Après un superbe
Wings Of Tommorrow dans lequel
Europe était parvenue à trouver un équilibre quasiment parfait entre la facette la plus Heavy de sa musique et celle clairement plus mélodique, la sortie de
The Final Countdown marque une transition très nette. Le groupe abandonne son visage le plus tourmenté et frondeur, au profit d’un autre plus poli. Sa musique s’enrichit d’harmonies travaillées à outrance, de chœurs évidents, d’arrangements parfaits à l’extrême.
Plusieurs interprétations peuvent venir expliquer ce revirement, tout d’abord il y a le recrutement, de Mic Michaeli aux synthés. C’est une décision étonnante lorsqu’on songe que ces claviers, composés et joués par Joey jusqu’alors, sont très succincts sur les deux premiers albums du groupe. Cette initiative annonce clairement un changement de ton volontaire et assumé. Le poste devient donc un poste permanent, transformant le quatuor en quintette, libérant ainsi le chanteur sur scène. Ensuite il y a aussi l’éviction de Tony Reno remplacé derrière les fûts par
Ian Haughland. Disparue la double grosse-caisse prompte et la forme très débridée de l'un au profit de celle plus posée et plus calme de l’autre.
Evidement cette présence très marquée des synthés, reléguant les guitares au second plan, et l’absence de tempos rapides, donnent inévitablement à la musique du groupe un aspect plus lisse, plus "grand public ", plus accessible, qui conjugué à cette formidable aptitude de composition de
Joey Tempest, et à sa voix encore plus clair (et donc encore plus musicale) et plus maîtrisée, fera de ce disque un véritable triomphe. Cette révolution au sein d’
Europe, outre les changements de line-up, peut aussi s’expliquer par le succès grisant obtenu par les deux premiers albums qui eurent, en dehors du vieux continent, un retentissement assez conséquent (au Japon notamment), encourageant le groupe à poursuivre dans la voix la plus facile de la mélodie au détriment de l’énergie.
Toutes les supputations sont envisageables, et il est difficile d’imputer des responsabilités quelconques à la seule charge de Mic et d'
Ian, surtout si l’on garde à l’esprit que Joey reste le compositeur unique.
Quoi qu’il en soit, objectivement, ce nouveau line-up est sans aucun doute une des causes principales de cette réussite, ou de cet échec suivant la manière dont on envisage cette mutation.
Bien sûr, il va sans dire que le groupe est composé de très bons musiciens, et dès les premiers instants de l’hymne
The Final Countdown, cet air entêtant, cette incantation optimiste, connue de tous, vous envoûte. Joey, définitivement le maître à bord, fort de cette voix assurée, et de ces dons incroyables pour l’écriture, atteint là le paroxysme de son talent. Il chante admirablement des titres brillamment construits. Tant et si bien d'ailleurs qu’il arriverait presque à nous faire oublier qu’autrefois
Europe était un groupe résolument Heavy. Et lorsque retentit le premier solo de guitare, étonnamment moyen alors qu’on a connu
John Norum si inspiré et brillant, on est presque surpris de découvrir qu’
Europe possède encore des guitaristes. Dans l’ensemble et à part quelques riffs installant la mélodie, l’instrument aux sons saturés si chers aux amateurs de sensations fortes, n’est là que pour accompagner les synthés et les voix, et apparaît souvent au moment des soli comme un ajout obligatoire. En effet, les claviers autrefois si discrets, sont ici envahissant, à la limite de l’insupportable, et font perdre en puissance, ce qu’ils font gagner en harmonies au groupe. L’ensemble de ce disque consacre pourtant des chansons quasiment irréprochables, si ce n’est leur manque évident d’énergie pour ceux qui virent les premiers pas du groupe, donnant dans un style
Hard-FM, si chers à
Bon Jovi. Dans ce contexte, encore une fois, bien moins percutant qu’autrefois il est difficile d’extraire un morceau en particulier, tant l’ensemble de cette œuvre est homogène, et intelligemment construite.
Nier le côté incontournable de ces chansons et l’impact qu’elles eurent dans l’histoire musical serait tout bonnement ridicule. L’influence avérée que le groupe suédois eut sur toute une génération de musiciens, dont les nombreuses reprises faites par les groupes contemporains aussi divers et variés que
Seyminhol,
Vision Divine,
Norther,
Arch Enemy témoignent, sont des preuves irréfutables de la qualité de ce groupe.
Avec le recul, analyser froidement cette œuvre pour autre chose que ce qu’elle est, c'est-à-dire un bon album manquant quelques peu de puissances, sacrifiant son côté Heavy au profit d’un
Hard-FM séduisant, et en ne se laissant pas aveugler subjectivement par les frasques quelques peu sur jouées d’attitudes ultra calculé de nos permanentés venant du froid, s’avère une mission quasiment impossible.
Europe restera pour toujours le groupe conspué, honteux et honni par tous une partie de fans en mal de sensations radical. Hué et vilipendé, certes, mais souvent pour de mauvaises raisons et c’est bien dommage
Merci pour la chronique Lolo.
Si vous n'etes pas fan de Hard FM, mais que vous etes ouvert à tous les styles, cette galette doit figurer dans votre discographie.
17/20
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