Cette décennie d’agression thrash-metallique n’est pas achevée que certaines évidences s’imposent à la majorité des metalheads. Il en va ainsi de l’hommage unanime que les thrashers rendent avec dévotion à leur suzerain incontestable : SLAYER est bien maître en son royaume, en ces premières années 90. Il a pour lui la légitimité des groupes fondateurs, grâce au redoutable
Show No Mercy, dès 1983. Il repousse un peu plus loin les limites de la noirceur avec l’enchaînement
Haunting the Chapel /
Hell Awaits, à l’heure où ses principaux concurrents
Metallica et
Exodus bâtissent leur légende. Il fait front avec une rage ultime avec
Reign in Blood quand les
Dark Angel ou
Kreator repoussent les limites de l’intensité et de la violence en cette année 86. A l’instar de
Metallica et de son
And Justice For All, il sait brillamment évoluer avant l’heure vers un univers plus lourd et suffocant, au travers du sous-estimé
South of Heaven, tandis que le thrash vit son heure de gloire et connaît l’affluence maximum des nouveaux groupes en quête de gloire.
Surtout, quand son plus grand rival est sur le point de virer définitivement de bord en préparant son Black Album, SLAYER se paie le luxe d’un album synthèse flirtant avec le sans-faute,
Seasons in the Abyss.
En sept années, cinq albums et un EP non moins légendaire, les Californiens ont marqué le thrash metal au fer rouge, aucun concurrent ne pouvant afficher une discographie aussi prolixe que qualitative. Cela explique sans doute le débat toujours aussi vif pour statuer sur l’œuvre la plus marquante du quatuor.
Sauf qu’à vouloir à tout prix faire un choix définitif relève de la gageure, tandis que l’on oublie trop vite un aspect fondamental de la construction de la légende SLAYERienne : sa force scénique démoniaque. Le groupe reprenant à son compte le terme allemand controversé
Haunting the Chapel, littéralement machine de guerre, que les bienséants s’échineront stupidement à considérer comme une provocation idéologique, le fait est que la définition est définitivement taillée pour SLAYER, tant ses shows dantesques viennent parachever l’œuvre destructrice d’une discographie impitoyable.
Aussi, à la question du meilleur album de SLAYER, le groupe lui-même a sans doute apporté sa réponse la plus cinglante, avec la sortie du double live
Decade of Aggression, en 1991, issu de la tournée mythique de
Seasons in the Abyss.
Si l’exercice de l’album live fût bien souvent un passage obligé pour bon nombre de groupes, masquant ici des obligations contractuelles avec un label peu scrupuleux, là un moyen d’occuper l’espace et de gagner un peu d’argent lors de passages difficiles,
Decade of Aggression est le fruit d’une logique implacable : SLAYER triomphe là où il est le meilleur, à l’apogée de sa carrière.
Bien sûr, le parachèvement de l’œuvre nécessite la réunion de tous les ingrédients indispensables.
En premier lieu, et ce n’est pas toujours une mince affaire, la qualité sonore. Premier critère, premier coup de maître. Le rendu est absolument exceptionnel de clarté et de puissance, l’atmosphère titanesque du live jaillit à chaque note. On relève notamment un parfait équilibre entre la présence extra-musicale (le public est très présent) et la précision de l’exécution. Bien entendu, les musiciens sont à leur sommet : le duo Hannemann /
King est irréprochable, écrasant tout par la puissance de ses riffs et époustouflant de maîtrise au niveau des soli, Tom Araya fait preuve d’un charisme et d’une autorité au chant qu’il n’a malheureusement plus dans ses prestations actuelles; quant au métronome Lombardo, il évolue sur une autre planète...
En fait, en comparaison des albums studio, le thrash metal de SLAYER semble animé d’une force supplémentaire incontestable qui donne la chair de poule.
Plus fort, plus vite, plus puissant, plus possédé, SLAYER écrase tout sur son passage. Non content de ne déplorer aucune perte au niveau de la finesse des compositions des albums, chacune d’entre elle prend une teinte organique et viscérale bluffante.
Bien entendu, le deuxième ingrédient de l’alchimie vient d’une track-list qui frôle la perfection. On relèvera que la richesse discographique du groupe l’a obligé de fait à aller vers le format du double album, ce qui permet d’offrir un choix non moins cornélien de vingt et un titres tous aussi légendaires les uns que les autres. Pour aller plus loin dans la dithyrambe, même le positionnement des différents titres est exempte de défaut.
De l’intro rituelle par
Hell Awaits, déjà quasi paroxystique dans la communion avec un public en fusion, aux enchaînements absolument démoniaques, SLAYER sait y faire.
Il en va ainsi du terrible
Mandatory Kreator, écrasant de puissance et de lourdeur malsaine, qui prépare copieusement le déchaînement cataclysmique de
Angel of Death, qui prend une toute autre ampleur que la version album, dès le cri déchirant d’Araya annonçant la tempête.
Il n’est pas question de se lancer ici dans une longue litanie égrenant les morceaux, la seule évocation de leur nom se suffisant à elle-même.
Si les morceaux les plus récents du redoutable
Seasons in the Abyss bénéficient déjà d’une puissance de feu redoutable sur l’album, on note quand même l’effet titanesque provoqué par un
War Ensemble ou encore l’atmosphère glauque et tourmentée du saisissant
Dead Skin Mask. Toutefois, les effets dopants du live ont d’autant plus de prise sur les morceaux plus anciens. Déjà les titres
Cultes de
Reign in Blood (largement représenté sur les deux disques) trouvent un élan supplémentaire de puissance et de vitesse, mais lorsqu’on a affaire au « old stuff », là l’effet est bluffant. Par exemple, les morceaux
Haunting the Chapel /
Black Magic, bénéficiant d’une puissance qu’on ne leur connaissait pas, retrouvent une nouvelle jeunesse, et surtout mettent en évidence qu’en 1983, SLAYER était bien en avance sur son temps...le tout s’enchaîne d’ailleurs avec un
Captor Of
Sin qui lui aussi prend une envergure incroyable.
Non, décidément, ce SLAYER dopé aux anabolisants ne cesse de couper le souffle tout au long de ces deux disques, sans laisser le moindre répit. La transe n’est jamais loin, le headbanging frénétique fatigue les cervicales, vous êtes dans la fosse et tout vous invite à y rester furieusement. Et l’on voudrait que cette orgie de thrash metal n’ait pas de fin, tant chaque nouveau morceau provoque une excitation nouvelle. Quel pied...
Si jamais, par le plus grand des malheurs, on devait se contenter d’un seul disque de SLAYER, en fait la question ne se poserait sans doute pas. Si SLAYER a bien touché le sublime un jour, c’est sur scène, et nous avons la chance de pouvoir le revivre à l’envi au travers de ce double album.
L’apogée du Maître, après dix ans d’agression sonore.
ce live a tourné pendant tellement d'année que je me suis demandé si les cds ne s'usaient pas...
slayer donne ici 1 aperçu de sa toute puissance...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire