Le précédent disque Eld avait montré une nette évolution, avec des ambiances atmosphériques plus fréquentes, des morceaux plus longs, des plans empreints de subtilité, bref, les norvégiens avaient clairement entamé un début de mutation vers le Prog. Nous nous attendions donc à une certaine continuité en la matière, les groupes de Black et Death
Metal s’engouffrant dans cette voie revenant rarement en arrière, mais
Blodhemn (1998) allait apporter un démenti en retournant à une base purement Black
Metal.
Si Grutle Kjellson trônait seul sur la pochette d’Eld, c’est au grand complet que les musiciens posent sur
Blodhemn au bord du rivage, en tenue viking avec drakkar et épée bien entendu… Parmi eux donc, deux nouvelles recrues : la guitariste Roy Kronheim et
Dirge Rep, batteur sur les premiers albums de
Gehenna, le jeu de ce dernier est d’ailleurs assez différent de celui d’Harald Helgeson qui est un gros cogneur, alors que
Dirge Rep use plus volontiers de sa double pédale.
L’intro est épique mais la comparaison avec l’album Eld s’arrête ici, car elle enchaine sur un I lenker til
Ragnarok hargneux et plus concis que l’interminable (793 slaget om
Lindisfarne). Composé par Ivar Bjornsson (la première moitié de l’album l’est), Urtical Gods s’avère encore plus direct et nous ramène à l’époque de
Frost.
Roy le nouveau venu s’est intégré sans problème et se paye même le luxe de composer quelques morceaux, comme l’inspiré Nidingaslakt sur lequel des guitares Black / Thrash côtoient le chant clair « viking ». A noter que Grutle n’a composé ici qu’un morceau Ein Auga til Mimir, titre assez varié avec un riff principal mi Folk mi Black
Metal du meilleur effet (0:00-0:40 et 3:41-4:24).
Le violent
Blodhemn (en même temps cela signifie : vengeance par le sang) rappelle assez le morceau
Wotan de
Frost au niveau de l’intensité, avec en prime un solo de guitare trippant presque Heavy
Metal, avant le déluge final où la voix agressive de Grutle Kjellson et la frappe de
Dirge Rep font des merveilles. Le morceau le plus « Prog » et atmosphérique dans l’esprit reste le final Suttungs Mjod, sans le moindre chant extrême, qui détonne avec le reste des compositions et semble annoncer ce qu’il faudra attendre d’
Enslaved à l’avenir.
Là où Eld s’étirait sur près d’une heure,
Blodhemn règle le tout en 39 minutes et reste à ce jour la dernière offrande clairement Black
Metal d’
Enslaved, avant que le combo n’entame une transition graduelle mais inéluctable vers le Prog au fil de ses nouveaux disques.
Un peu boudé par les fans de la première heure qui considèrent cet album comme en dessous des premiers, et par les nouveaux qui le trouvent trop brut de décoffrage, ce quatrième album est pourtant très solide, et provient des années où les norvégiens ne plaisaient pas seulement aux hippies du Roadburn (c’est gratuit ça, il faut bien se faire plaisir). Certes,
Blodhemn est sans doute moins authentique que
Vikingligr Veldi, moins inspiré que
Frost, moins immersif qu’Eld, c’est le problème des groupes qui commencent leur carrière par des monuments, c’est une déception lorsqu’ils sortent simplement un excellent disque…
BG
excelente chronique qui décrit parfaitement ce qu'on l'ont pense de cette album. merci
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