Helloween est devenu au fil des années une institution dans le milieu du heavy metal allemand, un modèle de persévérance mais pas forcément d’intégrité, tant les humeurs et la relative qualité diffère selon les époques et les albums.
Testament d’une époque légendaire, novatrice, et ayant en partie donné naissance à l’ensemble de la scène speed mélodique actuelle (qu'elle soit allemande ou scandinave), "
Chameleon" sonne le glas d’une ère ayant vu l’apogée et le déclin d’une voix, d’une personnalité unique et exceptionnelle : j’ai bien sûr nommé
When the Sinner.
A bien y regarder, on peut, sans trop mentir, affirmer que Kiske aura, durant sa carrière, particulièrement été révolutionnaire sur les deux premiers volets de "Keeper of the
Seven Keys" et ensuite décevant à plus d’un titre, que ce soit dans
Helloween ou en solo. Une légende restée muette dans un style pour lequel il pensa et jugea avoir tout dit après cet ultime disque, peut-être moins catastrophique qu’on veut bien l’entendre dire aujourd’hui.
Une fois replongé dans un contexte bien peu reluisant pour un genre aussi mélodique, on peut comprendre l’irrésistible envie de musiciens cloisonnés dans une musique alors considérée en pente descendante, de proposer des paysages différents.
Gamma Ray le fit admirablement bien avec son génial "
Insanity &
Genius" la même année, Wasp avec son "The Crimson Idol" très travaillé et ambitieux et Queensryche relâchera considérablement la pression avec "Promised
Land" l’année suivante. Bref, les grands artistes des années 80 se devaient de changer face à une façade brutale dominée par un death en pleine démesure et un black metal dévoilant alors ses albums les plus cultes.
Helloween décida quant à lui d’apporter une atmosphère étonnement funky à son cinquième album, affublé pour l’occasion d’une pochette minimaliste, réussissant à ne pas être aussi laide que la précédente mais aussi peu engageante quant au contenu musical de l’album, résolument moins ambitieux que jadis.
Pourtant, si l’on a coutume de cracher ouvertement sur cette erreur de la nature, on ne pourra lui reprocher de disposer d’un son puissant, carré et incroyablement clair et précis, ainsi que d’un mixage faisant la part belle à la basse ("
Giants") et à des guitares ayant un rendu tranchant, leur mollesse venant des riffs à proprement parler.
Affligeant de banalité pour certains, ce disque fut pourtant l’œuvre d’un Weikath prenant un risque, celui d’un virage plus commercial (alors que leur éternel rival médiatique de
Gamma Ray opérait une orientation expérimentale) et accessible, mais en bannissant une certaine qualité qui avait fait la marque de fabrique des citrouilles, une rigueur qui ne les avaient pris que rarement en défaut et surtout un sens de la mélodie ici quasi absent. Les solos sont néanmoins nombreux, parfois longs et très intéressants ("
Giants" toujours, "Music" et ses soli langoureux et superbes, "First Time"), mais ce sont les mélodies de base, ces rythmiques qui souffrent d’une passivité sans nom, sans accroche ni intérêt,
When the Sinner posant une voix toujours aussi magnifique sur une musique des plus banales.
Banale ! "
Chameleon" est en fait un opus en proie aux paradoxes, car la multiplicité des interventions de cuivres auraient pu en faire un chef-d’œuvre, mais on ressent un sentiment maladroit, comme si cette instrumentation n’était pas en adéquation avec les structures initiales.
"Music", par exemple, semble être un dédale de solos, de passages funk et de vocalises dans lesquelles
Helloween se perdrait lui-même, s’étirant sur plus de sept minutes car ne sachant pas comment faire évoluer son morceau. Mais on ne pourra le citer comme étant mauvais, car les idées affluent.
"Revolution Now", et son riff pompé sur
Deep Purple, pose presque le même constat. Des idées mal exploitées, des cuivres ajoutés pour la forme et non pour le fond, des guitares soporifiques et muselées, et un groupe ne semblant pas plus y croire que son auditoire, définitivement déçu d’un groupe encore impérial cinq ans plus tôt.
De même, l’intro de "First Time", comme un bœuf entre les membres, semble presque anachronique lorsque l’on entend le riff quasi pop du titre, emballé sur une rythmique des plus basiques et un Kiske chantant sans passion ni envie. Malgré un refrain mémorisable et un solo de
Roland Grapow aussi furtif que bien envoyé, rien ne reste, tout se consume avec le temps.
Tout l’album sera à cet image : une prise de risques certes, mais des idées donnant lieu à un labyrinthe de sonorités liées dans une symphonie disgracieuse et pesante, voire complètement redondante.
Le ridicule "
When the Sinner", aux vocaux trafiqués, à la ligne vocale infâme car niaise, et aux guitares simplement inexistantes, ou encore la pitoyable "In The
Night", empreinte d’une atmosphère country sans second degré, tireront vers le bas un disque résolument inférieur au reste de leur discographie et en signe d’auto-suicide.
Andy Deris parviendra à sauver d’un naufrage certain des citrouilles ayant tant apporté…un renouveau empli de vigueur et de puissance, nous ravageant, aujourd’hui encore (les trois derniers opus studio étant de petites bombes !) des tympans endoloris ne demandant pas plus que de ne jamais revivre l’expérience "
Chameleon".
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire