Sepultura. La légende qui régna sans partage sur la galaxie thrash/death pendant une poignée d’années et auteur d’albums passés à la postérité avant d’être consumée par des dissensions internes qui la menèrent au bord du précipice. Le split acrimonieux qui suivit vit Max Cavalera poursuivre sa route au sein de
Soulfly tandis que le reste de la bande recrutait un nouveau chanteur, l’erreur de casting mais sympathique Derrick Green et continuait son existence en gardant l’usage d’un nom dont l’héritage allait de facto être un fardeau très difficile à porter.
Trente ans et treize albums plus tard, que reste-t-il de la légende ? On ne peut que constater la mainmise artistique (et probablement financière) d’
Andreas Kisser sur le groupe, devenu calife à la place du calife depuis le départ de l’ainé des Cavalera. Guitariste talentueux, il avait su amener la musique du groupe, dès son intégration pour l’album
Schizophrenia, vers des horizons nouveaux. Et depuis
Against, force est de constater que le groupe se refuse à sortir deux fois le même album, quitte à déconcerter ou faire fuir en masse le reste des auditeurs qui n’avaient pas fui en même temps que le chanteur « historique ». La démarche est courageuse en l’état, mais risquée. Surtout quand la totalité des albums se révèle avoir un contenu musical très inégal. Le raté, l’inintéressant ou l’affreusement banal côtoyant assez souvent le simplement bon, mais jamais l’extraordinaire. Et c’est une constante depuis lors,
Sepultura n’a jamais sorti un album majoritairement horrible (à part peut-être
Nation), mais surtout n’a jamais sorti un album majoritairement bon (à peut-être être
Kairos). Autrement dit, on est très loin de la flamboyance artistique de
Beneath the Remains.
Donc, que retenir de cette sortie au nom à coucher dehors ? Plusieurs choses de l’ordre du symbolique d’abord. Septième album avec Green, soit un de plus qu’avec le gourou de la tribu Cavalera. Ross Robinson aux manettes, soit le même producteur que
Roots. L’intégration d’un nouveau membre,
Eloy Casagrande au poste de batteur, soit le signe d’un groupe regonflé à bloc et désireux d’avancer.
Et alors que l’annonce du retour de Robinson faisait trembler d’effroi, ou d’excitation c’est selon, on retiendra finalement que la nouvelle galette jetée en pâture se révèle être encore une fois plus ou moins conforme aux sorties précédentes. Du satisfaisant et du moins satisfaisant. Le satisfaisant étant à aller chercher du côté d’un groupe désireux cette fois-ci d’en découdre un peu plus et de proposer quelque chose de plus brutal à l’image des deux premiers titres,
Trauma of
War et The
Vatican (dont le début est malheureusement entaché d’une intro longuette qui casse un peu la dynamique) et de l’avant dernier Obsessed. Les rythmes soutenus et les riffs en tremolo picking devraient faire lever un peu les poils des bras de l’auditeur ayant eu la patience de jeter une oreille au dernier méfait des Brésiliens. Satisfaction aussi dans les quelques riffs assassins qui parsèment les réussis Manipulation of
Tragedy et
Tsunami. Soit une bonne moitié de l’album quand y pense. Avec un jeune batteur qui fait mouche, un Kisser dont les interventions en solo sont toujours intéressantes à suivre, un Derrick Green qui fait ce qu’il peut pour faire oublier qu’il ne pourra jamais remplacer son prédécesseur et un Paulo Jr qui fait le strict minimum comme d’habitude. Bref, pas de quoi jeter
Schizophrenia à la poubelle, mais pas de quoi crier au scandale non plus. Dès lors, le souci réside dans l’autre moitié du disque,
Impending Doom, inutilement lourdingue, The Bliss of Ignorants qui rappelle l’époque honnie (ou bénie, encore une fois, c’est selon) du néo-metal de
Roots, le larmoyant et irritant
Grief (Green semble hurler ses malheurs au ciel un soir de pleine lune) et l’inutile Age of the
Atheist, ainsi que dans la production boueuse et datée de Robinson. L’homme n’est clairement pas à son aise dès qu’il s’agit de faire sonner du riff thrash. Donc au final, on se retrouve encore avec un album bancal et frappé d’inconstance, comme ses petits frères. Et encore une fois c’est rageant.
Un constat est clair à l’écoute de ce treizième album : le groupe se retrouve le cul posé entre deux chaises, entre désir manifeste de renouer avec son passé (déjà légèrement perceptible sur
Kairos) et volonté de faire avancer la machine, suivant en cela la vision artistique de Kisser. En tout cas une chose est sûre, c’est que la démarche ne paie clairement pas en termes de succès public. J’en veux pour preuve le succès que rencontre le groupe de son ancien leader, qui n’en finit plus de nous saouler à vouloir tuer tout le monde à longueur d’albums interchangeables et linéaires et qui s’empresse ensuite de remercier son dieu de miséricorde dans les crédits…
Avec cet album,
Sepultura rate encore le centre de la cible mais ne tire pas non plus forcément dans celle du voisin. Le résultat est de nouveau frustrant mais aussi et heureusement prudemment enthousiasmant. Tant qu’il y a de la vie...
13/20
Par contre, Dante était franchement sympa, sans être génial, Kairos aussi.
Et avec celui là, je retouve un Sepultura comme j'aime. Tu parles de cul entre 2 chaises, je parlerai d'équilibre entre tradition et modernité.
Sepultura n'a pas eu une carrière facile, et ils s'en sont au final plutôt bien sorti je trouve (en tout cas mieux que la carrière de Max, qui ressemble plus à une vaste blague).
Je découvre et perso j'adore, le son vie et ça respire l'énergie et la sueur. L'album qui me fait revenir vers Sepultura, je m'étais arrêté à Arise. Les compos déroulent et je ne m'ennuie pas, c'est puissant, old school et en même temps adapté à nos oreilles modernes (les miennes en tout cas). Après, dommage que cet album s'essouffle assez vite.
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