Pour comprendre l’état d’esprit d'
Europe à la genèse de cette nouvelle œuvre, il convient de se rappeler que le groupe, à ce moment là, est véritablement acculé par les incertitudes suscitées après la sortie d’un
Out of This World aux accents mélodiques bien trop prononcés, aux guitares presque absentes, aux prises de risques à la fois trop peu importantes et à la fois complètement ratés, et à l’inspiration artistique essoufflée. Cet opus marque incontestablement une rupture importante au sein d’une communauté divisé par le cas
Europe. En effet jusqu’à présent seuls les détracteurs les plus farouches des comparses de
Joey Tempest avaient craché leur fiel sur cette musique bien trop mièvre, bien trop harmonieuse, ignorant ainsi, de manière totalement arbitraire, inique et imbécile, l’immense talent de musiciens de ces cinq suédois. Avec cet
Out of This World moyen,
Europe entache véritablement son aura, sème un trouble qui, bien que léger, signera les prémices d’une déconvenue auprès, même, de la frange la moins subjective de ces adeptes. L’expression de ces doutes, de la part de ces partisans les moins aveuglés, aura un retentissement sans précédent sur les choix et donc sur la musique même du groupe.
Véritablement en danger,
Europe décide donc de mettre toutes les chances de son côté et ce, afin d’offrir à son public, et aux autres, un album, enfin, à la mesure de son talent. Pour se faire il va s’adjoindre les services du producteur Beau Hill (
Warrant,
Ratt…). S’il est difficile de dire qui est réellement l’instigateur le plus convaincu et le plus acharné du repositionnement musical qui va avoir lieu, car il va avoir lieu, il serait absurde de penser que le producteur y est totalement étranger. Un premier pas clair en ce sens aura sans doute été fait par le groupe, et notamment par la sélection de l’homme derrière les manettes.
On peut aussi penser que ce choix artistique d’une musique différente est l’œuvre d’un travail partagé de concert par des artistes travaillant tous ensemble. Si le détail du maître d’œuvre de cette décision forte n’est pas des plus importantes, ces conséquences le sont sans aucun doute.
Car, en effet, dès l’entame de ce disque les desseins y sont très clairement définis.
Europe y affirme avec détermination son engagement vers une musique plus Rock.
Plus Rock, peut-être, mais certainement pas moins mélodiques. Car si sur les fondements d’une intro aux riffs, peut-être pas exactement bluesy dans le sens le plus traditionnel de ce terme, mais assurément dans l’acception de son aspect d’authenticité, il nous offre un
All or Nothing énergique et réussi qui vient aiguiser notre intérêt. Ce morceau, dans lequel les éléments mélodiques sont les résultats de la complémentarité, essentiellement, guitare/voix, dont on devinait que l’union, d’une part, d’un Joey excellant, et d’autre part d’un Kee ayant le talent suffisant pour que cette association donne le meilleur, donne la tonalité. Et nul autre artifice, ou si peu, vient contrarier cette entente harmonieuse, car l’autre facteur primordiale de ce premier morceau est qu’il ne contient pas, ou peu, de clavier et qu’on peut, enfin, y entendre les autres instruments comme les éléments centraux de la composition. Cette bonne surprise, véritable ligne directrice de l’album, ainsi que son orientation clairement plus Rock, en sont les deux piliers essentiels de ses qualités les plus évidentes.
Parler de sincérité pour cette œuvre n’est pas anodin, tant on y ressent la franchise avec laquelle
Europe se met à nu.
Une maestria dans laquelle ce nouvel amalgame musical aux titres intensément Rock, intensément enivrant, s’exprime avec des chansons telle que Little Bit Of Lovin’,
Bad Blood ou Girls From Lebanon. Mais aussi avec des titres plus romantiques s’intégrant parfaitement à l’ensemble telle que les ballades I’ll
Cry For You ou encore tels que l’excellent Prisonners in
Paradise. Passer sous silence l’incroyable Got Your Mind in the Gutter ne serait que pure hérésie soufflé par la stupidité des opposants, les plus ouvertement fermé d’esprit, d'
Europe. Ce titre succulent avec son intro bluesy, dans laquelle Joey susurre suavement ses mots, nous entraîne sur des territoires inconnus et, malheureusement, trop peu exploré par le groupe.
Au fond, il est assez paradoxal de se dire que, finalement, c’est sans doute avec son album le plus inspiré, le plus diversifié, le plus réussi en somme, qu'
Europe finira par s’éteindre. Une partie de l’explication tient certainement dans le contexte de l’époque (contexte où le paysage musical
Hard Rock et
Metal étaient en pleine mutation, avec des attentes toujours plus grandes d’un public pour des œuvres toujours plus virulentes et agressives).
Après un décevant " Out of this World " Europe revient en force avec un excellent album, plus rock, plus pechu. La suite ne sera plus de la meme veine, malheureusement.
18/20
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