Pour beaucoup la simple évocation du nom d’
Europe est source d’une franche rigolade teintée d’un mépris à peine voilé. C’est le souvenir conspué de manière dédaigneuse tantôt pour une coupe de cheveux permanentée, tantôt pour une musique bien trop mièvre. C’est le regard de l’intransigeance obtus pour ces chansons bien trop fédératrices (si tant est que cela puisse être un défaut), pour ces couplets aux sons bien trop éloignés de ce mouvement de radicalisation amorcé avec l’émergence du Black
Metal, l’apogée du Thrash, la naissance du Death
Metal…
Je pourrais continuer ainsi à énumérer ad vitam aeternam tous les maux, et le mépris qu’inspire ce groupe à certains. Il y a sans doute du vrai dans tout ce qu’on reproche à la bande à
Joey Tempest, pourtant ces stigmates, accentués par le succès phénoménal et la gloire grisante, sont surtout jugements valables pour le
Europe de The Final Coundtown. C’est celui-là qui, en effet, promène ses boucles blondes, dont chaque mouvement fait frémir sur les scènes du monde entier des foules entières de jouvencelles étourdies. C'est celui-là qui prend des postures surjouées complices, et dont chaque attitudes calculées fait frissonner les mêmes demoiselles, aux sons de titres bien trop aseptisés dont chaque intervention de synthé vient altérer et masquer outrageusement les harmonies accrocheuses des guitares. Pourtant il y eut une vie avant
The Final Countdown.
Et elle commence en 1983 avec cet album éponyme. Un disque où, dès les première notes, l’élément étonnant, qui nous frappe d’emblée, c’est la teneur de ce son très feutré, plutôt grave, qui enrobe cette musique lui donnant un parfum très seventies. On le ressent d’autant plus fortement en s’intéressant de plus près au jeu des toms et des grosses-caisses de Tony Reno, mais aussi en écoutant les guitares de
John Norum. Ce son est particulièrement cohérent dans la mesure où les morceaux d’
Europe sont très influencés par le Rock et le
Hard Rock des ces années-là. On peut considérer le choix singulièrement audacieux alors que la tendance de l’époque est plutôt à l’éloignement allant, au contraire vers des productions aux sonorités de plus en plus claire, des sons de plus en plus secs, et donc de plus en plus distinct.
Un deuxième élément, non moins marquant, est l’absence quasi-totale de claviers. Quelques airs viennent bien en enrichir, de-ci de là, une intro, un titre, mais avec une sobriété et une parcimonie dont on ignorait
Europe capable. Le principal instrument de mélodie est donc bien ici la guitare, et la voix.
Un troisième élément, est ce chant. Beaucoup seront ahuris de découvrir un
Joey Tempest dans un registre un peu plus grave, un peu plus forcé, mais aussi, de temps à autre, malheureusement, un peu plus approximatif. Il nous offre également, parfois, des choix un peu saugrenus, dangereusement caricaturaux; ainsi les premiers aboiements (comment les appeler autrement) ? d'In The Future To Come, témoignent d’une jeunesse mal contrôlé et d’un petit manque de discernement.
Un quatrième élément, le plus important, est la nature de compositions proposées. Résolument
Hard Rock, bien loin des mélodies faciles, des arrangements peaufinés à l’extrême, des refrains convenus fédérateurs, elles témoignent d’un potentiel enthousiasmant, mais elles sont encore bien trop immatures pour être totalement captivante, du moins pour l’instant. Certaines des chansons de cet
Europe pourraient même aisément s’apparenter, dans une certaine mesure, à un Heavy aux riffs pesants, agrémentés de rythmes enlevés, et ce grâce au jeu de doubles grosses-caisses de Tony ; rendant quasiment méconnaissable le groupe tant fustigé par nos butors évoqués au début de ce pamphlet. Citons pour étayer le propos les morceaux Memories et l’instrumental Boyazont. D’autres pourraient aussi s’apparenter à cette description, la double grosse-caisse en moins, tel l’excellent The Child Has Gone.
The King Will Return et Word Of
Wisdom sont, quant à eux, les deux morceaux les moins réussis, hésitant entre deux genres bien distincts, la ballade romantique dans les couplets, et un
Hard plus énergique dans les refrains. En ce sens, ils naviguent dans une mixture douce-amère, là où le choix unique de l’homogénéité se serait avéré, selon moi, plus judicieux.
Dans l’ensemble, aussi surprenant que cela puisse paraître, et en dehors des caractéristiques des pistes décrites jusqu’à maintenant, le reste de l’album nous propose une musique aux riffs plutôt lourds, ou Heavy, adoucit par la côté mélodique du chant de
Joey Tempest. Ce mélange donnant naissance à un art à la croisée du
Hard-Rock et du Heavy Mélodique de très bonne facture. Pour terminer notons le caractère exceptionnel des soli de
John Norum qui ajoute encore du relief à ces chansons, et donc à cet album.
Un premier pas avec pas mal de défauts dus principalement à l’inexpérience, mais aussi beaucoup de vertu, dont le retentissement fut discret (excepté au Japon grâce, entre autres, au morceau
Seven Doors Hotel).
Une excellente curiosité à découvrir ou à redécouvrir.
J'aime beaucoup cet album qui propose une belle entrée en matière des jeunes suédois et un talent déjà bien présent. De jolies compos bien mélodieuses et les solos de John Norum, du pur bonheur. Ahhh la triplette Seven Doors Hotel/The King Will Return/Boyazont...énorme.
Le style reste accessible puisque c'est la marque de fabrique du groupe mais aussi plus percutant que The Final Countdown, album en demi-teinte et plus mitigé que je place d'ailleurs en dessous de celui-ci(et WOT mon favori) pour des raisons évidentes.
Raisons qui causeront d'ailleurs le départ de Norum du groupe jusqu'à la reformation en 2004.
Très belle chronique pour l'ex-fan que je suis d'Europe depuis 1985 (et que je suis toujours un peu dans mon coeur) que je prend plaisir à lire.
Objective, elle illustre exactement tant la teneur de l'album que, plus généralement, l'esprit d'Europe perçu aussi bien pour les profanes (auditeurs de variétés et autres qui ont incontournablement connu le célèbre "Final countdown") que pour les membres de notre grande famille du Hard / Metal.
Europe, on adore ou on déteste. Mais quand on adore comme c'est mon cas, une telle chronique est un délice à lire et à méditer. Alors merci à son auteur.
Mondialement connu et reconnu grace à leurs méga tubes: The Final Countdown et Carrie, Europe a tout de suite été catalogué groupe pour midinettes, à juste titre , vu le look très sexy que les suédois arborait.
Moi meme, j'avoue que je ne connaissais Europe que par ces 2 titres qui passaient en boucle sur MTV.
Alors, je me suis dit que les suédois valaient quand meme autre chose et j'ai voulu me plonger dans leur discographie.
J'ai donc écouté ce 1er album et j'ai été agréablement surpris, certes ce n'est pas révolutionnaire, mais c'est du bon Hard Rock avec une pointe de Heavy Metal par moments.
16/20
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