Depuis 1991,
Enslaved a passé son temps à évoluer, tout d’abord acteur incontournable de la scène Black norvégienne, puis grand représentant du Black dit «
Viking », pour enfin se hisser plus haut encore en incorporant des éléments progressifs (qui toutefois ont toujours été de la partie) mais surtout un peu « eighties » à sa musique (cette utilIsation des claviers). Ainsi, un «
Monumension » parfois beau mais un peu en demi-teinte aura préparé le terrain pour que «
Below the Lights » et l’incroyable «
Isa » fassent office de finitude, de sommets de géants. Mais
Enslaved, ce fut aussi des albums plus violents, laissant éclater la tempête Black
Metal dans ses aspects les plus sombres (comme sur l’estimé «
Frost »), ou les plus tortueux et musicalement dissonants avec «
Yggdrasill » et le monstrueux et imposant de puissance «
Mardraum –
Beyond the Within ».
Alors qu’en 2005 l’évolution avait atteint son paroxysme avec «
Isa », «
Ruun » se chargeait de prendre le relais et n’avait pas à rougir de succéder à ce que je considère comme un chef d’œuvre, résumant tout simplement un peu la formule et s’offrant un son plus moderne tout en apportant quelques éléments inédits. Dernièrement, les transformations se faIsaient encore moins marquantes sur «
Vertebrae » (2008), et l’heure était à se demander où
Enslaved allait nous emmener avec «
Axioma Ethica Odini » après avoir poussé la marche vers d’inexorables derniers retranchements.
Parallèlement à une excellente idée de concours pour les fans qui purent réaliser eux-mêmes un clip-vidéo, le morceau « Ethica Odini » était révélé à l’avance (le clip devant en fait lui être attribué). Et il était aisé de constater que rien n’avait vraiment changé depuis «
Vertebrae » : un premier titre assez long (proche des huit minutes), avec quelques claviers en fond, et ce côté un peu planant qui semble s’être désormais bien installé. Mais certaines choses pouvaient laisser perplexe : « Ethica Odini » est assez répétitif, les riffs n’ont rien de novateur pour le groupe bien qu’ils ne soient pas désagréables (voire même assez immersifs malgré tout), mais surtout le chant clair a encore gagné en importance, s’octroyant l’ensemble du refrain et affichant plus de sensibilité que par le passé. Qu’à cela ne tienne, et pourquoi pas après tout, il s’agissait sans doute de la pièce introductive par excellence qui devait mener vers autre chose.
Hélas non. J’aurais voulu introduire des points réellement négatifs bien plus tard et en moindre mesure dans une chronique d’un nouveau
Enslaved, mais il n’y a pas moyen pour moi ici. Dès « Raidho », qui reste toutefois un morceau plaIsant (avec par ailleurs un très bon break où la basse est bien mise en avant), le schéma repris est plus ou moins le même, avec de nouveau un riff certes sympathique (et plus agressif que le morceau précédent) mais encore répété, d’après moi, « un peu beaucoup ». Sans compter que le refrain, présenté d’abord de façon instrumentale (ce qui était très intéressant), se voit une nouvelle fois affublé de chant clair. Et ne vous y trompez pas, c’est également le cas avec « Wa
Ruun », encore une fois plus ou moins répétitif et flanqué de ce chant clair qui, là, devient carrément inintéressant (à l’instar de l’assez mauvais « Tides of Chaos » sur «
Ruun ») comparé aux chœurs aériens et vikings qui ont pu faire rêver par le passé.
Voilà certainement le moment décisif, celui où certains auront accroché, se permettant dès lors et assez injustement, je le pense, de hisser au rang de chef d’œuvre ce disque qui ne fait pourtant que reprendre dans un ordre plus ou moins constant ce qui a déjà été fait. Là où «
Ruun » se terminait d’ailleurs de façon planante et aérienne avec un « Heir to the Cosmic Seed » vraiment spécial, ce cru 2010 se conclut semblablement sur la très bonne « Lightening », où la voix claire, sans changer de style, se trouvera enfin vraiment à sa place, délivrant ses mots sur de magnifiques airs (quel début de chanson) rappelant aussi « Center » sur «
Vertebrae ». Alors, j’ignore ce qui s’est passé pour ce titre et le précédent («
Night Sight »), mais c’est nettement mieux, même si les origines du groupe sont un peu laissées en plant, on est face à une réelle continuité dans le concept progressif et toujours plus mélodieux que le groupe affiche depuis quelques albums.
Mais très franchement, avant d’en arriver à ce duo final plaIsant, quel ennui pour moi. « The Beacon », «
Giants » et « Singular » se partagent leur temps entre, pour certaines, riffs lourdingues qui donnent l’impression que rien n’avance, l’impression d’écouter du
Doom avec trop de chant clair, et pour d’autres de nouvelles longueurs durant lesquelles j’en ai eu vraiment plus qu’assez de devoir chercher sans succès de « petits quelque choses » auxquels me raccrocher lorsque rien ne se passe. Et là, je vous dis « Où ? ». Je vous le dis à vous qui ne me comprenez peut-être pas à la lecture de ces lignes, tout comme je ne vous comprends pas lorsque vous tirez votre chapeau à
Enslaved cette année. À vous qui hissez «
Axioma Ethica Odini » parmi les grands disques d’
Enslaved. Pour la première fois depuis longtemps, la formule ne change pas (même son, même style et même genre de compositions que sur «
Vertebrae » sauf qu’elles sont cette fois moins facilement identifiables entre elles, se marchant trop sur les pieds en oubliant la variété). Et, je le répète : « Où ? ». Où quoi ? Eh bien où est cette science du riff qui déchire («
Isa », «
Clouds » …), cette science de la dissonance Black pourtant si mélodique («
Essence », « Violet Dawning » …), cette science du riff qui déchire mais tout en étant mélodique et dissonant à la fois («
Path to
Vanir », « Stjerneheimen » …) ? Et où sont ces fichus superbes chœurs vikings ? Ces orchestrations si spéciales aux claviers ou autres (parce que ça, jusqu’à la piste 9 - la dernière, oui - on peut se demander ce qu’ils en ont fait tant elles sont furtives, l’épuration régnant en maîtresse) ? Et enfin, où sont ces morceaux tout simplement terribles d’inventivité, imparables et qui ont forgé la réputation d’un groupe aujourd’hui culte («
Entrance-
Escape », «
The Dead Stare », «
Return to
Yggdrasill » …) ?
Pas ici en tous cas.
Constat général, une attente de sept morceaux avant que quelque chose ne me frappe enfin vraiment, que des mélodies plus recherchées et moins répétées ne me fassent sursauter. Du reste, je n’ai au départ même pas failli m’endormir mais plutôt crier au scandale face à tant d’ennui. Toutefois après maintes écoutes, la mauvaise surprise dissipée, je peux reconnaître au moins que chaque morceau contient quand même une structure qui, tout au plus, aurait pu être intéressante, et finit par prendre un certain sens. Je peux modérer mon propos, mais le tout est bien trop redondant et ne répond plus suffIsamment aux attentes que l’on peut avoir face à un groupe qui semble avoir mis de côté tous les éléments par lesquels j’argumentais pour parler de génie. Pour cette fois seulement j’espère, car dans le cas contraire
Enslaved et moi continuerons nos chemins chacun de notre côté, un peu plus tristement sans doute pour ma part. Un album, à la lumière des changements et déceptions que je vous ai exposés ici, qui m’est une grosse déception. Malgré deux très chouettes morceaux en fin de parcours, il manque au reste du disque … ce qui fait qu’
Enslaved est
Enslaved.
10/20
Précisons par ailleurs que 5/10 n’est pas une note vraiment catastrophique, mais très dure sans doute, surtout pour un groupe comme celui dont il s’agit ici.
Je en suis pas vraiment d'accord avec, le groupe n'a pas vraiment perdu son identité.. Quand tu écoutes la voix, tu peux pas te tromper sur le groupe.. Rien que ça, cela met sur la voix..
Putain de bon pour ma part.. Je lui ai accordé un 18/20.
Et très bonne chro cela dit en passant !
Puis Vertebrae déjà m'avait un peu déçu...
Ici, je suis en pleine écoute lorsque je vous écris (The Beacon) et j'avoue être assez d'accord jusque là avec la chronique!
Mais pour moi depuis Vertebrae, cette façon qu'ils ont de littéralement nous emmener entre les fjords et les paysages enneigés de la Norvège - ça m'a troué le cul! Je trouve que c'était déjà parti à ce moment-là (Vertebrae)...
Au niveau du chant clair, je laisse aller! Et concernant Tides Of Chaos, y a pas à ce plaindre. C'est très bien contrebalancer.
Non, j'ai vraiment été impatient que l'album se termine. Et pourtant dans Lightening c'est bien puissant mais... Non.
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