ("Ghost", qui sortira le même jour), car "Deconstruction" est de loin l’œuvre la plus excessive que le canadien fou aura produit de toute sa féconde vie. Difficile à imaginer lorsque notre esprit se retrouve assailli des expérimentations dingues et démesurée d’œuvres telles que "City", "Alien", "Ziltoid" ou encore "Infinity". Néanmoins, "Deconstruction" marque un nouveau pas, un état d’esprit différent…celui de la maitrise.

Il est désormais loin le temps où l’artiste, la bête, abusant de drogues en tous genres, prenait le pas sur l’homme pour accoucher d’œuvres gigantesques et schizophréniques mais constamment sous la coupe d’effets hallucinatoires. Devin a mis un point d’honneur a maitrisé le monstre qui était en lui, le capturer, le dresser et le dompter afin d’en tirer le plus grand, le plus monstrueux et surtout le plus créatif.
Basé autour de la quête futile (qui fut un jour la sienne) de vouloir se démarquer par une complexité abusive, une brutalité sans commune mesure et surtout une construction centré autour de l’excès, "Deconstruction" suit le parcours d’un homme hanté par le mystère de l’univers. Ainsi, il déconstruit inlassablement la vie, les objets, les atomes, l’existence afin d’en découvrir, à terme, la moelle la plus substantielle et primitive possible. L’essence de tout…à tel point de ne plus vivre que dans ce but et ainsi de passer à côté de l’ensemble de sa vie…

Étrangement, attendu comme le plus extrême album de la tétralogie, comme le plus fou et le plus schizophrénique, les ardeurs sont freinés lorsque retentit "Praise the Lowered". Marqué par un rythme trip hop, la voix pure et cristalline de Devin semble flotter dans un océan onctueux de coulis électronique et bienveillant. « Close your eyes…get ready ». A l’instar d’une invitation, la maestro canadien forme une corrélation avec l’auditeur qui ne sent pas venir la vicieuse montée en puissance de la composition. Car les pulsations électroniques s’intensifient très progressivement, pour accoucher à terme sur un hurlement initiateur conduisant à l’entrée en matière de la double pédale d’un Ryan van Poederooyen toujours aussi tranchant. L’épaisseur monumentale de la production prend peu à peu place, définissant un kaléidoscope de sonorités propre à Devin. Les chœurs typiques, angéliques et hallucinés se marient aux hurlements du canadien alors que retentit le riff de "Stand".

Relativement proche de "Disruptr", le riff monte en puissance lors des deux premières minutes pour laisser place à une atmosphère rapidement beaucoup plus futuriste et oppressante, bardés de chœurs latins et des hurlements lointains et négatifs de Michael Akerfield (Opeth) qui noircit considérablement l’ambiance du morceau.
Sans être fondamentalement violent, le morceau écrase par les couches de production, les chœurs, les riffs, la batterie, les voix entremêlés de Devin et Michael, tout en distillant des leads mélodiques d’une beauté à pleurer…avant de voir revenir le chant bestial et presque inquisiteur du vocaliste suédois. Très progressif et peu rapide, on retrouve la même ambiance empreinte de génie expérimental sur le barré "Planet of the Apes", évoquant parfois les relents les plus bizarroïdes de "Mars Attack" de Danny Elfman (les claviers spatiaux et complètement délurés). Le canadien retrouve l’aspect le plus atmosphérique et sublimement beau de son art, parfois proche de ce qu’il a pu réaliser avec "Terria" ou "Accelerated Evolution" mais avec une folie supplémentaire, une profusion d’idées frisant parfois l’indécence, particulièrement d’un point de vue vocal, où Tommy Rogers (Between the Buried & Me) vient en ajouter un brin supplémentaire.

Presque insondable de par sa complexité extrême, "Deconstruction" demande une attention accrue et surtout une volonté de l’auditeur de se plonger pleinement dans une folie pourtant parfaitement volontaire et sous contrôle. A l’heure de l’art prémâché et de la surconsommation factorielle de la musique, l’album se dévoile presque une épreuve tant l’apprivoisé requiert du temps et de l’envie.
Effectivement, après la première découverte du monument de seize minutes "The Mighty Masturbator" (en fait le personnage lui-même, avide de masturbation intellectuelle gratuite et stérile), il est difficile d’en ressortir pleinement conscient de ce que nous venons de vivre. S’embarquant sur une mélodie acoustique d’une pureté rare, le morceau va rapidement se décanter vers des horizons célestes, où Devin réitère son chant presque opera, sur une mélopée stellaires de claviers et surtout une partie de batterie complètement décalé et anti-harmonique. Le morceau monte ainsi pendant sept minutes avant de plonger dans un bouillon industriel et purement expérimental, vocalement narratif et dérangé, s’adressant à une foule lobotomisée et scandant au rythme de sons proche du binaire. L’extase musicale monte encore de plusieurs crans avec la mise en scène du génial Greg Puciato (The Dillinger Escape Plan) qui fait grimper une intensité jusqu’ici plus pesante que réellement dérangeante. Sa prestation restera probablement comme la plus fondamentale des guests du disque, s’affichant comme indispensable à l’impact émotionnel et frontal de ce monstre musical.
Éprouvante, éreintante, proche de l’effondrement mentale…l’écoute se poursuit pourtant avec un "Pandemic" dantesque et jouissif laissant renaitre les fantômes les plus brutaux et hystériques de Devin. Très proche de Strapping Young Lad, les futs ici martelés par Dirk Verbeuren (ex-Scarve, Soilwork) quittent rarement le blast tandis que le furieux fondateur de l’œuvre partage une ligne vocale monumentale avec la diva Floor Jansen (ex After Forever, Revamp), où l’hollandaise prouve une nouvelle fois qu’elle est probablement l’une des meilleures chanteuses lyriques actuelles.

Ne sachant plus où donner de l’oreille, littéralement perdu dans cette confusion sonore, dans ce chaos créatif et cette accumulation indescriptible (il faut sincèrement écouter Pandemic pour comprendre…), nous nous sentons comme captif à l’intérieur de l’esprit dégénéré d’un aliéné qui ici, pourtant, semble comprendre et maitrisé ses actes avec une précision chirurgicale.
"Juular" renoue avec la démence pure, faussement innocente de chœurs cloonesques évoquant la noirceur de Monsieur Jack. L’émotion et le génie flirtant à travers le chant du canadien semble inhumaine (ces chœurs à la minute…), magnifique de simplicité et pourtant si géniale d’interprétation…le refrain s’intensifie sur les interventions belliqueuses et bestiales d’Ihsahn (ex-Emperor), s’intégrant à la perfection dans un environnement sonore prenant même une tournure black symphonique suite à son apparition.

Que de complexité…que de technicité…que d’excentricité…"Deconstruction" s’inscrit probablement comme l’album le plus indéfinissable et excessif du canadien, mais marque aussi pour le fondement et la volonté de faire réfléchir sur cette surenchère perpétuelle.
Lorsque le morceau éponyme retentit sur les effusions sonores d’un estomac visiblement plein, les chœurs martiaux martelant « Cheeseburger » paraissent venir d’un autre monde. Devin hurle comme un forcené et balance les soli les plus techniques de sa carrière dans une démonstration purement gratuite et ostentatoire, proche du shred pur dans une furie spatiale indescriptible (comme si Ziltoid allait mourir d’un arrêt cardiaque et s’excitait à n’en plus finir). Car cet homme semble enfin avoir trouvé le but ultime de quête…il est allé au plus profond, a déconstruit au maximum les atomes et la matière et décide finalement de remonter l’ensemble de sa recherche…remonte remonte pour découvrir que son analyse découle de l’objet le plus idiot, impersonnel et symbolique de notre siècle d’abruti…un cheeseburger.

Dépassé, proche de la chute, effondré…"Poltergeist" délivre la dernière dose d’adrénaline, de haine, de furie et de colère « Strapping Young Ladienne » avant de s’offrir à la nature, à la vie, à la simplicité…
Ainsi s’ouvre "Ghost"…la complexité a perdu de son sens, de son aura. Elle est désormais inutile, futile et obsolète. Respirer, sentir le vent sur sa peau, le bruissement des feuilles, le ruissellement de l’eau…une quête d’évasion s’ouvre à un homme ayant définitivement tourné le dos à un artiste tourmenté et maladif. Ses motivations sont aujourd’hui beaucoup plus viscérales…"Ghost" s’ouvre à nous, avec sa volonté d’apporter une quiétude perdue par le monument bruitiste, expérimental et chaotique qui s’est offert à nous tout au long de soixante dix minutes éprouvantes…

Deconstruction est unique et impénétrable, inaccessible de par sa pluralité d’émotions véhiculées…s’abaisser à lui offrir une note serait l’enfermer dans une case qu’il ne mérite pas. Ce troisième acte est tout autre et s’expose au-delà de tout cette bassesse…il dépasse le cadre du simple album, de la musique, de la composition…il confine une nouvelle fois au génie d’un être s’élevant au dessus des autres…il est une entité qui jamais ne laissera indifférent. Une entité…

37 Commentaires

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Eternalis - 24 Septembre 2011: Oulà je ne savais pas du tout ça, je vais aller voir ça de suite :D
RavenDark666 - 12 Avril 2012: Très bonne chronique. Bravo !
Je partage cet avis sur ce Cd (ou devrais-je dire ce chef-d'oeuvre : ) ! ).
 
BabaTownsend - 20 Août 2012: Je suis un ado de 16 ans. J'ai découvert Devin l'année derniere en tombant comme ca sur Disruptr... Ca m'a fasciné et j'ai voulu en savoir plus sur Devy. Donc j'ai lu tes fameuses chroniques ! Je suis un peu d'accord avec HeadCrush, dans le sens où elles ne sont pas tres objectives... T'es fou de lui c'est normal ;) N'empeche que je veux te remercier Eternalis, car grâce à toi j'ai aujourd'hui mon idole, je connais tous ses albums par coeur et je KIFFE GRAVE ! Vive Devin Townsend, le roi de la création musicale métallique.
Holydad - 25 Avril 2013: Je trouve parfois à Desconstruction une certaine inspiration issue du groupe Unexpect, dans ce savant mélange orchestro-metallique foisonnant de plan aussi techniques que géniaux. Enfin, cela n'enlève rien à la signature de l'artiste...
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