“
PowerNerd est l’album positif le plus déprimant jamais écrit”
Devin Townsend
S’il déclare à qui veut l’entendre qu’il est difficile d’avoir du recul sur ses propres créations (celui-même qui écrit une nouvelle tétralogie dont "
PowerNerd" est le premier volet),
Devin Townsend dispose pourtant d’une faculté propre à appréhender la manière dont sa musique sera lu par les autres.
A l’orée d’un nouveau chapitre de sa vie, laissant derrière lui un
Devin Townsend Project (une tétralogie qui s’était poursuivie avec "
Epicloud" et "
Transcendence"), le canadien n’écrit plus pour se libérer de ses démons intérieurs mais pour faire face à de nouveaux évènements dans sa vie. Ceux d’un homme de la cinquantaine, perdant des êtres autour de lui, voyant un enfant devenir un adulte et affronter de nouvelles épreuves.
"
PowerNerd" devait être une vision simple (simpliste ?) de son art, écrit en quelques jours (11) et avec le moins d’ajouts possibles pour coller au mieux avec la vision initiale de son créateur. Mais la transposition des textes et de l’émotion brute de Devin en a fait un disque bien différent, ancrée dans une mélancolie pleine de positivité, sans amertume ni ironie. Juste celle d’un temps qui passe, célébrant la vie mais néanmoins conscient que rien est éternel.
Ainsi, on puise autant dans "
Ocean Machine" que parfois "
Addicted" ou "
Accelerated Evolution" avec une pincée non négligeable du trio "
Epicloud" / "
Sky Blue" / "
Transcendence". "
PowerNerd" est un peu de tout ça, avec la sensibilité unique de Devin, quelques délires musicaux et une des instants bouleversants comme on ne s’y attendait pas sur ce disque là.
Là où le titre introducteur allait dans le délire d’un "Lucky Animals" ou "Bend It Like Bender!," "Falling Appart" renvoie plus rapidement vers la beauté apaisée d’un "
Ocean Machine", Devin s’y faisant angélique avec néanmoins une force d’évocation immense dans ses vocaux un brin saturé, pleine d’une force et d’une conviction que seul l’âge peut offrir. Il en sera de même sur un sublime "Gratitude", au texte qui sied parfaitement à ces envolées sur un refrain presque pop qui nous emmène très loin. Comme toujours, la justesse du génie canadien touche en plein coeur, sans effusion sentimentaliste ni surenchère technique. Juste de l’émotion pure, une musicalité reconnaissable entre mille quand les riffs se font plus lourds et ces lignes de claviers qui forment un kaléidoscope musical propre à apporter de l’onirisme à chaque instant. Que dire dès lors de l’enchanteur "Ubelia", qui semble sortir des entrailles du ‘sieur. D’une poésie tirant les larmes, très charnel dans son interprétation (bien plus que "
Lightwork" qui, en ce sens, parait aujourd’hui bien trop calculé), ce morceau est une merveille comme nous n’en avions pas entendu depuis des années.
Forcément, un titre comme "Jainism" apparaît à côté comme une vision plus proche de la première mouture de "
PowerNerd", avec les éruptions volcaniques de guitares formant ce mur si caractéristique, guidé par des vocaux à la puissance aérienne. Devin fait du Devin mais, sans réellement se renouveler, livre une version si sincère de sa personnalité qu’il fait toujours autant mouche. "Knuckledragger" et son groove rock n’roll agrémenté de samples de jeux vidéos rétro ne manqueront pas de réchauffer l’ambiance de quelques degrés là où "Goodbye" et son cri initial ne cache pas une interprétation qui semble avoir été un vrai catharsis pour l’homme. Le solo rappellera les meilleures heures de "
Terria" dans une expression plus libératrice, plus simple, peut-être moins intellectuelle mais inévitablement plus mature dans cette faculté de libérer une émotion sans filtres.
"
PowerNerd" est finalement bien différent de ce à quoi nous pouvions nous attendre. Comme un pied de nez, Devin clôture l’album avec le country "Ruby Quaker", troisième album annoncé après "The Moth" (le fameux disque à l’immense complexité sur lequel il bosse depuis 10 ans). Une country légère qui voit surgir un pan de metal extrême à la
Strapping Young Lad durant moins d’une minute, comme pour dire que l’homme reste imprévisible et que tout peut survenir à n’importe quel moment. Comme d’éternels aller-retour dans une discographie à la richesse inégalée et pourtant loin d’avoir offert toutes ses facettes.
Merci pour ta chronique, c'est toujours un plaisir de te lire. Je n'ai pas encore écouté l'album mais ça donne très envie !
Ca y est, j'ai lu toutes tes chroniques sur l'immense Devin Townsend, avec toujours autant de plaisir.
J'ai bien aimé cet album, mais je pense, surtout au précédent ("Lightwork") ne pas lui avoir laissé le temps qu'il leur faut.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire